

Éditorial
KAÏS SAÏED… FOSSOYEUR DU SÉCULARISME NORD-AFRICAIN
Ce qui devait arriver arriva. Et nul ne peut dire qu’il a été pris de court. Les abus et les lubies rythment l’action du président tunisien depuis bientôt une année. On peut même dire que ce furent les seules constances enregistrées chez un homme par ailleurs illisible.
La copie de la constitution qui sera soumise au référendum ce 25 juillet est une déclaration de confirmation de putsch. Mais pas que. En effet, Kaïs Saïed qui se prépare à une présidence à vie en profite pour décréter que tout ce qui s’est construit depuis 1956 dans son pays doit disparaitre. La sécularisation de l’Etat-nation, conçue et structurée par une génération de militants lucides et courageux menée par Bourguiba, est rayée d’un trait de plume : la Tunisie est une partie de la Oumma islamique, lit-on dans l’article 5. Faudra-t-il un jour regretter Ennahdha qui distillait certes un islamisme vénéneux mais qui n’osa jamais renier le concept de nation tunisienne, en tout cas pas de façon aussi abrupte que le fait Kaïs Saïed.
Le doyen Sadok Belaïd, préposé à la rédaction d’un projet de constitution qu’il annonça comme un rempart contre la théocratie crie à la trahison et redoute de voir arriver « une dictature (…), la reconstitution du pouvoir des religieux, (…) la fragmentation du pays…». Ce n’est pourtant pas faute d’avoir été averti qu’il allait servir d’appât à un dirigeant dont la mystique est l’univers et le despotisme la boussole.
Le scrutin du 25 juillet est une opération destinée à valider une démarche inspirée par et pour le pouvoir personnel. Aucun taux de participation minimum n’est requis pour le succès de l’opération. Et pour faire bonne mesure, le locataire de Carthage a fait inscrire dans sa loi fondamentale que le président ne peut pas être démis et qu’en cas « de danger imminent » il peut rester en poste après la fin de son mandat. Et en matière de provocation de dangers imminents, l’homme a amplement prouvé son savoir-faire.
Les Tunisiens avaient, à raison, déploré le despotisme de Bourguiba (puis de Ben Ali) et combattu l’islamisme de Ghannouchi : avec Kaïs Saïed, ils sont partis pour avoir les deux. Car en déclarant que l’islam ne sera pas religion d’Etat – ce qui d’ailleurs ne figurait pas ainsi dans l’ancienne constitution qui stipule simplement que la Tunisie est un pays musulman –, le président a fait diversion pour aller plus loin dans l’aliénation de la cité par le culte puisque qu’il assure que désormais l’Etat va accomplir les finalités (Maqaçed) de l’islam. En clair, ce n’est pas le contenu de l’islamisme qui pose problème mais l’acteur qui doit être chargé d’appliquer la chariâa. Et en l’occurrence, le concurrent Ennahdha est sommé de renoncer à son label fondamentaliste dès lors que l’Etat, que compte incarner sa vie durant Kaïs Saïed, s’attribue le monopole de l’accomplissement théocratique. Tout ça pour ça.
Ce 25 juillet, ce n‘est pas seulement la Tunisie qui risque de basculer dans une ténébreuse et imprévisible séquence historique. Les citoyens et patriotes des pays où la religion musulmane est dominante et qui ont toujours considéré que l’exception laïque tunisienne était un étalon qui attestait que le nationalisme arabe et l’intégrisme qui lui a fait suite – deux doctrines que Bourguiba avait, malgré une conjoncture historique et un environnement géopolitique défavorables, réussi à transcender par un projet national rationaliste – n’étaient pas une fatalité. En arasant avec autant de violence et d’irresponsabilité une expérience civique unique et précieuse, au moment où même l’Arabie saoudite convient que la politisation de la religion méritait débat, Kaïs Saïed, enkysté dans son délire, veut déraciner l’unique germination de l’espérance démocratique en terre d’islam.
Laisser les Tunisiens seuls face à un tel défi serait plus qu’une erreur : une faute. Sur les registres essentiels de la liberté de conscience et du statut de la femme, ce pays a déjà beaucoup fait. On ne peut l’assigner à délégation perpétuelle dans un combat qui nous concerne tous.
D’autant que désormais, en Tunisie aussi, il n’y a que de mauvaises solutions. L’intervention de l’armée ou de quelque autre institution sécuritaire, si tant est qu’elle soit possible, installerait l’un des rares pays du sud à avoir domestiqué l’hubris soldatesque dans la sinistre et longue liste des Etats militarisés. C’est en ce sens que toutes et tous, femmes et hommes de progrès, qui partageons peu ou prou la confession ou la culture musulmane devons nous mobiliser pour donner une amplitude supranationale à une affaire qui dépasse largement les frontières à l’intérieur desquelles se joue une partition sociétale qui détermine notre destin individuel et collectif.
Comme tous les despotes, Kaïs Saïed frappe au moment où les opinions sont en vacance. Le choix du mois de juillet n’est évidemment pas innocent. Mais en dépit du handicap estival, les démocrates des diasporas nord-africaines sont condamnés à l’initiative solidaire s’ils veulent sauver la seule matrice de notre région qui n’ait pas renoncé à la promotion de la citoyenneté.
En Tunisie, la révolution de 2010 a été pervertie puis stérilisée par Ennahdha pour le plus grand bénéfice d’un dictateur patenté. En Algérie, celle de février 2019 fut polluée avant d’être neutralisée par l’irruption de « Rachad » … pour la renaissance d’un ordre militaire agonisant.
On ne le dira jamais assez, l’islamisme et le militarisme sont les deux mâchoires d’une même tenaille.
Puisse l’épreuve tunisienne nous aider enfin à entendre et assumer cette vérité.

Éditorial
EDITORIAL. Une robe n’est pas un bout de tissu

« Ce n’est qu’un jeune assistant qui a cru bien faire en refusant à une jeune lycéenne le port de la robe kabyle qu’il jugeait indécente », a plaidé le proviseur du lycée d’El Kseur où s’est produit un événement dont la communauté kabyle a bien compris la douloureuse signification.
Mais c’est justement cette sincère conviction qui pose problème. Qu’est-ce qui se passe dans la tête d’un jeune Kabyle pour être convaincu que l’habit que portait sa sœur ou sa mère le matin dans la demeure familiale devenait indécent quand il était observé dans un établissement public. La honte d’un soi compris comme un débris de la civilisation réduit à survivre dans une intimité clandestine avant de disparaître pour que s’accomplisse enfin la norme salvatrice de l’arabo-islamisme.
Deux mouvements meurtriers cisaillent l’esprit de cette jeunesse. Il y a le discours officiel qui assimile au terrorisme tout ce qui évoque de près ou de loin la dimension amazighe. Relayant cette politique, l’islamisme scolaire et politique imprègne les mentalités de l’enfance kabyle. On peut supposer qu’il ne serait pas venu à l’idée du jeune assistant de l’éducation de dire à une fille portant un hijab que son habit était indécent ou étranger. Quand un individu intègre son exclusion dans l’espace public et institutionnel, c’est qu’il est aliéné au point de devenir un segment mort pour sa communauté. Ou plus grave, il en est le pire des adversaires puisqu’il la mutile activement de l’intérieur.
L’outrage du jeune d’El Kseur est bien plus préoccupant que s’il avait été commis par un acteur extérieur à la région ; auquel cas, il aurait alors revêtu l’aspect d’une agression exécutée par un agent exogène qu’il est plus facile d’isoler et de combattre.
La volonté de banaliser cette affaire n’est ni innocente ni accidentelle. Du reste, les populations qui ont décidé d’y répondre par une mobilisation massive à forte charge symbolique ne s’y sont pas trompées.
La Kabylie est coincée entre un pouvoir radicalisé par une réimmersion panarabiste primaire et un islamisme qui infuse sournoisement dans ses structures institutionnelles mais aussi traditionnelles. Les enterrements comme les fêtes ou les autres actes de la vie quotidienne sont scrupuleusement suivis par des instances médiatiques plus ou moins puissantes du net qui font investir des espaces sociaux livrés au désœuvrement ou au discours abusif d’un radicalisme racialiste. Deux fléaux aussi nocifs l’un que l’autre.
La faute d’El Kseur qui dit beaucoup des menaces qui pèsent sur la Kabylie donne aussi à voir une résilience salutaire qu’il importe désormais de valoriser par une approche lucide et rationalisée. Elle dit aussi beaucoup de cette Algérie qui se fossilise dans un arabo-islamsime régénéré par Ahmed Gaid Salah et amplifié par l’équipe qui sévit actuellement dans le pays.
On a souvent dit que la Kabylie était, pour le meilleur et pour le pire, le laboratoire politique de l’Algérie. A son corps défendant, un jeune assistant de l’éducation d’El Kseur vient de nous rappeler un élémentaire mais capital enseignement.
Éditorial
EDITORIAL. Algérie-Maroc : les surenchères morbides

Les relais du régime algérien ne trouvent pas de mots assez durs pour stigmatiser le refus de Rabat de laisser rentrer les aides proposées par Alger pour assister les victimes d’un séisme qui a fait plus de 3000 morts et autant blessés. « Le Makhzen montre son visage le plus hideux », « volte-face des autorités marocaines »…. Sur la toile les mouches électroniques sont tout aussi massivement remontées contre un Roi qui se balade pendant que son peuple attend de secours qu’il refuse…Pour sa part, le gouvernement a déclaré avoir « pris acte » du refus du Royaume du Maroc. Aucun autre Etat n’a tenu à souligner sa non acceptation. A commencer par la France qui aura reçu le pire des camouflets dans cette affaire.
Manœuvres obscènes
Adn-med a été le premier à avoir déploré la nature de la sélection des pays qui avaient exprimé leur disponibilité à intervenir dans un malheur qui avait affecté des centaines de milliers de citoyens des villages dévastés par le plus violent tremblement de terre qu’ait connu le Royaume. Nous avions dès le premier jour soulevé le caractère inadapté et mal venu des raisons politiques implicites qui avaient présidé au choix des pays donateurs ; le positionnement sur la question du Sahara occidental étant le sésame qui permet ou non d’être digne d’apporter sa solidarité au Royaume chérifien.
Devant la mort et la détresse de communautés qui ont perdu proches, maisons et biens, on a droit à l’indignation quand un régime marchande la souffrance. Même dans les guerres déclarées il y a des cessez-le-feu. Et en la circonstance, le cessez-le-feu moral est plus impérieux que celui des conflits armés. Ne serait-ce que parce qu’il a vocation à soulager des civils sans distinction d’âge, de sexe ou de condition sociale.
Sauf que celui qui se lève contre le cynisme politicien exploitant les catastrophes naturelles pour provoquer ou amplifier un rapport de force en sa faveur, doit s’astreindre à un minimum de lucidité et de retenue. Faute de quoi, il prend le risque d’être doublement coupable. Coupable de jouer lui aussi de la situation pour les mêmes considérations politiciennes et, de fait, de prolonger le conflit qu’il prétend vouloir éteindre.
Indignation amnésique
Contrairement à ce que laissent entendre les censeurs algériens, le refus de l’aide – qui, insistons là-dessus, est injustifiable – ne concerne pas seulement l’Algérie. Plusieurs pays, dont la France qui a mobilisé équipes de sauvetages, ONG spécialisées et même financements ont été ignorés. Par ailleurs, les Marocains n’ont pas refusé l’aide algérienne mais demandé qu’elle soit coordonnée par leur ministère des affaires étrangères, ce qui est une façon de fissurer la décision de rupture des relations diplomatiques décidée par Alger à l’été 2021.
Il reste que parmi les nations qui n’ont pas pu envoyer leur aide, l’Algérie est malheureusement celle qui a le moins droit aux cris d’orfraie. Lors des incendies qui avaient ravagé la Kabylie en 2021, le Maroc avait immédiatement mis à disposition ses Canadairs pour contribuer à contenir les flammes au moment où les autorités algériennes, imprévoyantes et désorganisées, déliraient sur la responsabilité de prétendues organisations terroristes qui auraient planifié les sinistres. Aucune des sources qui vilipendent aujourd’hui le Maroc n’avait émis le moindre souffle pour relever l’arrogance d’un pouvoir qui, non seulement ne disposait pas d’un seul bombardier d’eau, mais avait fait le choix de laisser brûler ses citoyens plutôt que d’accepter un soutien au motif qu’il venait de son meilleur ennemi.
Cette indignation amnésique est choquante car elle tend à donner à penser que l’entretien de l’adversité est un avenir définitif.
Pour autant, et malgré le refus algérien de 2021, le Maroc se serait grandi en acceptant, même à titre symbolique, l’aide de son voisin de l’est. Il aurait manifesté une capacité à dépasser les fureurs aveuglantes des pouvoirs vivant de tensions et de ressentiments, une opportunité pour figurer parmi les partenaires du monde qui savent que les guerres fratricides n’ont jamais marqué l’Histoire. Il ne l’a pas fait, préférant disputer à Alger le triste label de la haine.
Hormis les affidés du régime, les populations algériennes qui ont sincèrement partagé la douleur de leurs frères marocains ont ardemment espéré que le drame d’Al Haouz relance la synergie des fraternités et des intelligences.
Pour l’instant, les pouvoirs d’Alger et de Rabat optent pour la compétition de et par la mort.
Éditorial
EDITORIAL. Général Nezzar, le difficile retour de manivelle

Le communiqué attribué au ministère des affaires étrangères algériennes – publié par adn-med ce jeudi– non signé mais non démenti, relatif à l’affaire Nezzar serait, s’il venait à être authentifié, un signe supplémentaire de la décrépitude institutionnelle et diplomatique dans laquelle se délite l’Algérie.
Égarement diplomatique
Ahmed Attaf est pourtant connu pour être un des derniers professionnel des affaires internationales encore en poste en Algérie. Cependant, tels qu’ils sont rapportés, les propos qu’il aurait tenus à son homologue suisse sont proprement hallucinants. Il est clairement affirmé que l’indépendance de la justice d’un pays n’autorise pas de traiter une affaire qui attente à la crédibilité d’une autre nation. Dans un Etat de droit, la seule chose qui détermine l’action judiciaire est le terme de la loi, chose qu’en l’occurrence les magistrats helvètes ont scrupuleusement suivie avant de déférer le général algérien devant le Tribunal fédéral. Par ailleurs, et quand bien même le concerné aurait-il été dans le passé ministre de la défense, il n’occupe aujourd’hui aucune fonction officielle qui pourrait justifier une implication aussi manifeste du ministère des affaires étrangères.
Dire que les relations historiques liant la Suisse – qui a joué un rôle non négligeable dans la conduite des négociations ayant abouti à la fin de la guerre coloniale – à l’Algérie comme les rapports à venir entre les deux pays pâtiraient d’une procédure, parfaitement conforme au droit que s’est donnée la Confédération helvétique, participe d’une forme de chantage niais, inefficace et, pour tout dire, dégradante pour celui qui y recourt.
Aveuglement devant l’Histoire
Cette affaire doit-elle, pour autant, être balayée d’un revers de main. Assurément pas. Des islamistes ont saisi une ONG pour témoigner des sévices dont ils auraient été victimes pendant la décennie noire. Une procédure longue et complexe a été suivie avec ténacité avant de faire aboutir le dossier devant le Tribunal fédéral. Outre la réparation attendue dans ce procès, la démarche vise aussi à révéler une vérité estimée importante par les plaignants pour les générations futures. Cela suppose un certain souci de la trace que l’on laisse dans l’histoire.
On peut supposer que dans des guerres comme celle qu’a connue l’Algérie dans les années 90, des dépassements et des abus ne relèvent pas de la seule propagande islamiste. Il est important que la lumière soit faite sur ces arbitraires.
Voyons maintenant la violence sous l’autre facette. Des bébés brulés dans les fours, des femmes violées avant d’être, pour certaines, éventrées, des citoyens décapités pour avoir refusé de suivre le dictat de zombies, des bombes posées dans des trains et des bus bondés qui firent des dizaines de victimes….L’Etat algérien a-t-il engagé sur la scène internationale des poursuites contre des individus ou des organisations qui ont expressément revendiqué ces forfaits pour parvenir à ce que la justice internationale statue sur le phénomène islamiste comme on a jugé le nazisme à Nuremberg ? la réponse est malheureusement non. La loi sur la réconciliation nationale était une absolution qui a interdit le jugement de l’un des fléaux qui, avec le nazisme déjà évoqué et le stalinisme, ont dévastté le vingtième siècle et le début du suivant.
Le propre des régimes autocratiques est de faire tourner l’Etat autour des besoins égoïstes et primaires des parrains. La perspective historique n’apportant rien à l’immédiateté des choses, n’occupe ni le temps ni les énergies de jouisseurs du temps qui passe.
Atavisme clanique
Plus concrétement, le pouvoir algérien s’interroge-t-il sur les conséquences de son refus de faire le lien entre l’islamisme et le terrorisme, un déni sur lequel, surfent les assassins et leurs commanditaires pour lancer une campagne éhontée de négationnisme sur la responsabilité des partis intégristes dans la mort de dizaines de milliers d’Algérien ?
Comme dans tous les systèmes despotiques, les dirigeants ne voient les risques d’un péril que s’il y a menace sur les privilèges des puissants – la rente pétrolière dans la cas algérien – ou lorsqu’un dignitaire du clan est atteint.
C’est la loi sur la réconciliation nationale qui a empêché que le jugement de l’histoire et celui des hommes ne sanctionnent le fondamentalisme islamiste. Le général Nezzar est d’abord la victime du système qu’il a, avec d’autres, contribué à maintenir en place ou en tout cas à pérenniser.
Plus conjoncturellement, le gouvernement algérien qui vante l’excellence de ses relations avec le Qatar et la Turquie a-t-il songé à demander quelques explications à ces deux Etats dont le Trésor américain a formellement établi les financements massifs accordés à des organisations qui entretiennent et assistent les éléments qui réécrivent l’histoire de la décennie noire et qui ont, probablement, permis de faire aboutir la plainte contre Nezzar, procédure longue et onéreuse ?
Il serait bon que la diplomatie algérienne et, plus généralement le régime, entendent que l’urgence est d’affranchir le droit algérien des injonctions claniques et non d’attendre de la Suisse qu’elle algérianise sa justice.
Éditorial
EDITORIAL. L’islamisme et la France : le yoyo perpétuel

Gabriel Attal, le tout nouveau ministre de l’éducation nationale vient d’annoncer l’interdiction de l’abaya ( tunique recouvrant le corps des femmes ) dans les établissements scolaires français. Gageons que des médias du Sud ,qui ignorent tortures et arbitraires quotidiens dans leurs environnements immédiats, vont encore crier à l’islamophobie. Mais là n’est pas le propos du jour.
Profils antagonistes
Cette décision va à contre-sens des conceptions intellectuelles et civiques de son prédécesseur, le fugace Pape N’diaye pour lequel l’affichage religieux dans l’espace public devait être toléré voire intégré comme une nécessité sinon une condition de la cohésion de la cité moderne. Crypto- wokiste, le chercheur N’diaye n’aura pas fait de vieux os rue de Grenelle et ceci, malgré les ambiguïtés que cultive le chef de l’Etat français sur la question migratoire et son pendant, l’islamisme. Le même Pape N’diaye avait succédé à Jean Michel Blanquer jugé, lui, trop rigide sur la question de la laïcité.
Le rythme et la nature des rotations qui caractérisent un département ministériel aussi stratégique illustre un balancier politique où se heurtent les hésitations sur un sujet qui mine chaque jour un peu plus la société française, dans tous ses secteurs d’activité.
L’éducation nationale est le lieu où les charges islamistes sont les plus visibles mais ce n’est pas le seul. Le drame qui a couté la vie à Samuel Paty avait provoqué un violent choc émotionnel mais pas de sursaut politique suffisant pour que les dirigeants français regardent en face une réalité qui s’impose à eux ; celle-ci est trop complexe et implique des déductions et, donc, des mesures que peu semblent disposés à assumer dans un système éducatif gagné par l’islamo-gauchisme, notamment dans le segment universitaire. Un silence qui fait le lit de la droite extrême, laquelle pêche par un excès inverse qui consiste à voir dans tout immigré un islamiste, alors que les diasporas comptent en leur sein les acteurs les mieux indiqués pour contribuer à l’élaboration d’une politique qui appréhende enfin ce fléau pour ce qu’il est : un péril menaçant la société française mais aussi une pandémie déréglant le monde démocratique.
Laïcité honteuse
Dans un interview s’étalant sur 16 pages, accordée au magazine le Point n°2664, et dont une bonne partie fut réservée à l’éducation qu’il déclare domaine régalien, Emmanuel Macron n’a pas prononcé une fois le terme laïcité. Un signe. Commentant les émeutes du début de l’été, il évacue l’influence du phénomène religieux dans l’exaspération qui anime les jeunes émeutiers, dont l’écrasante majorité était d’origine musulmane, se contentant de seriner le refrain de l’exclusion sociale. Une interprétation commode qui évacue le débat sur un phénomène qui infuse inlassablement dans les sociétés démocratiques.
La révolution numérique a favorisé l’éclosion de chapelles qui entretiennent dans les familles le devoir de revanche historique contre l’Infidèle. Sur cet humus, prospère une géhenne qui, sous diverses formes, alerte contre l’intégration et encore d’avantage l’assimilation, progressivement décrites comme des reniements de soi avant d’être désormais dénoncées en tant que trahisons. Ce climat de ghettoïsation existe, c’est une réalité sociale massive et pérenne, le nier ne le fera pas disparaitre. En parler est déjà un moyen de mettre de la raison sur une frustration investie comme le premier carburant de la vengeance. Or, la bienpensance interdit toute discussion sur une contre-culture qui couve dans des foyers français, qui vivent en France et qui ont été méthodiquement amenés à se projeter dans un monde qui les rétabliraient dans une Histoire confisquée par le Blanc.
On comprend la logique des régimes militaro-policiers du Sud post-coloniaux dont les abus ont mécaniquement provoqué l’émergence de l’islamisme parce qu’ils étaient foncièrement hostiles à la perspective citoyenne ; on peut entendre, sans pour autant y adhérer, les complicités qui soudent l’islamisme et la gauche radicale, cette dernière associe le Prophète au prolétaire et chevauche tout ce qui peut perturber ou détruire l’ordre démocratique. Mais il est difficile de saisir les esquives et les dénis des dirigeants occidentaux qui minimisent, quand ils ne les occultent pas, les multiples et récurrentes manifestations du fondamentalisme islamiste qui, elles, sont affichées avec constance et détermination.
La noria de profils aussi dissemblables que ceux de Blanquer, N’diaye ou Attal au poste de ministre de l’éducation est l’un des exemples de l’hébétude qui habite l’autorité politique et la sphère intellectuelle française. Un désarroi qui n’a certainement pas fini de surprendre.
Éditorial
EDITORIAL. Niger, symbole de l’indigence africaine

Ce samedi, le général Abdourrahamane Tchiani, auteur du putsch qui a renversé le président Mohamed Bazoum, un chef d’Etat qui peut s’honorer d’avoir été démocratiquement élu, recevait une délégation de chefs musulmans nigérians venus offrir leur médiation à la crise institutionnelle dans laquelle il a plongé son pays depuis maintenant trois semaines.
Prime au religieux
Ce sera les seuls interlocuteurs que le nouveau maitre de Niamey, qui se plait à donner de lui une image d’homme pieux, acceptera de recevoir. C’est bien connu, un croyant ne peut être coupable de forfaiture. Il avait auparavant refusé de rencontrer les représentants de la Cedeao, ceux de l’Union africaine et resta sourd aux appels et/ou condamnations de L’ONU, l’Union européenne et l’Union africaine qui l’invitaient à restaurer l’ordre constitutionnel. Voilà pour les disponibilité politique d’un responsable militaire qui assure avoir commis son coup d’Etat pour mettre un terme à la gouvernance défaillante d’un régime dans lequel il occupe d’éminentes fonctions depuis 2011. Deux jours auparavant, les états-majors des pays membres de la Cedeao avaient annulé une réunion de coordination prévue au Ghana et destinée à préparer l’intervention militaire décidée par la conférence des présidents tenue dans la foulée du sommet extraordinaire qu’avait réuni l’organisation ouest-africaine à Abuja. Autant dire un aveu d’impuissance
Le fait religieux, que le général Tchouani cherche à introduire dans ses conciliabules, a produit des variants qui saignent le Sahel à travers diverses factions, quelque fois opposées les unes aux autres, mais toutes engagées dans la prédation et l’asservissement des populations. Des dévastations que les dignitaire reçus par le général Tchouni furent incapables d’empêcher.
L’imposture russe
Dans les rues de Niamey des milliers de jeunes et moins jeunes chauffés à blanc affichent leur soutien à la junte et brandissent le drapeau russe, pays à l’ombre duquel siègent déjà deux régimes militaires de pays voisins, en l’occurrence le Mali et le Burkina Faso. On a même entendu les manifestants appeler les milices Wagner à venir sauver leur patrie ; des suppliques soulignées par des quolibets dénonçant le colonialisme français.
Pour les adeptes des militaires, la Russie est immunisée contre toute forme de parole révélant la nature despotique de son régime. Vierge de passsé colonial, elle se présente en Afrique en sauveur des peuples et protectrice de la veuve et de l’orphelin. Les crimes commis en Ukraine et les arbitraires subis dans certains Etats d’Asie centrale sont inaudibles. Du moins à Niamey. Les milices Wagner pillent les diamants de Centre-Afrique, l’or du Mali et lorgnent déjà sur le coton du Burkina, tout cela n’atteint pas les jeunes élevés dans le culte de l’homme puissant. Pourtant, au-delà des opérations qui renforcent son influence politique et militaire, l’intérêt de Moscou pour le continent est dérisoire. Les investissements russes en Afrique représentent à peine 1%. Si la politique de coopération post-coloniale française a eu bien des retards à l’allumage, les appétits russes, eux, ne s’embarrassent même pas de faux semblants. Les abus qui vont jusqu’à des exécutions sommaires de Wagner n’ont rien à envier aux cabales menées par un certain Bob Denard à l’époque bénie de la Françafrique. Sauf que les Russes s’y adonnent au XXIéme siècle avec, en prime, l’image du défenseur des damnés de la terre.
Par le passé ; des organisations caritatives se sont immiscées dans les conflits avec pour mission de protéger ou répondre aux besoins urgents des civils otages des combats. Ce n’est pas de cela dont il s’agit à Niamey. Supposons que par extraordinaire, les chefs religieux nigerians parviennent à faire entendre raison aux putschistes nigériens. Le médicament pourrait s’avérer pire que le mal. Des autorités religieuses auront réussi là où les institutions continentales et l’ONU ont échoué à faire respecter le droit international…Un boulevard pour un djihadisme à l’affut dans toute la région. Tout cela avec le soutien déclaré ou implicite de la Russie poutinienne qui s’accommode bien d’un Ramzan Kadirov, autocrate fondamentaliste, héritier de son père et préparant ses enfants à perpétuer un ordre politique moyenâgeux.
Ce sinistre scénario ne semble pas inquiéter outre mesure les intellectuels du continent reclus dans un silence douteux ou recrutés par la meute qui entonne une fois de plus la partition victimaire.
Le Niger n’est pas seulement pauvre à cause de la misère matérielle chronique qui affame son peuple, il est aussi, et surtout, victime du déni citoyen, redoutable pourvoyeur des âmes asservies, ces causes originelles des ventres vides.
La situation nigérienne est emblématique d’une épidémie africaine qui prétend faire des archaïsmes générateurs du malheur africain le recours contre le Mal. C’est ce qu’on appelle la régression.
Éditorial
EDITORIAL. Crise du Niger : Veillée d’armes en Afrique de l’ouest

Le coup d’Etat de trop ? Nous interrogions-nous dans l’édition d’adn-med du premier aout. La rébellion, toujours incertaine, menée par le responsable de la garde présidentielle du Niger ne passe pas. L’effet domino est appréhendé avec sérieux et gravité par les pays de l’Afrique de l’ouest qui voient dans cette dernière action un risque d’extension de coups d’état inspirés ou, du moins, admis par la Russie.
L’Afrique réagit collectivement contre le militarisme
Outre l’aspect politique qui fait du continent un lieu d’instabilité politique chronique où les peuples sont exposés à une noria de putschs les condamnant à une vie publique dépendant des humeurs et des intérêts de militaires plus ou moins crédibles, ces renversements contribuent objectivement à l’extension du djihadisme ; c’est en tout cas ce qui est déjà observé par les experts au Mali.
A la veille de l‘expiration du délai de la CEDEAO ce dimanche, chaque partie campe sur ses positions et fourbit ses armes. Les tentatives de médiation engagées par une délégation mandatée par cette organisation et le chef d’Etat tchadien ayant échoué, chacun compte ses forces. Le numéro 2 des putschistes s’est rendu à Bamako pour rencontrer les responsables de Wagner. Le raidissement des insurgés se traduit aussi par le sort réservé au président élu Mohamed Bazoum auquel est, selon l’ambassadrice du Niger à Paris, coupé l’eau et l’électricité et confisqué les puces téléphoniques qui lui permettaient de rester en contact avec le monde.
De leur côté, les membres de la CEDEAO affichent leur résolution à ne plus tolérer les faits accomplis de militaires factieux : « Nous sommes déterminés à mettre fin à cette situation. Mais nous n’allons pas dire aux putschistes quand nous allons intervenir », a déclaré ce samedi le porte-parole de la CEDEAO.
Si elle venait à être engagée, ce serait la première fois qu’une opération regroupant des Etats africains pour faire avorter un coup d’Etat aura été organisée. Une initiative dont on peut supposer qu’elle sera attentivement suivie par les démocrates africains.
Le double jeu russe
Sur la scène internationale, les Occidentaux s’en tiennent, pour l’instant, aux condamnations politiques du putsch et à des sanctions financières et économiques. La Russie attend de voir l’évolution sur le terrain. Officiellement le Kremlin demande le respect de la légalité mais le très sulfureux Prigogine déclare son soutien aux putschistes et se répand en accusations ciblant directement les Français. Par ailleurs, plusieurs sources d’information indiquent que des manifestants auraient été payés pour soutenir les putschistes et brandir des drapeaux russes. Pour cet entrepreneur italien qui a choisi de rester à Niamey « Moscou qui semble vouloir rejouer à Niamey les scénarii exécutés à Bamako et Ouagadougou aura du mal à se dédouaner des abus des milices Wagner, Poutine ayant maintenant déclaré que c’est l’Etat russe qui les finance ».
Sur le papier, le rapport de force est largement en faveur de la CEDEAO où l’armée nigériane forte de près de 150 000 hommes peut atteindre, avec les appoints des troupes ivoiriennes et sénégalaises, les 185 000 soldats. Avec ses 30 000 militaires, l’armée nigérienne ne peut faire le poids. Sans compter le fait que le chef de la junte Abdourahamane Tchiani n’est pas très apprécié de ses collègues. Du reste, le chef d’état-major nigérien n’a pas témoigné de grand enthousiasme à l’endroit du pustch. Dans un message public, ce dernier s’est contenté de dire que son attitude était dictée par la nécessité de préserver la vie du président Bazoum et d’éviter de faire couler le sang nigérien.
Pour les observateurs, et sauf rétropédalage des putschistes, la possibilité d’une intervention de la CEDEAO est une hypothèse à prendre au sérieux. Certains la disent même probable. D’une part, cette organisation engage sa crédibilité ; d’autre part, le jeune président du Nigéria qui en assure présentement la présidence ne cache pas ses convictions démocratiques et sa volonté à faire entendre que l’épidémie des putschs sur le continent doit cesser. Cette exigence de la CEDEAO à imposer une conception de la vie publique arbitrée par la citoyenneté contraste avec la frilosité opérationnelle de l’Union africaine qui s’en tient à la condamnation formelle des renversements par la force de pouvoirs démocratiquement élus.
Éditorial
EDITORIAL. Sommet Russie-Afrique : Poutine, pompier pyromane ?

La deuxième édition du sommet Russie-Afrique se tiendra à Saint-Petersbourg les 27 et 28 juillet. Le président russe qui bénéficie toujours d’un soutien ou d’une relative complaisance des pays africains après son invasion de l’Ukraine veut faire de cette rencontre un moment essentiel de sa politique internationale. Outre les secteurs militaires, sécuritaires, économiques, scientifiques, et culturels, Poutine a eu la bonne idée d’ajouter à l’ordre du jour, un sujet relatif à…l’humanitaire. Il risque d’avoir quelques difficultés à maintenir en l’état une relation privilégiée dont les origines remontent aux guerres coloniales.
Un accord vital pour l’Afrique
En faisant bombarder les silos de stockage de blé ukrainien, le président russe entend faire comprendre que l’accord qui permettait d’exporter les céréales russes et ukrainiennes malgré la guerre est bel et bien enterré. Or le continent africain est l’un des premiers importateurs des deux pays.
Pour l’heure, les efforts du binôme Turquie-Qatar tentant de sauvegarder la possibilité de continuer à assurer la sécurité des navires céréaliers sont restés vains. Cette rupture d’approvisionnement n’est pas sans poser problème à plusieurs nations dont un nombre appréciable sont africaines.
Poutine a déjà préparé son argumentaire. L’accord a été rompu du fait des Occidentaux qui n’ont pas respecté les intérêts russes. La responsabilité des perturbations des livraisons de blé aux peuples africains incombe donc à ses adversaires. Une explication dont le maitre du Kremlin attend qu’elle suscite un rejet encore plus grand des Africains envers l’Occident.
La destruction méthodique des capacités de stockage de céréales de l’Ukraine entreprise cette semaine par l’armée russe a, en effet, pour conséquence immédiate de faire de la Russie le seul exportateur céréalier d’Europe centrale. Poutine dont les réserves financières demeurent importantes malgré les sanctions dont est l’objet son régime s’apprêterait proposer son blé à prix cassé à ses clients africains voire même, selon certaines indiscrétions, gratuitement pour les pays les plus vulnérables. Une promesse qui n’engage à rien concrètement mais dont le message politique peut être entendu et relayé sur le continent par les partenaires traditionnels de Moscou.
Chantage et calculs
Sauf que la dénonciation de l’accord fait de la mer noire une zone de guerre où serait menacé tout navire qui s’y aventurerait. Ni les armateurs ni les assureurs n’accepteraient de faire naviguer leurs bâtiments dans de telles conditions.
La dernière décision russe provoquera et aggravera des tensions politiques et des crises humanitaires déjà préoccupantes. Une perspective qui n’est pas sans exposer à la vindicte populaire des régimes aux légitimités aléatoires. Et ce péril risque d’être l’un des facteurs qui introduit les premières failles dans une Afrique où, jusque-là, Moscou a confortablement surfé sur le ressentiment post-colonial.
Poutine peut toujours compter sur un soutien sans réserve de pays comme l’Algérie, le Mali ou la Centre-Afrique mais d’autres nations ne sont pas tributaires de connexions militaires, sécuritaires ou doctrinales qui lient Alger, Bamako ou Bangui à Moscou. L’accès aux céréales russes est un élément déterminant dans la retenue que ces États ont affichée à l’endroit de la Russie dans les instances internationales depuis « l’opération militaire spéciale » déclenchée le 24 février 2022. En effet, et en dehors du marché de l’armement, le commerce entre la Russie et l’Afrique, déjà modeste, connait encore un reflux avec la récession économique que subit ce pays après les sanctions qui le cible ces deux dernières années.
C’est le président russe qui vient de décider de mettre un terme à un mécanisme qui lui assurait, sinon une solidarité déclarée, du moins, une fidèle compréhension africaine qui atténue son isolement extérieur.
Après la première édition célébrée avec enthousiasme en 2019 à Sotchi, le deuxième rendez-vous Russie-Afrique risque d’être moins consensuel.
Éditorial
EDITORIAL. Algérie : cap à l’est. Et après ?

A peine un mois après une visite d’Etat en Russie diversement commentée, le président algérien fait le même voyage en Chine. Exit Paris. Fournisseur privilégié en armement pour le premier pays et client de premier ordre chez le second, ces deux voyages auraient trouvé leur pleine et entière justification dans un monde apaisé. En effet, Moscou avait soutenu la guerre de libération et Pékin avait reconnu le gouvernement provisoire de la république algérienne, le GPRA, quelques semaines seulement après sa mise en place en septembre 1958. Sauf que ces deux déplacements successifs surviennent dans un contexte algérien incertain et un environnement international largement dégradé.
Assurance vie et clientélisation
Au plan interne, Abdelmadjid Tebboune, qui ne renonce pas à son deuxième mandat, sait que l’adhésion populaire lui est interdite ; la participation à la dernière élection qui l’a porté à la présidence n’a pas dépassé les 8%. Encouragé par le président du Sénat, le patriarche Salah Goudjil ( 94 ans ), il veut définitivement arrimer l’Algérie à l’agrégat de pays autocratiques que cherchent à satelliser la Chine et la Russie, deux nations qui représentent pour nombre de dirigeants du Sud le modèle qui convient le mieux à leur conception et pratique du pouvoir. S’immerger dans ce conglomérat est une assurance vie dès lors que les abus d’autorité n’y sont ni dénoncés ni, a fortiori, sanctionnés. Une telle protection vaut bien que l’on s’accommode des répressions infligées aux Ouighours auxquels sont distribués des versions du Coran expurgées des versets que l’empire du Milieu juge incompatibles avec sa doxa. Il est vrai qu’Alger n’est pas le seul acteur à avaler une amputation qui, commise ailleurs, aurait provoqué fureurs et tempêtes dans les rues du monde musulman.
Au plan international, Pekin et Moscou s’emploient à rassembler le plus de régimes sous leurs bannières pour, disent-ils, imposer un rapport de force à l’Occident et en finir avec les institutions de Bretton-wood qui dominent le monde depuis la seconde guerre mondiale. Une idée largement partagée, y compris dans les rangs des nations démocratiques. La récente initiative française lancée pour un « Nouveau partenariat financier » en faveur de l’environnement et contre la pauvreté n’étant que l’une des manifestations d’une réflexion qui agite désormais les grands centres de décision de la planète à la recherche d’une alternative à un univers économique que l’on trop tardé à réformer.
D’où l’idée russe et chinoise de fédérer des nations au-delà des BRICS qui, s’ils constituent une masse démographique conséquente et une puissance financière qui peut être conjoncturellement significative, restent un groupe instable voire fragile du fait des histoires et des doctrines différentes sinon opposées de ses membres. L’Inde regarde avec une vigilance et une méfiance non dissimulées les appétences chinoises sur l’Indopacifique ; une zone où elle manœuvre avec les forces armées des nations occidentales. Paris a d’ailleurs fait de Narendra Modi l’invité d’honneur pour le défilé de ce 14 juillet.
Doutes et divergences
Cet alignement assumé sur Moscou et Pekin ne fait pas l’unanimité à Alger. Des voix s’élèvent pour relever la précarité diplomatique dans laquelle peut se retrouver le pays dès lors qu’il prend fait et cause pour un bloc aux orientations sans nuance, qui plus est en pleine gestation. Un tel positionnement faisait déjà débat parmi des commis de l’Etat et, pour préserver l’avenir, des institutions civiles et militaires gardent ouverts des canaux spécifiques avec leurs vis-à-vis des capitales occidentales.
L’invitation lancée par le secrétaire d’Etat américain Anthony Blinken à son homologue algérien Ahmed Attaf – rendue publique au moment de l’annonce de la visite de Tebboune à Pékin – est interprétée par de jeunes cadres et experts algériens comme un appel à ne pas commettre l’irréparable en s’engageant plus que de raison dans un camp ouvertement hostile à l’Ouest. La proposition de sénateurs américains démocrates et républicains d’envisager des sanctions contre Alger vient ajouter de l’eau au moulin des frondeurs. Depuis la mutinerie avortée lancée par le chef des milices Wagner contre Moscou, les discussions virent à la critique acerbe dans les bureaux et les diners algérois. Le sort du pouvoir poutinien fait l’objet d’âpres spéculations où l’on n’hésite pas à souligner l’imprudence d’avoir lié le destin algérien à un attelage aussi aléatoire.
La cohésion et la stabilité du pouvoir algérien se jouent aussi sur le terrain ukrainien.
Éditorial
EDITORIAL. La parole citoyenne de la diaspora nord-africaine est-elle enfin libérée ?

On ne compte plus les interventions d’acteurs institutionnels ou individuels d’origine nord-africaine, plus rarement subsaharienne, qui prennent la parole depuis l’éclatement des dernières émeutes pour dire leur rejet des approches compassionnelles et victimaires aliénant les descendants d’émigrés et par lesquelles l’extrême-gauche nourrit sa rhétorique populiste.
Une dynamique du courage qui se confirme
Cette semaine, la policière syndicaliste Lynda Kebbab, déjà offensive sur ce sujet, franchit un cap en déclarant sur un plateau de télévision qu’en lui apprenant à ne pas oublier son algérianité, ses parents lui ont aussi appris qu’elle était complètement française. Nassima Djebli, porte-parole de la gendarmerie, a demandé le respect de la présomption d’innocence à laquelle avait droit le policier qui a tiré sur le jeune Nahel. Une fille d’émigré qui défend le droit d’un « Infidèle », qui plus est policier, dans une conjoncture sociale et politique aussi éruptive, aurait, quelques jours plus tôt, provoqué une hystérie chez les gangs, leurs parrains et relais. Chacun a relevé les allusions obliques voire les aigreurs nauséeuses dont est victime la journaliste Sonia Mabrouk à chaque fois qu’elle émet une opinion ou qu’elle produit un écrit conforme à ses convictions, lesquelles n’ont pas l’heur de plaire aux prescripteurs du larmoiement qui sied à une femme du sud.
Des avocats, issus des banlieues, s’expriment pour dénoncer ce qu’ils considèrent être une forme de mépris quand des gauchistes préconisent le droit à la délinquance du minoritaire. Une manière de l’y enfoncer quand on ne l’y enferme pas définitivement. Certains se prononcent pour la suppression ou, du moins, la suspension des allocations, à l’endroit des familles qui n’assument pas leur devoir parental. Volontiers provocateur, un jeune homme d’origine marocaine s’indigna contre les élites françaises qui adorent « qu’on leur crache à la figure » ou que l’on dégrade le statut ou l’image de la France. « Si je brule un bus au Maroc, je dors en prison (…) et ma mère devra corrompre quelqu’un pour m‘amener des oranges en détention », s’est-il exaspéré sur une chaine d’info en continu.
Jusque-là, les rares personnes qui osaient parler en adulte à leurs coreligionnaires étaient bannies des médias publics français, abonnés à la bienpensance, ou dénoncés par les sachants de gauche comme des erreurs génétiques d’une société qui ne sauraient représenter les foules déclassées dont eux seuls peuvent sonder la désespérance qui construit l’âme du damné de la terre, substance de leur pitance intellectuelle. Leurs ouailles indigènes ont eu alors beau jeu de crier à la trahison voire d’agresser ceux qui ont rallié l’ennemi Blanc.
S’affranchir d’un tutorat aliénant
On ne sait pas encore si ce phénomène va durer et, surtout, s’il va se propager chez l’ensemble des catégories sociales des diasporas. Mais psychologiquement, ces insurgés contre l’assignation à la minorité sociale et civique perpétuelle ont d’ores et déjà remporté une bataille à la faveur de ces émeutes. Leurs interventions sont des message déterminants : les descendants des émigrés africains ( noirs et blancs) ne sont plus des objets d’études d’intellectuels en mal de repentance ou de politiques à la recherche de gibier alimentant la haine de la nation. Ces voix viennent rappeler qu’en dehors de l’islamisme, il y a des femmes et des hommes, fiers de leurs origines, et qui ont décidé de se libérer des condescendances qui câlinent les exclus de l’Histoire ; un statut piégé et piégeur qui constitue le carburant d’aventuriers rarement atteints par les méfaits de leur ruminations toxiques.
Ces êtres libres qui s’expriment en toute conscience sont aussi les libérateurs des leurs ; dès lors qu’ils les mettent face à leurs responsabilités citoyennes.
Un dernier mot. Ces soldats de l’honneur et de la dignité ne font pas partie des élites nord-africaines ou subsahariennes, globalement sous emprise d’une gauche décadente sinon perverse. Ce sont les acteurs de la vie de tous les jours qui ont sonné le tocsin. Leur sursaut est plus dicté par le devoir de refaçonner un réel malsain et dangereux pour soi et la cité que les spéculations d’esprits inhibés par des codes tyranniques. Faut-il s’en plaindre ?
Éditorial
Editorial. France : décrue de la violence. Et après ?

Le nombre d’interpellés comme celui des saccages a connu un net reflux dans la nuit du dimanche à lundi. Plusieurs facteurs ont contribué à cette relative accalmie. L’impressionnant déploiement des forces de sécurité, 45000 agents étaient sur le terrain, a naturellement permis de dissuader les pillards. Par ailleurs, les premières condamnations prononcées, y compris un dimanche, ont ramené à la réalité des bandes grisées par une atmosphère insurrectionnelle où se mêlaient jouissance du butin conquis et jubilation d’avoir fait un pied de nez à un pays oppresseur.
Des appels au calme, plus ou moins tardifs et plus ou moins intéressés, ont aussi probablement joué. On a vu des maires, des acteurs associatifs et même des imams rappeler à l’ordre des émeutiers. Un militant islamiste, barbu et vêtu d’une gandoura s’est interposé entre les forces de police et des casseurs qu’il invectivait. La vidéo a fait le buzz. Même le très acariâtre Jean Luc Mélanchon a dû mettre un ( petit ) bémol à ses récurrentes dénonciations des violences policières. Tout cela a peu ou prou impressionné les délinquants. Mais ce qui, outre la répression, a incontestablement pesé, c’est l’intervention des parents qui ont décidé de retenir leurs enfants à demeure. Il serait intéressant de chercher à connaitre les motivations profondes qui ont conduit à une telle réaction. Cette soudaine prise de conscience est-elle dictée par la gravité de la tournure prise par les évènements – une dérive qui désigne les Musulmans comme une catégorie à part ouvertement en guerre contre le pays d’accueil – ? S’agit-il de la peur de voir ses enfants pris dans la tornade des affrontements ou, et ce serait là un signe socio-politique important, la majorité des familles, jusque-là passives, a-t-elle décidé de se manifester pour donner un autre visage de la communauté émigrée et de sa descendance ?
Une chose semble cependant d’ores et déjà acquise. Les troubles de la semaine dernière marquent un tournant. Le débat actuel qui oppose les extrêmes sera rapidement dépassé pour faire place à une appréhension plus sereine mais plus exigeante sur des sujets qui furent refoulés ou traités par la caricature. Dans cette mise à plat des enjeux, Mélanchon sera probablement la première victime de ses propres surenchères. Toujours dans la fuite en avant, il vient d’annoncer que la France insoumise déposera aujourd’hui un projet de loi interdisant l’usage des armes à feu en cas de refus d’obtempérer. Eric Ciotti n’est pas en reste. Il demande le retrait de la nationalité française aux émeutiers bénéficiant de la double nationalité.
A ces propos polémiques qui font partie du décorum politicien peut se substituer maintenant un autre échange dans la société française. De même que dans la communauté émigrée la majorité silencieuse semble avoir vécu un choc collectif qui l’extrait d’une démission narquoise où l’on vivait la France comme une matrice dont on jouissait sans être concerné par son devenir, il apparait, également, que la France populaire, elle aussi majoritaire – indolente et résignée-, est décidée à regarder et lire une problématique civilisationnelle pour ce qu’elle dit et exige comme réponse fondamentale pour l’avenir de la nation française. Sans complexe ni outrance.
En matière du devenir français, la tectonique des plaques est en mouvement.
Les élites nord-africaines seront-elles au rendez-vous ?
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