dimanche, décembre 3, 2023
Politique

TUNISIE : L’ANCIEN MINISTRE DE LA JUSTICE « KIDNAPPÉ » PAR LA POLICE

L’ancien ministre de la justice et dirigeant historique du parti Ennahdha, Noureddine Bhiri a été enlevé ce matin vers huit heures par des agents en civil devant sa femme, Saïda Akremi qui s’apprêtait à le conduire à son travail. Cette dernière accuse « Kaïs Saïed d’avoir kidnappé son mari ». 

Son témoignage décrit les circonstances rocambolesques de cette intervention : « Une voiture noire et un véhicule 4X4 (nous) ont barré la route.  Quatre agents en tenue civile ont ouvert les portes de ma voiture et nous ont tirés de force hors du véhicule. Ils nous ont agressés et m’ont confisqué mon téléphone ainsi que les clés de la voiture. Ils nous ont crié dessus et insultés. Les agents ont dit que leur action était consécutive à des « instructions. » 

 Selon madame Bhiri, le procureur général près la Cour d’appel, le procureur près du Tribunal de première instance, le procureur du tribunal militaire ainsi que la ministre de la justice qu’elle a contactés ont tous nié être au courant de cette arrestation. 

Ce n’est qu’en fin de matinée que des avocats proches de M. Bhiri ont appris que ce dernier serait assigné à résidence en dehors de son domicile. Se référant à des sources proches du ministère de l’Intérieur, plusieurs médias de la place ont confirmé que M. Bhiri avait été placé en résidence surveillée dans un lieu tenu secret sur instruction du ministre de l’Intérieur (et directeur de la campagne de Kaïs Saïed à Sousse en 2019), Taoufik Charfeddine. Les services de communication de ce dernier n’ont pas démenti l’information.

En attendant de connaître les auteurs et les mobiles de cet enlèvement, la légalité de cet acte est d’ores et déjà posée, car il contrevient à toutes les procédures légales connues. D’autant que Noureddine Bhiri, par ailleurs avocat, devrait se voir appliquer des conditions particulières (Décret-loi 79, art. 46).

Hormis Ennahdha qui réclame la libération immédiate de son dirigeant, les réactions des partis et personnalités politiques sont peu nombreuses pour l’instant. Selon Ahmed Nejib Chebbi, figure historique de l’opposition de gauche à Bourguiba et Ben Ali, « cet enlèvement s’ajoute à la longue liste des violations de la loi et est une menace pour les libertés individuelles et publiques. Cette décision provocatrice représente une menace pour la paix civile et la sécurité publique alors que la situation sociale et régionale est très mouvementée ».  

En effet, il s’agit là d’un dangereux précédent en forme de provocation dont la logique serait de pousser les principales parties prenantes à la crise politique, Kaïs Saïed et Ennahdha, à l’affrontement direct et violent. Il participe du raidissement et de la crispation du chef de l’Etat perceptibles depuis quelques temps, singulièrement sur le secteur de la justice.

Au même moment, Kaïs Saïed installait dans ses fonctions le nouveau gouverneur de Tunis, peu au fait de l’administration territoriale puisqu’il n’a exercé jusqu’ici qu’au ministère des finances en tant que chef de bureau. Son mérite semble –t-il est d’avoir participé à la campagne du président (comme les walis de Bizerte, Ben Arous ou Tataouine, nommés récemment) et d’être l’époux d’une des conseillères de l’ombre de Kaïs Saïed, elle-même ancienne égérie de la gauche socialiste panarabiste.

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