dimanche, décembre 3, 2023
Culture

ÉDITION EN AFRIQUE DU NORD : BLOCAGES ET MUTATIONS

En Tunisie, le prix du livre reste élevé, les subventions sont généralement dérisoires et beaucoup de celles qui sont annoncées sont rarement honorées. Le prix moyen d’un livre approche les 120 dinars, ce qui le rend inaccessible à la majorité des jeunes issus des classes populaires. La promotion du livre qui était une réalité pendant le règne de Bourguiba et même les premières années de Ben Ali a progressivement périclité pour devenir plus symbolique qu’effective. Le rôle de l’institut français de Tunisie est important mais il est loin de suppléer à la défaillance des pouvoirs publics en la matière. Sur les 270 maisons d’éditions recensées seules une petite quarantaine sont actives. 

La faiblesse de l’édition est cependant compensée par le livre en ligne et le recours à l’autoédition qui se substitue de plus en plus à l’édition à compte d’auteur. Dans des villes comme Tunis, Sfax, Sousse ou Kairouan, un auteur pugnace peut trouver des réseaux d’amateurs qui dirigent et conseillent de jeunes talents. 

Dans ce pays, les évolutions politiques récentes peuvent être des contraintes supplémentaires pour la circulation de l’écrit en français. Le salon du livre de Tunis est un événement populaire. Il a été reporté en 2020 pour cause de pandémie. Cependant, cette année, les milieux culturels tunisois n’hésitent pas à mettre les tergiversations qui ont précédé sa tenue sur le compte de l’allergie qu’éprouve le président tunisien pour la langue française. En effet, Kaïs Saïed qui parle couramment français signifie cette répulsion en recourant à un arabe quasiment ésotérique.

En Algérie, le salon international du livre est une manifestation dont l’intérêt culturel et économique ne se dément jamais. Des maisons d’éditions comme Casbah, Chihab, Frantz Fanon ou Barzach parviennent à maintenir un rythme de publications régulier et souvent de bonne facture. Leurs réseaux de distribution sont généralement fiables et la presse écrite donne des pages critiques qui attestent d’un lectorat fidèle et averti. Il demeure que le livre est également hors des bourses des classes populaire. Un livre de 300 pages coute environ 1200 dinars algériens. Ces dernières années les autorités qui voient mal la permanence d’une production littéraire libre et critique jouent sur le verrou logistique. L’importation de papier est sujette à quotas et les imprimeurs doivent jongler pour satisfaire les quantités demandées par les maisons d’édition. De plus et contrairement à ce qui fut longtemps le cas, le prix du papier a considérablement augmenté ; sans compter les ruptures de stock qui peuvent perturber les programmations des éditeurs, provoquant des retards de publication et des découragements dans les rangs des jeunes auteurs.  En Algérie plus qu’en Tunisie, la littérature francophone est largement plus demandée que l’écrit arabophone. L’écrivain Amin Zaoui a, entre autres, réussi sa reconversion en français parce que le marché est bien plus porteur. L’homme dont la plume audacieuse fait grincer les dents conservatrices n’aurait probablement pas rencontré le succès qu’il connait s’il avait limité sa production à la seule écriture en arabe.  

La situation au Maroc est différente. Les maisons d’éditions sont généralement des branches annexes d’entreprises d’impression, de distribution ou de transport. La durée de scolarisation étant moins poussée que chez ses deux voisins de l’est fait que la lecture y est moins massive. En 1998 seule la moitié des livres étaient édités par des maisons d’édition. Le reste était le fait de particuliers. Néanmoins, les dix années de gouvernement islamiste ont considérablement affecté l’édition française. 

Des observateurs estiment cependant que dans les prochaines décennies, la réintroduction massive de l’enseignement du français dans le système éducatif fera du Maroc le premier pays francophone de l’Afrique du Nord. Là encore on enregistre une nette progression de l’autoédition ces dernière années. 

En Afrique du Nord, les prix littéraires ne connaissent pas de grande notoriété. Quand elles existent, ces distinctions sont souvent des initiatives d’autorités locales ou d’associations de la société civile. 

Comme pour ce qui est déploré pour la question des organisations des droits humains (voir article Droits humain en Afrique du Nord) on relève qu’aucun salon du livre nord- africain n’a été organisé. C’est toujours à Paris qu’a lieu le salon annuel du livre de la région MENA.          

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