ALGÉRIE. L’OTAN APRÈS POUTINE
Hasard de calendrier ou conjonction calculée par l’un des partenaires ou les deux ? Le fait est qu’au lendemain de la visite du ministre des Affaires étrangères russe Serguei Lavrov, une importante délégation de l’Otan dirigée par Hans-Werner Weirmann, Directeur Général de l’État-major militaire international de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) est arrivée à Alger pour une visite de deux jours. La composition de la partie algérienne qui l’a reçue au ministère de la Défense nationale laisse penser que cette mission n’est pas une initiative impromptue.
En effet, ont pris part à la réunion de travail, outre le chef d’état-major Saïd Chengriha, les commandants de Forces, les chefs des départements et des directeurs centraux du ministère de la Défense nationale et de l’État-Major de l’ANP. Un tel aéropage suppose une préparation des participants ou, à tout le moins, une volonté d’accorder une importance protocolaire particulière à l’évènement. Du reste, l’analyse que le responsable algérien donne de la visite témoigne d’une volonté de maintenir sinon de développer des relations durables et mutuellement bénéfiques avec les visiteurs : « Votre visite traduit l’intérêt accordé par l’OTAN à notre région et démontre ainsi l’importance que votre organisation confère aux efforts consentis sur le plan régional dans le domaine de la sécurité et de la stabilité des pays de la rive sud de la Méditerranée”, a souligné Saïd Chengriha qui ajoute : « que la compréhension mutuelle des questions actuelles permettra aux deux parties de mieux cerner les défis sécuritaires auxquels sont confrontés les pays de notre région et aboutira certainement à la construction d’une vision commune, à même de prémunir davantage notre région des dangers de la division et de l’état d’insécurité”. Les projections opérationnelles que suggère une telle lecture ne manquent pas de surprendre quand on sait les tensions induites par la guerre que livre le principal partenaire militaire de l’Algérie à l’Ukraine que Poutine désignait explicitement comme le cheval de Troie de l’OTAN deux jours auparavant à l’occasion de son discours du 9 mai.
Le reste de l’intervention de Chengriha, plus politique, relève de la doxa de la diplomatie algérienne qui a toujours revendiqué une forme de non-alignement qui ne l’ont pas privée d’assumer des proximités avec le bloc soviétique ; statut qui a mécaniquement glissé vers la Russie après la chute du mur de Berlin. La condamnation du deux poids deux mesures dont serait coupable la communauté internationale participe de la même rhétorique : « Tout en condamnant la politique de deux poids deux mesures, que la communauté internationale emploie actuellement dans le traitement des questions des peuples opprimés, l’Algérie continuera, à l’instar des autres États du monde, de coopérer avec ses alliés et ses partenaires dans le cadre de ses intérêts nationaux et de ses principes immuables », a tenu à rappeler le chef d’état-major de l’ANP. Le message vaut surtout pour signifier que l’armée demeure le seul acteur qui conçoit et décide des axes stratégiques qui doivent guider les postions et alliances du pays.
De son côté le responsable de la délégation de l’OTAN a salué « le rôle pivot que joue l’Algérie dans la préservation de la sécurité et de la stabilité dans la région, en apportant son aide et assistance dans différents domaines aux pays du voisinage, tout en les accompagnant dans le règlement de leur situation sécuritaire ».
Au-delà des considérations historiques et doctrinales hérité d’un passé qui peut connaitre de sérieux bouleversements dans les mois ou années à venir, les occidentaux veulent réinsérer l’Algérie dans leur dispositif militaro-sécuritaire au moment où la traditionnelle tutelle française subit des contestations de plus en plus vives au Sahel.