CRISE MALIENNE : VERS UN DEUXIEME SAHARA OCCIDENTAL ?
Au cours du week-end dernier, la communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) a tenu une réunion extraordinaire au cours de laquelle elle a reconduit et même renforcé les sanctions prises le 12 décembre à l’encontre de la junte militaire malienne, considérant que la transition de cinq ans et demi annoncée par cette dernière était « totalement inacceptable ».
Parmi les nouvelles sanctions, on relève le rappel des ambassadeurs accrédités à Bamako, la fermeture des frontières terrestres et aériennes, l’arrêt des transactions commerciales et financières (avec quelques exceptions dont on ne connait pas les détails) et le blocage de l’assistance financière.
Le Mali n’a pas tardé à réagir en rappelant, lui aussi, ses ambassadeurs et en fermant ses frontières avec les États membres de la CEDEAO. On note néanmoins qu’à court terme, la réactivité des militaires de Bamako peut s’avérer être plus une posture qu’une stratégie puisque lundi soir, le chef de la transition malienne, le colonel Assimi Goita, admirateur du défunt burkinabé Thomas Sankara et du Ghanéen Jerry Rawlings, s’adressant à la nation – tout en invitant à l’unité et au calme – a affirmé qu’il demeurait ouvert au dialogue.
La crise malienne implique désormais plusieurs intervenants. Même si les milices Wagner ne sont pas officiellement déployées, l’assistance militaire de Moscou donnée comme coopération portant sur la formation et la logistique est établie. La France mise en difficulté par les jeunes officiers maliens évite le face à face avec eux et compte sur une CEDEAO très francophile. L’Algérie qui s’est rapproché de la Russie à la faveur de la crise qui l’oppose au Maroc marche sur des œufs. Tout en souhaitant le retour à l’ordre constitutionnel, elle recommande la retenue et assure de sa disponibilité pour faciliter le dialogue entre les différentes parties, sachant que sur l’Afrique de l’ouest, le Maroc a plusieurs longueurs d’avance tant du point de vue de la coopération économique et culturelle que de la convergence diplomatique.
Enfin, Monsieur El Ghassime Wané, envoyé spécial du secrétaire général de L’ONU a déclaré qu’« une impasse prolongée rendra beaucoup plus difficile la recherche d’une issue consensuelle, tout en augmentant les difficultés pour la population et en affaiblissant davantage les capacités de l’État », déclaration qui vient ajouter une pression supplémentaire sur la junte.
Autant dire que la situation est bloquée et qu’elle dépend autant du bras de fer que livre Poutine à l’Occident en Ukraine et des concessions qu’il obtiendra sur ce qu’il considère être son arrière-cour que d’une hypothétique marge de manœuvre d’une junte militaire qui affronte une accélération de la misère et de l’analphabétisme et se trouve maintenant coupée de ses partenaires régionaux traditionnels.
Même si la situation de base n’est pas de même nature, le risque de voir la crise malienne perdurer préoccupe les partisans de la paix dans le Sahel. En se chronicisant, le conflit constituerait un autre abcès dans la zone qui s’ajouterait au climat de ni guerre ni paix du Sahara occidental dont les conséquences sur la stabilité et le développement de l’Afrique du Nord sont déjà lourdes.