RAPPORT DE L’ONU SUR LES DROITS HUMAINS EN ALGÉRIE : ‘’ LES LOIS DOIVENT ÊTRE CONFORMES AU DROIT INTERNATIONAL ‘’ Par Kamel AMARI*
Après le rapport de la Banque mondiale, sévèrement attaqué par les médias officiels algériens, provoquant un tollé dans l’opinion publique avant de voir le premier ministre, qui est aussi ministre des finances, déplorer le fait que « « certains médias ont exagéré dans l’analyse de la teneur du rapport de la Banque Mondiale, en le présentant comme un document uniquement négatif », c’est le tour des experts des instances onusiennes de dresser le 27 décembre dernier un rapport critique sur la situation des droits humains en Algérie. Le texte de 14 pages, est signé par cinq (05) rapporteurs dont Fionnuala Ni Aolàin, rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste.
Les rédacteurs ont rappelé le contexte d’adoption le 30 juillet 2021 par les autorités algériennes des textes relatifs aux atteintes aux droits humains et dispositions de lutte contre le terrorisme en faisant référence à l’ordonnance no 21 -08 modifiant et complétant l’ordonnance no 66-156 du 08 juin 1966 du code pénal qui stipule : ‘’ Est considéré comme terrorisme ou sabotage, tout acte visant la sûreté de l’État, l’unité nationale et la stabilité et le fonctionnement normal des institutions par toute action ayant pour objet de : – Œuvrer ou inciter, par quelque moyen que ce soit, à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par tous les moyens non constitutionnels, porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou inciter à le faire, par quelque moyen que ce soit. ‘’
Les militants démocrates avaient aussitôt dénoncé cette promulgation comme une criminalisation de la pensée et l’action politiques.
Même s’il n’existe pas de définition unique sur le terrorisme, trois critères doivent cependant être inclus dans tout texte de loi pour qualifier un acte de terrorisme selon des termes qui soient compatibles avec les conventions internationales : ‘’– Les moyens utilisés doivent être mortels, l’intention de l’acte doit être de susciter la peur au sein de la population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à faire ou à s’abstenir de faire quelque chose, l’objectif doit être de promouvoir un objectif idéologique ‘’.
Au regard de ces considérations, les rapporteurs onusiens estiment que tel que reformulé par les autorités algériennes, l’article 87 bis qui va à l’encontre des critères susmentionnés ‘’ pourrait avoir un impact nuisible sur les libertés d’expression, d’association, de réunion pacifique compte tenu du contexte socio-politique algérien actuel’’.
Devant le risque d’interprétation erronée des dispositions de lutte contre le terrorisme qui peuvent ouvrir la voie aux pressions et attaques contre les militants de la démocratie, les défenseurs des droits humains, les journalistes ou tout autre activiste, un ensemble de recommandations sont émises au gouvernement algérien en vue de revoir ses textes de loi afin de les adapter au droit international.
D’autres remarques sont énoncés par les experts. Elles concernent la liberté d’expression et d’association, ainsi que l’élaboration de la liste des personnes ou entités terroristes identifiées selon les normes internationales en vigueur afin de réduire le pouvoir discrétionnaire des autorités et préserver le principe de présomption d’innocence.
Il y a lieu de rappeler que des centaines de détenus d’opinion sont emprisonnés en Algérie suite à l’application de lois non conformes au droit international alors que le pays a ratifié l’essentiel des conventions et traités internationaux tels que la déclaration universelle des droits de l’Homme, le pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la convention internationale pour la répression du terrorisme…; dont la lettre et l’esprit sont contredits par les dernières modifications du droit algérien sur le terrorisme. Ce sont ces contradictions que pointe le rapport du 27 décembre. Pour l’instant Alger n’a pas réagi à la publication de l’ONU.
* Journaliste.