mardi, novembre 28, 2023
Économie

MAROC. LE DÉFI DE LA SÉCHERESSE

Les observateurs et experts de la scène marocaine ont généralement et à juste titre donné un bilan controversé du long et spasmodique règne de Hassan II. Monarque autocrate et jouisseur, dont le cynisme culmina avec l‘affaire Ben Barka ; souverain deux fois miraculé qui a malgré tout prémuni son pays de l’intégrisme et sauvegardé l’intégrité d’un royaume dans un continent miné par les turbulences du tiers-mondisme révolutionnaire ; on aura dit une chose et son contraire de l’homme qui dirigea le Maroc d’une main de fer pendant près de quarante ans. 

Il y a pourtant un domaine, essentiel au développement des nations, qu’il est difficile de ne pas mettre au crédit de Hassan II : l’anticipation des problèmes liés à la raréfaction de l’eau. Si le Maroc n’échappe pas aux récurrentes coupures d’eau, on ne peut s’empêcher de penser à ce que seraient les besoins des populations citadines ou paysannes si une autre politique avait été suivie au lendemain de l’indépendance acquise en 1956.  Dès les premières années qui ont suivi la fin du protectorat, un programme soutenu de construction de barrages a vu le jour, ce qui a servi à répondre à la consommation des ménages, à l’agriculture, au début de l’industrialisation et, surtout, à l’hydrophage tourisme. 

Le royaume capte environ 80% de sa pluviométrie, ce qui demeure insuffisant si l’on sait que l’anticyclone des Açores constitue un voile qui bloque l’avancée des nuages chargés d’humidité, réduisant d’autant la masse d’eau qui atteint les côtes marocaines. Aujourd’hui les nappes phréatiques de la région de Marrakech s’amenuisent et font redouter une dangereuse montée des eaux salées. Les régions rurales forent autant qu’elles le peuvent pour subvenir à leurs besoins vitaux. On se souvient de l’émotion suscitée par la chute du petit Rayan tombé dans un puits clandestin creusé à côté de la demeure familiale.

Le Plan National de l’Eau (PNE 2020-2050) qui devrait être financé à hauteur d’environ 380 milliards de dirhams vise à une approche globale de l’approvisionnement et de la consommation en eau du royaume pour la période couvrant les trente prochaines années.

Simultanément, un vaste plan de réalisation de retenues collinaires, (127 devraient être réceptionnés d’ici 2024)   placés en amont des grands barrages est en phase d’exécution. Il a pour but de soulager les groupes sociaux éloignés des grands réseaux mais aussi de servir de bassin de rétention des charges boueuses qui envasent les anciens équipements.

Par ailleurs une politique de récupération des eaux non conventionnelles, désalinisation, traitement des eaux usées vient compléter les sources d’approvisionnement.  Il demeure que l’offre est largement en deçà de la demande qui ne cesse de croitre.

Le gouvernement traite ce dossier avec une attention qui dissimule mal l‘ampleur d’un chantier critique. On parle de gestion intégrée de l’eau pour préparer les habitants à changer leur mode de consommation voire leur rapport à des disponibilités hydriques de plus en plus réduites. Éduquer le Marocain à vivre avec un quotidien déterminé par la rareté de l’eau fait désormais partie des mesures que compte dévoiler l’exécutif. « On évoque souvent des risques de perturbation ou de déstabilisation du pays pour des considérations militaires, énergétiques ou territoriales ; dorénavant les gouvernants savent que le stress hydrique fait partie des grands périls qui peuvent ébranler la sécurité et la stabilité du royaume » confie un agriculteur du Souss. 

De douloureux et délicats arbitrages attendent Rabat qui entend se poser comme pays pivot de la région, ce qui suppose des investissements stratégiques dans les domaines militaires et technologiques.  

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