dimanche, décembre 3, 2023
International

GAZA : MARTYRE D’UN PEUPLE ET MATCH DES EXTRÊMES

Pourquoi la récurrence des attaques contre la bande de Gaza ? Quels en sont les véritables enjeux et quelles évolutions ou issues peut-on raisonnablement leur prévoir ?

Une fois de plus, des bombardements contre la bande de Gaza viennent de faire au moins 44 morts dont 15 enfants et 253 blessés, selon un bilan provisoire du HAMAS. 

Le phénomène est un classique. Quelques roquettes plus ou moins artisanales tirées de Gaza vers Israël où elles provoquent un nombre de victimes israéliennes souvent minime sont suivies d’un tapis de bombes de Tsahal qui se solde systématiquement par une hécatombe du côté palestinien avec des destructions d’infrastructures importantes dans un territoire déjà sous-équipé. Une question légitime peut se poser : pourquoi ce conflit commence-t-il toujours à partir de Gaza tenue par les Frères musulmans et non de Cisjordanie, gérée par l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas ?

Raisons anciennes

Cette guerre disproportionnée était jusque-là, en partie au moins, indirectement déterminée par la volonté du conglomérat des faucons israéliens qui entendent ne rien céder sur tout ce qui peut permettre l’accomplissement du Grand Israël. Pour cette frange mystico-politique, aucune concession ne doit être envisagée sur les colonies, les réfugiés, la question de l’eau… Même non majoritaire, ce courant mobilise assez de monde pour constituer une minorité de blocage à la Knesset qui pèse sur la constitution du gouvernement dont elle parvient souvent à entrainer la chute. Il est loisible de relever que cette secte, très organisée et réactive, se manifeste dès qu’est évoquée une hypothèse de relance d’un processus de paix. 

Face à cette doctrine de fer, le HAMAS n’hésite pas, de son côté, à se livrer à la provocation sachant que les réactions de l’armée israélienne seront systématiquement meurtrières. Après avoir renoncé aux attentats kamikazes, son leader Ismaël Haniyeh lance des attaques aux roquettes. La stratégie a moins pour objectif de peser militairement sur le cours des choses que de maintenir une pression sécuritaire sur les populations israéliennes ; peurs dont se saisissent aussitôt les orthodoxes pour crier au laxisme voire à l’abandon du peuple élu. Pour Hamas, les objectifs sont multiples mais complémentaires. Il s’agit en effet d’entretenir un statut victimaire devant l’opinion internationale, d’enraciner la culture de la radicalité dans la population, notamment les jeunes auxquels aucune perspective n’est ouverte, de faire diversion sur une gestion calamiteuse et, surtout, de mettre sur la défensive une Autorité palestinienne, déjà affaiblie par sa sénescence politique, et qui n’a d’autres choix que de s’aligner sur les positions de HAMAS. 

Depuis maintenant deux ans, ces deux antagonistes qui se nourrissent mutuellement voient leurs surenchères menacées par des évolutions géopolitiques sur lesquelles ils n’ont que peu d’emprise.  

Nouvelles donnes  

La normalisation des relations de certains pays du Golfe avec Israël qui vient s’ajouter à celle, déjà ancienne, nouée par l’Égypte est appréhendée par les extrémismes israéliens et palestiniens comme un péril pouvant mettre fin à des situations de rente politique qui les plaçaient vis-à-vis de leur collectivité, en tant que gardiens de l’orthodoxie judaïque pour l’un et dépositaire de la pureté islamique pour l’autre. Le Qatar, l’un des financiers privilégiés de HAMAS, pousse son protégé à la réconciliation avec Mahmoud Abbas. Des pays comme l’Algérie qui jouent de la cause palestinienne pour des raisons de politique intérieure s’associent à cette démarche, espérant faire avorter la dynamique des accords d’Abraham qui semble attirer de plus en plus l’attention de l’Arabie Saoudite où le controversé prince fait prendre à son pays un virage marqué par un libéralisme sociétal sur fond de répression primaire dont personne n’arrive à anticiper les finalités locales et régionales.

Or, si la reconfiguration qui s’esquisse au Moyen Orient venait à se confirmer, s’élargir et se stabiliser, HAMAS et les faucons israéliens savent que la politique de provocation-répression ne sera plus de mise. 

De stratégie qui conditionnait la survie de deux sectes et dont elles maitrisaient les scénarii avec leurs débuts et fins de clap, les épreuves meurtrières qui accablent les populations gazaouies seront désormais plus tributaires de considérations diplomatiques et géostratégiques sur lesquelles les orthodoxes israéliens et les frères musulmans palestiniens n’auront que peu d’influence. 

Naturellement, le déséquilibre des forces, l’historique des deux branches et leurs espaces institutionnels différents n’autorisent pas les symétries faciles renvoyant dos à dos les deux entités. Mais il est indéniable que les radicalismes de ces deux extrémismes religieux piègent les sources de la modération chez les deux peuples ; prenant en otage la paix.  

Force est de constater cependant que si l’on observe des avis critiques du côté juif quant à la nature archaïque et manifestement coloniale des visions de certains de leurs coreligionnaires, les analyses des intellectuels arabes ou musulmans sont souvent des postures sans nuances qui dupliquent les déclarations du défunt front du refus des années 70.       

Partager avec

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Advertisment ad adsense adlogger