DIPLOMATIE ALGÉRIENNE AU PROCHE-ORIENT : DÉBOIRES ET DÉCALAGE
L’agence de presse marocaine MAP ne pouvait pas manquer l’occasion. Le jeudi 10 févier elle consacre un compte rendu jubilatoire à l’intervention prononcée mercredi à Ramallah par le président de l’Autorité palestinienne à l’occasion de l’audience qu’il a accordée à Abderrahim Meziane, nouvel ambassadeur du Royaume en Palestine. Si l’emphase des commentaires du média officiel marocain ne surprend pas, le contenu du discours du dirigeant palestinien, tenu deux mois à peine après la visite qu’il a effectuée à Alger – au cours de laquelle il avait reçu un don d’un million de dollars-, montre la distance qui sépare les surenchères algériennes de la vision de l’Autorité palestinienne quand il faut exposer ses visions de fond sur la scène proche-orientale.
Le président palestinien a « salué le rôle historique joué par feu SM Mohammed V, en tant qu’Amir Al-Mouminine, dans la protection des Juifs marocains contre le régime de Vichy et son ferme refus de les livrer aux nazis, soulignant que cette position historique reflète un cas unique et un courage rare d’une personnalité musulmane, dont les effets sont encore visibles aujourd’hui. »
Il faut rappeler que ces paroles ont été prononcées par un chef d’État recevant les lettres de créances d’un nouvel ambassadeur. Mais adressées à un représentant d’un pays voisin de l’Algérie qui vient d’établir des relations diplomatiques avec Israël, elles peuvent au minimum être interprétées comme une démarcation des postures d’un régime qui considère tout contact avec « l’entité sioniste » comme un casus belli.
Pour rappel, quarante-huit heures après sa visite à Alger, Mahmoud Abbas discutait avec les autorités sécuritaires israéliennes. Là encore, des responsables algériens tentent de relativiser le désaveu que constitue pour eux cet empressement à reprendre langue avec Israël, arguant que les Palestiniens sont bien obligés de discuter avec leurs adversaires. Certainement. « Mais quarante-huit heures ce n’est même pas assez pour dissiper l’odeur de la poudre des 21 coups de canons qui ont salué son arrivée » se désole un chef de rédaction d’un quotidien auquel il a été signifié d’ignorer l’information.
On apprend également que Mahmoud Abbas a reconnu « le leadership et le rôle pionnier joué par feu SM Hassan II en faveur de la cause palestinienne ».
On se souvient que lors de la conclusion des accords de Camp David, Yasser Arafat qui était parti vers les USA de Tunis avait fait une halte à Rabat au retour pour entretenir Hassan II des résultats de l’évènement avant de s’envoler vers la capitale tunisienne, sans avoir pris la peine de marquer une escale à Alger.
Autre dépit essuyé récemment par Alger dans la même région. Pendant que l’agence de presse officielle algérienne APS, célébrait les vertus de la visite entamée par Abdelmadjid Tebboune le 25 janvier 2022 au Caire, le maréchal Al Sissi demandait à son ambassadeur à Rabat de rappeler la reconnaissance par l’Égypte « de la marocanité du Sahara ».
Si les Palestiniens ne peuvent pas se défaire de l’encombrante proximité algérienne – qu’au demeurant ils font payer au prix fort-, ils cachent de moins en moins leur agacement de se voir instrumentaliser par une politique intérieure algérienne illisible.