dimanche, décembre 3, 2023
Politique

APAISEMENT ENTRE ALGER ET PARIS : JUSQU’À QUAND ?

L’ambassadeur d’Algérie en France, Mohamed Antar Daoud, regagne son poste ce jeudi après trois mois d’absence de la capitale française. La brouille on, s’en souvient, était née suite à la déclaration faite par le président Emmanuel Macron à des descendants de protagonistes de la guerre d’Algérie devant lesquels il affirmait que depuis l’indépendance, le système algérien vit d’une « rente mémorielle » entretenue par « un pouvoir politico-militaire », ajoutant que l’on pouvait même se poser la question de l’existence de la nation algérienne avant la colonisation française.

Si la première partie du propos ne souffre d’aucune contestation tant du point de vue du chantage mémoriel dont use et abuse le système FLN que de la définition du régime algérien, la deuxième affirmation est, à tout le moins, hasardeuse. Le processus de formation d’une conscience nationale n’est pas identique chez tous les peuples. S’il a fallu plusieurs siècles à certaines communautés pour construire un sentiment d’appartenance collective, la violence coloniale, justement, a soudé en peu de temps des populations qui, effectivement, n’avaient pas avant 1830 un vécu institutionnel structuré. Une guerre de libération comme celle qu’a menée le peuple algérien, permet de faire naître une identité nationale bien plus rapidement que ce que nécessitent d’autres expériences historiques. Et d’ailleurs, pourquoi avoir lié une dénonciation d’une junte décriée par le peuple à une remise en cause, par ailleurs discutable, d’une matrice dans laquelle se reconnait le peuple algérien que le chef de l’État français aurait été bien inspiré de ménager. En l’occurrence, le « en même temps » fut en tout point contre-productif puisqu’il a acculé des citoyens qui abhorrent le FLN à se mettre dans la même tranchée que lui. 

Ce n’est pas dans la lecture du passé que réside le fond du contentieux algéro-français mais bien dans la gestion actuelle et future des relations des deux pays. 

Du côté français, l’Algérie sert encore de levier de pression que la gauche essentiellement – qui se pose en dépositaire voire en tuteur de la cause algérienne – utilise pour gêner des adversaires de droite, encore nostalgiques de la grandeur de l’empire, notamment quand pointent des enjeux électoraux qui impliquent une part substantielle de la communauté émigrée ou celles et ceux qui en sont issus. 

Pour le pouvoir algérien, l’instrumentalisation de la culpabilité post-coloniale, quand bien même aurait-t-elle considérablement perdu de son acuité chez la jeunesse, restera un outil privilégié à chaque fois qu’il aura besoin de s’octroyer une légitimité, que ni son mode de fonctionnement ni son bilan ne peuvent lui offrir. 

Comme l’intégration de la communauté d’origine algérienne ne sera effective que lorsque la laïcité sera protégée des fluctuations dont jouent les uns et les autres pour faire valoir leurs spécificités et que l’illégitimité du pouvoir algérien demeurera pendante tant que l’armée tiendra le pays, on peut, sans être grand devin, annoncer à plus ou moins brève échéance d’autres frictions dont l’intensité sera étalonnée par les aléas des politiques intérieures qui les auront suscitées. 

Les accès de fièvre qui perturbent les relations algéro-françaises sont comme les risques terroristes. La question n’est pas de savoir s’il y aura crise mais de pouvoir prédire quand elle aura lieu et quel en sera le coût.     

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