ALGÉRIE : RAISONS DE LA VIRULENCE CONTRE LA BANQUE MONDIALE
Algériens comme étrangers ont été sidérés par la virulence des deux dépêches émises par l’APS le 28 décembre et le mardi 4 janvier contre le rapport de suivi de l’économie algérienne de la Banque mondiale (BM). Ces deux écrits ont surpris pour deux bonnes raisons.
La première est que l’APS est connue pour être le porte-voix des cercles occultes et influents du pouvoir algérien. Ces deux messages ne sauraient donc être interprétés comme des dérapages médiatiques émanant de journalistes zélés. Ils représentent bien la position du pouvoir de fait, en tout cas, ils expriment le point de vue du clan dominant actuellement.
La seconde raison qui interroge et perturbe analystes et observateurs renvoie au fait que ces deux invectives, que rien ne justifie puisque ledit rapport a été soumis, avant publication, aux autorités algériennes, ont eu un effet absolument dévastateur sur un pouvoir algérien déjà bien isolé sur la scène régionale et internationale. Et ce ne sont pas les chèques offerts à l’Autorité palestinienne ni celui octroyé au régime de Kaïs Saïed qui desserreront les pressions étranglant Alger. Quarante-huit heures après avoir été reçu en grande pompe à Alger, le président Mahmoud Abbas conférait avec les services de sécurité de « l’entité sioniste » ; de son côté, le président tunisien est empêtré dans une crise politique et sociale dont nul ne sait quand, comment ni dans quel état il va sortir.
L’attitude d’Alger est si burlesque et incompréhensible que des amateurs de billard à deux voire trois bandes assurent que ces bourdes sont délibérément provoquées par les segments du pouvoir les plus lucides pour précipiter la chute d’un régime sans sève ni idée afin de recomposer de l’intérieur des équilibres claniques largement affectés par les emprisonnements, les relégations ou les jeux de chaises musicales qui n’en finissent pas de rythmer les promotions-destitutions dans les institutions, armée comprise.
Même les partenaires historiques, comme la Russie, hésitent à apporter un soutien franc à Alger tant ils sont désappointés par les incohérences des décisions d’un pouvoir sans boussole.
À peine Lamamra a-t-il commencé à donner un semblant de visibilité à la diplomatie algérienne qu’il est l’objet d’une nouvelle cabale. La sollicitude dont est l’objet le président tunisien, lui aussi asphyxié sur la scène internationale, est dissoute, et de quelle manière, par la dernière dépêche de l’APS qui traite de « personnage douteux et malsain » le tunisien Farid Belhaj, seul relais à l’international sur lequel compte Kaïs Saïed pour sensibiliser les institutions financières internationales sur une économie tunisienne exsangue. La nomination de Aïmen Benabderrahmane comme chef du gouvernement (tout en lui laissant la charge du ministère des Finances) avait comme seul et unique objectif de ne pas compliquer les rapports avec la BM et le FMI où il avait eu le temps de tisser des relations stables et fiables. Or, c’est l’une de ces institutions que pilonne l’APS et c’est l’homme censé veiller à émettre des messages crédibles, ou du moins audibles, qui vient d’être cloué au pilori par le média des gorges profondes d’Alger.
L’explication la plus plausible à ce qu’un ancien diplomate européen en poste à Alger, aujourd’hui en retraite, définit comme un capharnaüm est peut-être donnée par un cadre du ministère des Finances qui requiert l’anonymat et auquel adn-med a demandé son avis sur un scénario qui, selon lui, participe autant de l’incompétence que de la sénilité politique :
« Je partage l’étonnement de tous devant la réaction violente suite au rapport de la BM, surtout que je l’avais lu avant.
Les raisons qui me viennent à l’esprit pour expliquer cette foucade sont au nombre de trois.
D’abord l’indigence de la pensée au niveau le plus élevé. N’y trouvant, pour ma part rien d’excessif, je sais que les conclusions du rapport se basent, en effet, sur les données fournies par notre administration. Casser le thermomètre n’est pas très indiqué pour faire baisser la fièvre, n’est-ce pas ?
Ensuite, les affres de la crise (qui ne surprend que les non avertis) poussent les responsables à une fuite en avant face à ses multiples effets sociaux.
Enfin, il semble que ce rapport, certainement plus lucide ou moins complaisant dans ses conclusions que les précédents, est un message des US, pour exprimer leur ras-le-bol devant l’incurie générale qui prévaut au pays à tous les niveaux. Chose qui, au lieu d’interpeller les intelligences, a, au contraire, rendu furieux les responsables ».
Combien de temps le bateau ivre Algérie pourra-t-il encore éviter les récifs ?