dimanche, décembre 3, 2023
Politique

TUNISIE. LES PARLEMENTAIRES EUROPÉENS PRESSENT KAÏS AU DIALOGUE INCLUSIF

Après une visite qui a duré du 11 au 13 avril, la délégation de quatre députés, membres de la commission des affaires étrangères du Parlement européen, dirigée par Michael Gahler (PPE)  a publié un communiqué dans lequel il est souligné que suite à la révolution citoyenne de 2010 et malgré « les défis en cours de route, le monde est témoin d’une  amélioration sans précédent des droits et libertés fondamentaux en Tunisie » avant de pondérer cette avancée par une lourde réserve  puisque les parlementaires ajoutent : « Cependant, nous notons la concentration des pouvoirs entre les mains du président ».

La délégation qui s’est entretenue avec des députés, notamment leur  président Rached Ghannouchi, le gouvernement, les partis politiques, les syndicats, l’instance supérieure indépendante des élections et des représentants de la société civile déclare que «  nous avons souligné dans nos discussions que la légitimité politique aussi bien du président que des élus du parlement émane, à titre égal, du peuple et de la même constitution », une manière de signifier clairement au président de la république qu’il ne peut se prévaloir seul d’une légitimité qu’il partage tout autant avec les députés qu’il a voulu déposséder de cette même légitimité par la dissolution du parlement en violation de la loi fondamentale. 

Outre le rappel à un dialogue véritablement inclusif comme unique solution à une crise politique et économique qui menace les fondements de l’Etat et la cohésion de la société, le communiqué fait part de la « ferme impression que le peuple tunisien a pleinement confiance dans le professionnalisme et la neutralité de l’Instance Supérieure Indépendante pour les élections (ISIE), qui ont été prouvés lors des précédentes élections et nous soulignons l’importance de préserver son indépendance. » 

Cette insistance sur l’indépendance de l’Autorité électorale est une pression supplémentaire sur Kais Saied qui, après avoir renoncé à dissoudre l’ISIE, un des acquis les plus précieux de la Tunisie post-révolution, a néanmoins déclaré son intention d’en changer la composition.  

Exprimant les plus vives inquiétudes sur la gravité de la situation actuelle « exacerbée par le Covid et la guerre de la Russie contre l’Ukraine », les membres de la commission des affaires étrangères du Parlement européens rappellent que «  l’Union européenne continue d’être aux côtés de la Tunisie, notamment à travers une assistance financière urgente et substantielle. » en prenant soin de préciser : «  Nous sommes également prêts à nous engager et à offrir une assistance technique pour des efforts inclusifs et transparents en faveur de réformes politiques et économiques, y compris une assistance pour aider à évaluer les options de la réforme électorale. »

Ainsi, tout en émettant de profondes réserves à l’égard de l’action de Kais Saied, les parlementaires européens laissent entendre que l’UE est disposée à prendre acte du fait accompli du président tunisien pour peu qu’il manifeste une volonté de donner une suite lisible et démocratiquement acceptable à sa feuille de route. Chose à laquelle il ne semble pas, à ce jour, disposé à se résoudre.  

Hormis quelques rares dénonciations de “l’ingérence étrangère” cette visite a suscité peu de réactions politiques pour l’instant. A souligner toutefois celle du patron de l’UGTT, Noureddine Taboubi qui, à l’issue de sa rencontre avec les parlementaires, a reproché auxEuropéens de n’avoir “pas investi dans la révolution tunisienne comme il fallait : lors de la guerre russo-ukrainienne, tout le monde s’est porté au secours de l’Ukraine qui a reçu des fonds importants. Mais, on n’a pas investi en Tunisie pour qu’elle puisse devenir un modèle démocratique dans le monde arabe ! “. Il a toutefois exprimé une certaine satisfaction: « la délégation du Parlement européen a exprimé sa confiance en l’UGTT et a salué les rôles qu’elle a joué dans le passé et même à l’avenir. Cette appréciation demeure un acquis très important non seulement pour les syndicalistes mais aussi pour tous les tunisiens ».

Cet appel du pied au soutien européen, inhabituel dans la rhétorique traditionnelle du syndicat, méritait d’être souligné. D’autant que dans cette même déclaration, Taboubi a haussé le ton à l’égard de Kais Saied rejetant tout dialogue national qui se ferait « sous conditions préalables et résultats préalables (…) nous ne pouvons pas prendre la consultation qui a été faite comme référence et ses résultats comme point de départ ». Pour rappel, le chef de l’Etat a affirmé à maintes reprises que le dialogue national se tiendrait sur la base des résultats de la consultation populaire par voie électronique qui s’est tenue du 15 janvier au 20 mars 2022 et a recueilli la participation d’à peine 7% du corps électoral.

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