dimanche, décembre 3, 2023
Politique

TENTATION ISLAMISTE EN ALGÉRIE : LA RECHUTE ?

Déjà majoritaire dans le parlement, l’islamisme connait ces derniers temps un regain d’intérêt politique de la part des autorités algériennes. 

Cette semaine l’aéroport d’Alger grouillait de jeunes groupes bénéficiant d’une attention particulière de la part des fonctionnaires d’Air Algérie. Colonies de vacances ? Délégations de fringants experts venus apprécier « la relance économique de l’Algérie nouvelle » ? Non. Il s’agissait de membres d’associations religieuses agissant en France qui ont été gracieusement invités par l’État pour assister aux jeux méditerranéens d’Oran. Afin de récompenser la piété de ces musulmans qui ont su garder et répandre leur foi en pays impie, Alger n’a pas lésiné sur la dépense. 

À la suite des évènements d’octobre 88 et de la tonitruante sortie du responsable de l’Amicale des Algériens en Europe (AAE) qui avait qualifié la révolte sanglante de « chahut de gamins », le pouvoir algérien avait perdu la main dans la diaspora.  L’AAE – façade externe du socialisme spécifique – par laquelle le FLN avait quadrillé la communauté émigrée, jusque et y compris les « chibanis » des foyers SONACOTRA et qui, accessoirement, fournissait les barbouzes quand il fallait perturber les activités de l’opposition ne faisait plus recette. Autre temps autre mœurs ; ce n’est plus le socialisme mais l’islamisme qui fait recette. C’est donc désormais la Mosquée de Paris qui, au nom de la défense de l’islam, fait office de source de sensibilisation et de mobilisation des expatriés ou des Français binationaux. Alger croit ainsi faire d’une pierre deux coups : couper l’herbe sous les pieds des partis islamistes encore rebelles, notamment l’organisation Rachad, en surinvestissant le marché islamique en France et y disposer enfin du fameux lobby derrière lequel le système algérien court depuis des décennies avec le secret espoir de pouvoir l’actionner le moment venu dans le sens que dicterait l’état des relations algéro-françaises dont la constante est…la volatilité.  Un cheval de Troie est toujours utile dans un pays avec lequel l’enterrement de la hache de guerre n’est manifestement pas à l’ordre du jour. Inutile de dire que la plupart des bénéficiaires des faveurs d’Alger sont ceux qui, hier encore, animaient les comités de soutien au cinquième mandat d’Abdelaziz Bouteflika aujourd’hui voué aux gémonies.

Parallèlement à ce dispendieux travail de clientélisme religieux, d’autres opérations occultes sont pilotées par les services de renseignement avec la bénédiction de la présidence. Des dirigeants du FIS, ayant trouvé asile en Suisse, en Grande Bretagne ou ailleurs et dont plusieurs ont été accusés et condamnés pour terrorisme sont invités à rentrer au pays. Quelques-uns l’ont déjà fait. La justice a passé l’éponge. Mohamed Dnidi, réfugié à Londres ou Sadek Daadi basé en Suisse et qui, pour ce dernier, avait porté plainte pour commission de tortures contre le général Khaled Nezzar ont franchi le pas et disposent aujourd’hui d’un passeport et d’un casier judiciaire vierge. Anouar Haddam, lui aussi membre fondateur du FIS installé aux USA, s’apprête à emprunter le même parcours … Quels seront les nouveaux statuts et les projets de ces revenants ? Nul ne le sait. 

Le régime algérien semble reprendre les paradigmes de Boumediene : laisser la société aux islamistes, l’essentiel étant de préserver l’armée et la rente. La suite est connue.

Et il est vrai que, pour l’heure, les islamistes du parlement se contentent de faire fructifier leur économie de bazar. Ils ont la haute main sur le commerce et le change parallèles au point d’imposer à l’État le cours du dinar.  Pour sa part, la Mosquée de Paris confiée au très BCBG recteur Chams Eddine Hafiz donne à penser que son financement contribue à contenir l’islam radical et on compte sur les anciens membres du FIS aujourd’hui absous pour ramener à la raison leurs camarades dès lors que l’État assume l’islamisation du pays. Récemment, le wali de Bechar expliquait que si la sécheresse était si dure c’était parce que les Algériens étaient de mauvais pratiquants. Une assertion qui aurait valu à son auteur une révocation voire pire dans les années 70. Belaïd Abdeslam, revenu aux affaires n’avait-il pas cru désarmer le FIS en déclarant : « Nous ne laisserons personne appliquer la charia ; c’est nous qui le ferons ». 

Le problème n’est pas tant de savoir si le pouvoir peut, à un moment précis, trouver des islamistes de pacotille pour maintenir provisoirement dans son giron la mouvance intégriste mais d’apprécier ce sur quoi va déboucher à terme l’abandon de l’espace public au fondamentalisme. On se souvient tous de l’implacable confession d’Abassi Madani qui assurait respecter la constitution dont il ne demandait que la stricte application, notamment son article 2 qui stipule que l’islam est religion d’État. 

Le caractère ubuesque de la situation actuelle est peut-être résumé par cette anecdote. Un fonctionnaire instruit pour délivrer un passeport à un ancien membre du FIS et dont la sœur avait vu son fils assassiné devant elle fit part de son désarroi à son supérieur, lequel était tout aussi déstabilisé par des décisions politiques dont il ne percevait ni la logique ni même l’intérêt tactique. Le collaborateur qui voulait comprendre pourquoi aucune leçon n’était tirée des erreurs et fautes du passé, s’entendit dire : « le problème du système algérien, c’est sa mémoire ».

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