MAROC. VIOLENCES SOCIALES : PLUS DE 160 BLESSÉS ET AUTANT D’INTERPELLATIONS DANS UN STADE
Des affrontements particulièrement graves ont dégénéré ce dimanche au complexe Moulay Abdellah lors du match ayant opposé l’équipe des FAR (Forces armées royales) et celle du MAS, équipe de Fès, entrant dans le cadre des 16èmes de finale de la coupe du Trône.
Dans un bilan non exhaustif, la direction générale de sécurité nationale (DGSN) a fait état de 85 policiers blessés dont 63 ont dû être évacués vers divers hôpitaux de Rabat et 18 parmi les forces auxiliaires. La même source indique que 57 supporters ont été blessés et que 38 ont nécessité des soins de première urgence alors que vingt autres ont été hospitalisés.
Il a été procédé à environ 160 interpellations parmi lesquels on dénombre, toujours selon les services de la DGSN, 90 mineurs.
La violence n’a pas épargné les équipements et les dépendances du stade, l’un des fleurons des structures sportives marocaines. Dehors, 33 véhicules, dont certains appartiennent à la police ont été vandalisés ; une moto a même été incendiée.
Des témoins oculaires qui décrivent des déchainements d’une rare violence estiment que les chiffres officiels sont en deçà de la réalité et certains assurent avoir vu des blessés grièvement atteints.
Visiblement surpris, les services de police informent que des caméras de surveillance sont en cours d’exploitation pour rechercher d’autres coupables.
Bien que n’ayant pas été officiellement cernées, les origines de ces troubles faisaient déjà dans la soirée de dimanche l’objet de spéculations. Cet évènement survient en effet dans un contexte socio-économique difficile. À la suite de l’augmentation des prix des carburants, les transporteurs routiers ont déclenché une grève les 7, 8 et 9 mars qui a considérablement affecté le fonctionnement du secteur (voir adn-med du 9 mars. Maroc. Grève renouvelable des transporteurs routiers). Avec les risques de tension sur le marché du blé, suite à la guerre engagée par la Russie en Ukraine, les autorités redoutent une extension des conflits sociaux dans une conjoncture marquée par l’une des sécheresses les plus sévères que le royaume ait vécue ces dix dernières années.
Bien que loyaliste, la ville de Fès dont l’équipe jouait contre les FAR, est réputée conservatrice. Sans avoir massivement manifesté de position hostile, des écriteaux, quelques regroupements et même des prises de paroles publiques y ont contesté l’opportunité des accords d’Abraham qui ont vu le Maroc normaliser ses relations diplomatiques avec Israël. À ce stade rien ne permet d’établir des relations entre tous ces sujets même si des internautes n’hésitent pas à voir un lien politique dans un affrontement qui a opposé des supporters d’une équipe fassie à ceux du club des Forces armées royales.
Jusque-là, c’était la galerie du Stade Mohamed V de Casablanca qui était connue pour servir de caisse de résonance à l’humeur politique du royaume. Des tribunes se sont même spécialisées dans la fabrique de slogans brocardant un dirigeant, un groupe ou une décision politiques. Pendant la révolution citoyenne de février 2019 qui avait ébranlé les système politique du FLN, les spectateurs casablancais avaient régulièrement exprimé un soutien enthousiaste aux manifestants algériens alors que les officiels marocains s’étaient imposé un silence absolu.