mardi, novembre 28, 2023
Politique

ALGÉRIE. DIPLOMATIE DE LA FRONDE : TACTIQUE OU STRATÉGIE ?

Ce mardi, l’assemblée nationale algérienne annonce en grande pompe le développement de la diplomatie parlementaire avec le Venezuela. 

Soutien aux putschistes maliens (et pas à ceux du Burkina Faso), silence assourdissant devant la répression sans état d’âme de l’armée soudanaise,  fascination envers Al Sissi, dont, pourtant, suprême humiliation, l’ambassadeur au Maroc avait tenu à rappeler la reconnaissance de « la marocanité du Sahara » par l’Égypte au moment même où Tebboune effectuait une visite officielle au Caire, solidarité jamais démentie pour Al Assad ; on serait bien en peine de trouver dans le Sud un régime despotique à l’endroit duquel le pouvoir algérien aura été pris en défaut de disponibilité ou de sollicitude. On peut d’ailleurs supposer qu’Alger aurait affiché moins de générosité pour le tunisien Kaïs Saïed s’il n’avait pas été un personnage si rigide. 

Cette conception des relations internationales n’a rien d’aléatoire. À peine installé, le chef de l’État algérien avouait qu’un « islam politique à la turque » ne lui posait pas de problème. 

Depuis ce mardi donc, on apprend que les Algériens installent officiellement « les cadres du dialogue et de la connaissance entre les parlementaires algériens et leurs homologues vénézuéliens, en vue d’établir les passerelles d’amitié, à même de concrétiser davantage de rapprochement ». Le Venezuela est certes membre de l’OPEP, mais ce ne sont certainement pas les relations économiques et commerciales quasi nulles des deux pays qui sont à l’origine de cette relance de cordialité sentencieuse avec Caracas. 

Une dépêche de l’APS de ce mardi rapporte en effet que :  « Le président de la Commission des Affaires étrangères, de la coopération et de la communauté (sic) à l’APN, Mohamed Hani a présidé la cérémonie d’installation officielle du groupe d’amitié parlementaire “Algérie-Venezuela”, en présence de l’ambassadeur du Venezuela en Algérie, José de Jesus Sojo Reyes, en sus du représentant du ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger Abdallah Tamer, en sa qualité de directeur général au ministère, chargé de l’Amérique. La présidence de ce groupe parlementaire a été confiée au député Ahcene Hani (groupe des indépendants) ».

« Rarement installation d’un groupe d’amitié parlementaire a eu droit à tant d’égards protocolaires », s’étonne un député plusieurs fois réélu du parti islamiste HAMAS qui n’oublie pas de souligner que Maduro est « un clone de Chavez ». 

Donnant le la depuis plusieurs mois, les éditoriaux de l’organe de l’armée El Djeich, dénoncent vigoureusement les traîtres qui, entre autres, osent exprimer leur sympathie aux détenus d’opinion.   

À première vue, la trajectoire diplomatique assumant la collusion stratégique avec les régimes autocratiques ne dévie pas.  

Cette enfilade d’établissements de nouveaux liens ou de soudains renforcements de ceux qui existaient déjà avec des pouvoirs oligarchiques est cependant hachée par des décisions et orientations diamétralement opposées.

Invité de la radio RFI et de France 24 le 4 février, le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, dont il est permis de considérer que la parole a reçu la bénédiction des militaires, s’est méthodiquement employé à déminer le terrain diplomatique algéro-français largement dégradé suite à la crise aiguë déclenchée par le président Macron qui accusait en octobre 2021 « un régime politico-militaire » vivant « d’une rente mémorielle » qui cible la France. 

Sur les avions militaires français, auxquels est interdit l’espace aérien algérien, le ministre annonce tout de go qu’il s’agit « d’une mesure technique qui n’a pas vocation à durer éternellement », précisant que « des ponts de la coopération algéro-française sont en train de se remettre en place ». 

Poussant la prévenance encore plus loin, Lamara insiste : « Les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron ont une excellente relation personnelle. Ils se téléphonent (…) La communication entre les deux chefs d’État existe, elle est cordiale et confiante » même s’il prend, il est vrai, la précaution d’ajouter « qu’elle ne suffit pas pour masquer l’existence de problèmes ».

Comment suivre et lire ce yoyo diplomatique ? 

Une source proche du cercle présidentiel qui, selon ses termes, « a contribué de loin à recoller les morceaux avec Paris » confie : « Ces oscillations reflètent actuellement la réalité de l’exercice du pouvoir en Algérie. Une annonce importante faite la veille peut être reniée le lendemain du fait de la multiplication des centres de décision, d’une inversion des rapports de force ou parce que le ou les dirigeants qui l’ont prise ont changé d’avis à cause de l’impréparation ou, plus souvent, du doute qui pèse toujours plus sur le décideur quand son équipe manque d’assurance et de visibilité. Ces variations (bel euphémisme, NDLR) peuvent donc surprendre ceux qui ne connaissent pas ce genre de situation pas toujours agréable à vivre, même pour les dirigeants. Dans les périodes d’instabilité politique, les méfiances ou les peurs de personnes ou de groupes d’individus rejaillissent même sur les champs diplomatique ou sécuritaire. Un général a été éjecté de l’armée sans autre forme de procès pour avoir donné un avis technique peu enthousiaste sur l’opportunité et la pertinence de surjouer la partition militaire contre Rabat. Évidemment, ces incertitudes inhibent le travail des rouages subalternes de l’État qui hésitent à s’investir pleinement en amont sur les dossiers, ce qui peut fausser l’analyse des problèmes au sommet de la hiérarchie. » 

Les déclarations du ministre des Affaires étrangères qui plus est faites sur des médias français signifieraient-elles que les « faucons algériens » perdent de leur influence ? 

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