ALGÉRIE : SOUTENU PAR L’ARMÉE, TEBBOUNE ENGAGE LA BATAILLE POPULISTE
Passant outre les recommandations des institutions financières internationales et les avis des experts nationaux, le gouvernement algérien vient de décider d’une allocation chômage de 13.000 dinars à tout jeune en recherche d’emploi et de maintenir les subventions des produits de première nécessité alors qu’initialement la loi des finances 2022 était conçue sur la base d’une orthodoxie budgétaire qui prévoyait la sortie du régime de l’assistanat général pour une politique sociale plus ciblée.
Entre temps, le prix du baril a flambé et décision fut prise d’adopter une gestion politique de la ressource financière du pays. Les réformes structurelles préconisées par le FMI et la Banque mondiale attendront. L’heure étant à la reprise en main du champ politique, la nostalgie boumedièniste inspire et guide le pouvoir : il faut donner à manger et mettre le bâillon au citoyen sitôt la dernière bouchée avalée.
Mardi, Abdelmadjid Tebboune redécouvrait devant des journalistes de la presse publique l’assurance des bravades des années soixante-dix. « Il n’y a pas de détenus d’opinion en Algérie » asséna-t-il, avant de déclamer les slogans de la doxa tiers-mondiste quant à la façon de concevoir la démocratie :
“la construction de la démocratie passe par une liberté d’expression réelle et responsable et non pas la liberté de sabotage”. Démocratie responsable, les Algériens ont déjà entendu cela bien avant octobre 88. Mais Tebboune qui avait déclaré que le taux de participation n’avait aucun intérêt dans une élection se souvient toujours de ceux qui l’ont fait roi. Il ne manque jamais une occasion de rappeler à ceux qui l’auraient oublié que le pays est tributaire de la décision de l’armée. Ce mardi encore, les téléspectateurs algériens ont eu droit à leur piqure de rappel : “Rédiger un article hostile à l’Armée nationale populaire (ANP), par exemple, est comme travailler dans une cinquième colonne mobilisée pour nuire au moral de l’armée, chose que certains ont fait en collaboration avec des ambassades étrangères”.
Le réchauffé sent le brulé mais peu importe. Le pouvoir algérien sait que les tensions du climat international autorisent tous les abus. Et il ne s’en prive pas. Quitte à utiliser le trésor public pour assurer la stabilité du régime au détriment du développement du pays.
Les dernières décisions ont irrité les responsables gestionnaires du secteur financier qui ont, à maintes reprises, averti contre « les risques des arrosages sans fin ». Pour avoir porté leur parole, le premier ministre Aïmane Benabderrahmane, qui fut responsable de la banque d’Algérie et délégué de son pays au FMI, vient d’être soulagé du portefeuille des finances qui était jusqu’à ce jeudi rattaché au premier ministère.
Pour rappel, le même dirigeant avait déjà été déjugé par l’APS et le président du Sénat Salah Goudjil quand il avait tenté de modérer les violentes et très peu diplomatiques attaques assénées à la Banque mondiale après la publication de son rapport de suivi sur la situation économique algérienne. (Voir adn-med : rapport de suivi, la Banque mondiale réagit).
Tebboune, intronisé par Gaid Salah, était donné comme l’une des premières victimes de la lessiveuse qui a essoré tous les affidés du défunt chef d’état-major. Contre toute attente, l’homme qui partage avec Bouteflika la mystique des retraites dans les zaouias du Sud, a survécu. Reste à savoir à quel prix ; pour le pays…et lui-même.