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DANIEL LECONTE : « LA LAÏCITÉ S’EST VUE RETOURNÉE CONTRE ELLE-MÊME »

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Le drame de la petite Lola impose à nouveau dans l’urgence et la passion les questions de la laïcité, de l’immigration, de l’islamisme et, plus généralement, des relations algéro-françaises. Afin d’extraire ces problématiques existentielles des caricatures et des hypocrisies, ADN-MED a sollicité le journaliste, auteur et réalisatieur Daniel Leconte, lui-même natif d’Algérie, pour engager une réflexion globale et libre sur des sujets qui se brouillent et et se complexifient faute d’avoir été débattus loyalement et courageusement. Entretien.  

Vous vous êtes retiré de la vie médiatique française après en avoir été l’un des acteurs les plus en vue pendant une quarantaine d’années. Votre société a produit plus de 600 films sur les grandes thématiques de notre siècle. Vous demeurez un observateur attentif sur les questions sociétales qui agitent la scène française et vous vous êtes exprimé à l’occasion de l’agression commise contre Salman Rushdie. Quel regard portez-vous sur l’évolution de la question de la laïcité en France ?

Avant de vous répondre sur la laïcité, je voudrais profiter de l’occasion pour faire une digression  sur mon retrait supposé de la vie professionnelle auquel vous faite allusion. Disons que je me suis mis en retrait provisoirement plutôt que retiré  définitivement. Que ceux qui m’aiment bien se rassurent. Quant à ceux qui m’aiment moins ou pas du tout, je leur dis à bientôt.   

Il y a deux façons d’observer  l’évolution de la laïcité en France pour en faire le  bilan. 

Observer la responsabilité de l’assaillant d’un côté  et de l’autre, celle de l’agressé . 

Si on regarde du point de vue de l’agresseur, il n’y aucun doute à affirmer : c’est en gros I’Islam prosélite qui agresse la laïcité française.  Et ce,  depuis  la radicalisation de l’Islam il y a 40 ans environ.  La laïcité chez nous a été défiée frontalement par une idéologie conquérante dissimulée derrière la religion. Cette idéologie véhiculée par une version belliqueuse de l’Islam  est une doctrine exportée chez nous  et répandue principalement en France  parmi  les immigrés et les  descendants  d’immigrés d’Afrique du Nord. Longtemps  présentée  comme un épouvantail dans le monde arabo- musulman, la laïcité  est devenue un peu plus tard la cible privilégiée des islamistes chez nous   parce que c’est en France que les résistances sont le plus grandes à l’intrusion de la religion dans la vie de la cité. Gagner la bataille contre la laïcité en France pour les islamistes, c’était ouvrir de grands espaces ailleurs à cet Islam là, notamment dans les démocraties moins vigilantes que la France sur la question religieuse.  Instrumentalisée puis dénaturée par les «  barbus »,  la laïcité s’est vue alors  retournée contre elle même.  De contrat pacifique passé  entre  les religions et les Etats laïcs,  la laïcité a été travestie et présentée à leurs « adeptes » comme une mauvaise manière, une provocation contre l’Islam, une arme de destruction idéologique massive au service de l’universalisme occidental.  La combattre devenait donc une injonction, la harceler, une nécessité. C’était s’attaquer à la tête : faire céder la France d’abord pour s’emparer ensuite du monopole religieux sur les Musulmans en Occident. 

Officiellement,  on a coutûme de dater cette attaque contre la laïcité à l’affaire du voile de Creil en octobre 1989, quand trois collégiennes refusent d’enlever leur voile en classe et suscitent une vive polémique qui  provoque trois mois de débats intellectuels et médiatiques. Quelques semaines plus tard,  un arrêt du Conseil d’état estime que le port du foulard islamique n’est pas incompatible avec le principe de laïcité. Les islamistes ont gagné la première manche.  En 2003, Jacques Chirac alors président de la République reprend  le dossier au début, il constitue un groupe de réflexion  sur l’application du principe de laïcité dans la République : la Commission Stasi. Il va s’en suivre des recommandations dont  le projet de loi qui fut présenté au parlement. Ce projet prévoit d’interdire les signes religieux dans les écoles publiques françaises. En 2004, cette loi est votée et adoptée par l’Assemblée nationale. Elle entre en vigueur dans les écoles françaises. La laïcité a pris sa revanche. 

Les provocations islamistes ne s’arrêteront pas là. Jusqu’à aujourd’hui la laïcité a été défiée à maintes reprises. Un fois sur le voile intégral, une autre fois sur le tchador, sur le burkini ou encore les sorties scolaires et tout récemment encore avec l’épisode des abayas. Entre temps, les groupes djihadistes sont sortis du bois et sont passés à l’acte armes à la main. Qui avec les Kalachnikov contre la rédaction de Charlie qui avait reproduit les caricatures de Mahomet, puis contre les jeunes du Bataclan , puis un camion contre les piétons sur la promenade des Anglais à Nice et les couteaux contre Samuel Patty pour les mêmes raisons que Charlie,  et tous les autres, ceux  qui sont morts en France assassinés par les groupes djihadistes. 

Si on regarde maintenant la responsabilité de l’agressé, il faut bien reconnaître d’abord  que majoritairement les Français ne sont pas prêts à mourir pour honorer le petit père Combes, initiateur de la loi de séparation de l’Eglise et l’Etat. Le modèle laïc ne convainc plus les Français de «  souche », ceux-là mêmes  qui ont grandi culturellement et religieusement dans la culture judéo-chrétienne. Ces Français -là sont en proie au doute «  identitaire » et ne se bousculent plus comme avant pour défendre la laïcité. Alors, certes, ce n’est pas un mouvement uniforme. Il y a eu des régressions et des avancées, Il y a eu la  victoire de  Charlie Hebdo au procès des caricatures en 2007, les 4 millions de français le 11  janvier 2015 dans les rues de France après la tuerie de Charlie quatre jours plus tôt. Il y a eu la prise de conscience des journalistes et de l’opinion pendant les deux mois de procès en première instance de Charlie. Mais il y a eu aussi la mort de Samuel Patty et la hausse des signalements à l’école pour les entorses à la laïcité. C’est la preuve même que les «  anticorps » contre  ce grignotage de la laïcité sont actifs dans la société française certes,  mais qu’ils sont encore trop seuls pour combattre ce cancer. C’est la démonstration que  le « mal » persiste et même qu’il s’étend. Et de ce vue, les écarts de langage répétés d’Emmanuel Macron  sur des sujets qui de près ou de loin ont à voir avec la laïcité pèsent lourds dans la  balance.   

Sur le sujet de la laïcité, sous les coups de boutoir d’un islamisme agressif, nous avons changé de paradigme. Contre l’Eglise catholique qui voulait mettre la main sur les esprits, la bataille a souvent été féroce et les laïcs ont fini par gagner la bataille. Nous avons alors connu une période faste de 80 ans environ. La question religieuse n’en était plus une. L’Eglise était revenue à la place qui lui avait été assignée par la loi. Les vieux conflits qui avaient déchirés la France depuis les guerres de religion étaient circonscrits. Les relations entre croyants et incroyants étaient apaisées. Cette histoire croyait-on était derrière nous. Et puis tout a changé avec un cocktail explosif où se sont mélangés trois ingrédients : la fin de la colonisation, l’immigration massive vers la France d’une population majoritairement islamisée sur le plan culturel comme sur le plan religieux et le réveil d’un Islam conquérant et prosélite. Alors pourquoi ?  

Pendant la période coloniale, la France n’avait déjà pas fait grand chose pour expliquer son modèle laïc aux «  indigènes » considérant que c’était perdu d’avance de le faire puisqu’à aucun moment l’idée d’une intégration n’avait été sérieusement envisagée par le colonisateur.  Après l’indépendance, elle n’a pas compris non plus que l’ouverture des vannes de l’immigration allait permettre d’importer dans notre pays des problèmes qui n’avaient jamais été pris en charge en Algérie par les nouveaux dirigeants du FLN, ceux-là mêmes qui avaient confisqué la révolution à leur profit après l’indépendance. Ces dirigeants avaient même fait le contraire puisque Abane Ramdane, le seul homme d’Etat de cette génération qui avait milité dès 1956 au Congrès de la Soumamm pour la séparation du politique et  du religieux et en avait imposé la présence dans la charte finale, a  été assassiné dans des conditions atroces 16 mois après ce Congrès historique. J’ajoute que ce sont ceux qui ont politiquement éliminé Abane Ramdane qui  prendront  le contrôle politique du FLN  avant la signature des accords d’Evian pour donner le la et le tempo de la décolonisation en Algérie. 

Dès lors, la France ayant pris la décision en 1962 d’ouvrir sans limite  ses portes aux ressortissants algériens, la voie était ouverte pour qu’à la longue, les fondamentaux étant en place, la donne change du tout au tout sur la laïcité en France. Et d’autant plus encore si on ne prenait pas très tôt en charge ce problème. Or, c’est exactement ce qui s’est passé. La France n’a pas pris en charge ce problème, elle a nié cette évidence : beaucoup des ressortissants algériens qui se sont installés chez nous  n’étaient pas du tout préparés à cette révolution culturelle d’avoir à accepter le contrat laïc qui avait été négocié avant eux,  et depuis longtemps,  entre les Eglises et l’Etat. C’était tout le contraire. La laïcité était même devenue avec le temps une  composante essentielle, consubstancielle de l’identité française. Elle s’opposait  sur le plan des principes aux liaisons dangereuses en Algérie entre la junte militaire et l’islam des Oulemas, entre la Mosquée et l’Etat. Et quand est venu le temps des islamistes et du Djihad, ce grand fossé est devenu précipice. Pour les  populations travaillées par le régime algérien et ses partenaires religieux   qui se déversaient en France, adhérer à la laïcité, symbole de l’universalisme français n’était évidemment pas la priorité. Au contraire, cela revenait pour beaucoup d’entres eux  à renier ses origines et son identité, une sorte de trahison en somme, un peu comme passer avec armes et bagages chez l’ennemi. Si, j’ajoute que de 450.000 Nord-africains vivant en France en 1962, on est passé à près de 7 millions en 2022 qui ont conservé des liens politiques,  culturels et religieux profonds avec leur pays d’origine, on peut imaginer l’ampleur du défi à relever.  

Ce n’est pas la seule raison bien sûr pour expliquer les difficultés que rencontre aujourd’hui la laïcité en  France mais c’est une raison majeure qui surpasse toutes les autres. L’effondrement des grandes croyances humanistes ou laïques telles que le communisme ou le patriotisme  ou encore le déclin du catholicisme chez «  la fille aînée de l’Eglise »  ont facilité le retour du  besoin de croire, donc du religieux dans l’espace public. Cet effondrement a fait le lit des religions les plus prosélites et de l’Islam en particulier. Il a rendu moins «  sexy » l’alphabet laïc, moins pertinent pour servir de modèle d’intégration. Dans la jeunesse immigrée issue d’Afrique du nord et d’Afrique noire colonisées par la France, les rancoeurs accumulées de l’ancien colonisé se sont mélangées avec celles de l’exclusion voire du racisme parfois répandu chez l’ancien colonisateur. Avec la confiscation d’un Islam des lumières au profit d’un Islam conquérant, la laïcité est devenu alors  aux yeux des islamistes l’étendard de l’ennemi. Au lieu d’être l’instrument qui apaise les conflits et la guerre des religions, elle  a été travestie et présentée par les islamistes à leurs adeptes  comme une arme de guerre de l’Etat français pour déclarer la guerre aux  Musulmans.      .                    

Comment et pourquoi votre pays subit-il ces involutions ?

D’abord parce que la voix de la France n’a plus le même poids dans le monde aujourd’hui. Et  la laïcité qui passait hier comme une singularité, une « exception française » tolérée parce qu’il s’agissait de la France, pays des lumières,   devient aux yeux de certains, une relique du temps passé.  Quand vient l’heure du bilan de la colonisation, ce sont les idéologues militants qui ont pris la place des historiens sérieux. Ils ont mis la main sur l’activité mémorielle pour en contrôler les contenus, conquérir des parts de marché politiques et en faire une rente à vie. Il fût un temps où la laïcité républicaine, acquis lointain de la Révolution française  était  un marqueur du progrès et de l’humanisme. Brandi par un pays puissant et conquérant, elle devenait attractive. Aujourd’hui, critiquée pour avoir accompagnée et légitimée la colonisation des esprits, elle ne l’est plus,  ou beaucoup moins. Alors on l’accuse d’être identitaire, c’est à dire défensive,  là où elle avait été longtemps une barrière solide contre l’obscurantisme. 

Cette faiblesse  dans le monde mondialisé dans lequel nous vivons, les populations du Sud qui débarquent sur nos côtes ont appris à la connaître. Aidés parfois par «  le sanglot de l’homme blanc », premiers wokes avant le wokisme, ces populations ont fini par savoir nous  regarder les yeux dans les yeux de bonne foi parfois, de mauvaise foi souvent, et à défier nos certitudes républicaines. Chez nous, ils en ont même déconstruit les rouages pour mieux appuyer là où cela fait mal et obtenir un droit du sol moins inconfortable que celui dont disposaient leurs ancêtres.  Pour ceux de ces immigrants animés de bonnes intentions qui ont profité des générosités de cette « faiblesse », c’est tant  mieux,  pour eux et aussi pour nous. La France a gagné des recrues de qualité, des alliés et même des amis chers dans cette affaire.  Mais les autres ?   N’oublions pas en effet que sur la laïcité, ce n’est pas avec nos nouveaux amis venus d’Algérie  que nous avons à ferrailler. Avant de se résoudre à venir en France, ceux-là ont généralement payé le prix fort d’une guerre civile meurtrière dirigée par les islamistes contre eux . Sur la laïcité, ce sont nos alliés contre un ennemi commun : les ultras d’un Islam dévoyé qui challenge les pesanteurs qui paralysent la France et minent l’Algérie.  

Cela fait longtemps que nous n’avions pas eu à affronter un adversaire aussi redoutable, plus redoutable encore que le catholicisme à la fin du 19 siècle au moment de la séparation de l’Eglise et de l’Etat ,  quand nous avons voulu faire rentrer les croyants irréductibles dans le rang. Cela fait beaucoup pour un pays devenu fragile. Nous croyions être débarrassés pour toujours de cette histoire ancienne. Et voici qu’elle resurgit de plus belle. 

On aurait tort de croire pour autant que l’origine du problème remonte à l’indépendance de l’Algérie et à l’immigration invasive. Certes, les fautes graves commises de part et d’autre,  avant et après  de l’Indépendance, ont accéléré cette évolution. Mais c’est un déclin qui suit un autre déclin plus brutal encore : Juin 1940, l’effondrement de la France 20 ans après avoir vaincu l’Allemagne en 1919. De cet effondrement là, la France ne se remettra jamais. La défaite maquillée en victoire pour la circonstance quand la France retrouvera en 1945, ses attributs de grande puissance ne changeront rien à cette réalité brutale que sa voix dans le monde ne sera probablement plus jamais la même. Les Français le vivent mais le plus souvent, ils le vivent sans le savoir, ce qui est pire. Ils préfèrent croire dur comme fer à la fable, c’est à dire au récit d’un France résistante qui aurait combattu le nazisme les armes à la main. Regardez aussi l’antiaméricanisme des Français,  c’est un sport national chez nous.  Rien ne les agace plus que de savoir qu’ils ont été libérés par les Américains. Au point d’attribuer à Staline, plutôt qu’à Roosevelt, à Churchill et aux soldats américains, anglais et canadiens,  qui sont venus se faire massacrer pour nous sur les plages de Normandie,  le mérite d’avoir vaincu Hitler et permis à la France de retrouver son intégrité. Quand on est un grand peuple, on se remet difficilement d’avoir raté les grands  rendez-vous avec l’Histoire. Et plus difficilement encore quand on baissé la tête devant les Nazis, qu’on raconte le contraire et qu’au final parce que cela nous arrange, on  désigne comme son libérateur une dictature communiste plutôt que les démocraties rassemblées. 

Dans  la génération d’après, il s’en est suivie la culpabilité, (  la honte rentrée ? ) d’être les héritiers d’une génération sans héritage, une sorte de désinvolture, de légèreté envers tout engagement. Seuls ou presque,  les enfants de résistants et résistantes  et les déportés, pour d’autres raisons,  ont gardé en eux les valeurs de la France d’avant, celles de la Révolution, des Lumières et de la République. C’est cette France-là qui avait partagé les droits de l’homme et du citoyen avec le reste du monde.  Dans l’entre deux guerres, la laïcité avait été son étendard et les «  Hussards de la République »,  ses serviteurs. Pas touche à l’école républicaine, pas touche à la laïcité. C’était un totem. Après guerre, ce temps-là était révolu.  La voix de la France portait moins et la laïcité n’avait plus le même attrait.                  

Certains disent que nous sommes sortis de l’Histoire. Je ne crois pas que se soit définitif, tout est possible en effet, voyez le l’Ukraine, voyez le réveil de l’Europe, voyez le naufrage de Poutine. Qui aurait dit il y a un an que l’Ukraine mettrait la Russie à genoux ? Qui aurait pensé que les menaces de Poutine auraient réveillé le patriotisme urkrainien plutôt qu’elle ne l’aurait dissuadé ? Et qui même en son temps aurait pu croire qu’un homme,  De Gaulle , aurait pu à lui seul remettre la France debout et lui permettre de parler au monde ? Après tout,  ce n’est qu’une affaire de volonté en politique et d’un peu de courage, justement ce qui nous manque tant aujourd’hui. Est-ce inéluctable d’en passer par là pour renouer  avec la grande histoire et avec elle, avec une  laïcité plus conquérante ?          

Vous êtes né à Oran. A titre personnel vous avez gardé une relation apaisée avec l’Algérie, votre livre « Camus si tu savais » écrit en 1979 et réédité en 2004 …en atteste. Comment peut-on évoluer sereinement entre les postures de la gauche tiers-mondiste, ou du Sud global comme on le dit maintenant, qui cultivent le communautarisme comme un éternel droit de réparation post-colonial, les aigreurs passéistes qui ne parviennent pas à s’affranchir d’une émotion qui empêche de voir le réel et des invectives francophobes de ceux qui vivent de la rente mémorielle ? C’est compliqué.

Disons que cela fait beaucoup de gens mal intentionnés tout cela. Cette addition de gens qui veulent renverser la table , c ‘est la France d’aujourd’hui, un monôme permanent qui s’amuse des libertés démocratiques  comme d’un hochet au-dessus d’un lit d’enfant alors que le monde se déchire autour du berceau. C’est ne rien connaître à l’Histoire que de ne pas savoir résister à la tentation de croire que le bla bla pluraliste peut sauver le monde du non-sens. Ce bla bla  y participe,  en première ligne,  pour essayer de nous faire croire qu’il joue un rôle alors qu’il est au balcon et compte les points. Et pendant ce temps, Marianne subit les outrages des faux dévôts qui conspirent à sa perte…  

En France aujourd’hui, on rend l’Etat responsable de tous les malheurs, c’est le propre d’un monde d’assistés. La liberté c’est l’apprentissage du contraire. Voyez le délire des irresponsables qui aujourd’hui soutiennent Poutine en France en rêvant tout haut qu’ils sont progressistes. Voyez les pseudos historiens du décolonial qui veulent nous convaincre que la France a commis un crime contre l’humanité il y a deux siècles alors que c’est la commission Afrique de la Chambre des pairs en 1830 qui a été le premier lanceur d’alertes sur ce sujet. Et que ce sont les historiens français et eux seuls, qui ont documenté le crîmes de guerre de l’armée d’Afrique en Algérie il y a près de 100 ans, c’est à dire bien avant la naissance du FLN et le déclenchement de la lutte armée en Algérie. Cherchez l’erreur !

En ce qui me concerne, je pense que la société française est au moins aussi responsable que l’Etat de la situation dans laquelle se trouve la France. N’oublions pas la leçon de Marc Bloch dans «  l’Etrange défaite » écrit en 1941. Juin 40, ce n’est pas seulement l’effondrement de l’Etat français, c’est aussi la société française qui s’abîme et se délite dans son pathos pour nous convaincre qu’il n’y a pas péril en la demeure. Rien que pour ces raisons, on pourrait souhaiter l’irruption d’un homme providentiel pour remettre à l’endroit tout ce qui est à l’envers. Et pourquoi pas après tout même si cela ne se décrète pas. Sauf que l’Histoire nous  a plutôt appris avec Napoléon III que l’on ne cuisine pas deux fois sans risque les bonnes  recettes. Et puis n’est pas De Gaulle qui veut. Quand bien même ce serait le cas, ce serait une erreur de compter sur des solutions miracles. C’est Gramsci qui nous enseigne qu’il n’y a pas de victoire politique qui ne soit pas précédée d’une victoire culturelle, d’une victoire dans la bataille des idées dans la société. C’est cela qu’il faut viser pour sortir la laïcité du tunnel.  C’est ne plus laisser la culture, le savoir et l’information entre les mains d’amateurs militants, de causes exotiques entre autres. C’est faire tomber autant que faire se peut les barrières inutiles. Celles qui protègent des institutions et des hommes  qui n’ont d’autre fonction que de se servir plutôt que de servir. Et se méfier des idéologies qui n’ont d’autres missions que de détourner notre regard de l’essentiel, de nous vendre du rêve en lieu et place de  la réalité. En contrepartie, ce à quoi j’adhère,  c’est de fluidifier les échanges entre les gens qui sont d’accord sur l’essentiel, la démocratie et l’Etat de droit ; c’est non négociable,  et d’œuvrer ensemble quels que soient les régions, quels que soient les pays, quelles que soient les religions, quels que soient les points de vues.  Ce que vous faites à ADN-med me paraît, de ce point de vue, la bonne méthode à long terme. Faire tomber les barrières nationales pour parler en la même langue, celle du progrès humain et de la liberté retrouvée.        

Le président Macron a changé de pied à plusieurs reprises sur les relations franco-algériennes. De « la colonisation crime contre l’humanité » à la célébration actuelle d’une coopération froide et désincarnée ignorant les violations patentes des droits humains en passant par la dénonciation d’un « régime politico-militaire qui vit d’une rente mémorielle » la palette est plutôt caléidoscopique. Quel est le vrai curseur diplomatique français sur ce dossier ?

Je ne suis pas diplomate donc je me garderai bien de répondre  à cette question en tant que diplomate.  Ce que je crois en revanche, c’est que la manière dont Macron s’y est pris pour parler de la mémoire coloniale est tellement outrancière et maladroite qu’elle est contre- productive. Je n’aurai jamais imaginé que Macron que je tiens en estime pour son intelligence soit capable de faire de telles bourdes. C’est pour moi, incompréhensible. Quant à la mémoire commune qu’on nous a vendu comme une trouvaille magnifique, c’est au mieux un rêve passéiste,  la  nostalgie néo- colonialiste, paternaliste, d’une époque révolue. Je ne comprend même pas comment les Algériens si susceptibles quand on touche au mémoriel,  aient laissé faire notre Président. Je ne vois qu’une explication : Ils avaient la main sur ce dossier. Ils  savaient qu’ils avaient « pris la tête » de Macron comme ils l’ont plus ou moins fait sur ce sujet avec tous les autres Présidents français.     

Vu le résultat des relations franco-algériennes depuis 60 ans, ma conviction c’est que nous avons perdu 60 ans! La prise en charge de la question mémorielle par nos deux Etats a eu pour  seul effet de compliquer et de rendre toxique tous les autres échanges, quels qu’ils soient, entre nous : économiques, politiques, culturels, diplomatiques ou  militaires. Ca n’a servi à rien sinon à alimenter les ressentiments de part et d’autre et à creuser les différences au lieu de les combler. Au terme de ce retour dans le passé, je suis aujourd’hui convaincu que c’est seulement à partir des relations personnelles et particulières que des échanges fructueux peuvent exister entre nos deux peuples. 

J’ajoute que contrairement à tout ce qui a été dit jusqu’ici, De Gaulle n’a pas rompu avec l’Algérie en 1962 parce qu’il était un « ami » du monde arabe. C’est l’inverse. Il a rompu avec l’Algérie parce que , maurrassien, il pensait que nous n’avions rien à voir avec ce monde-là. Et d’ailleurs, il n’incluait pas dans ce monde que les Arabes. Il y incluait aussi « les Kabyles,  les Berbères et  les Juifs que lesdits Arabes ont colonisés et islamisés après avoir conquis le Maghreb au VII siècle. ». De mémoire, je crois même qu’il avait inclus les Pieds noirs, dans cette liste de « parias » qui n’avaient rien à voir avec nous.  Alors comment s’étonner  aujourd’hui encore si beaucoup d’entre eux se sont sentis abandonnés par lui   au moment de l’Indépendance. Il y croyait d’autant plus qu’il a même coupé les ponts et brûlé tous ses vaisseaux sans vouloir négocier sérieusement avec le FLN pour s’en aller au plus vite quitte à laisser les Algériens se débrouiller seuls face à leurs nouveaux maîtres. Ce sont de mauvaises raisons qui l’ont conduit à prendre une bonne décision, du moins sur le papier.  

Au final, il faut bien sûr reconnaître  que De Gaulle a fait ce qu’aucun autre que lui n’aurait pu faire à sa place sans déclencher une guerre civile, il a mis fin à cette anomalie historique qu’était devenue l’Algérie française.  Vu les circonstances, vu, ce que nous savons aujourd’hui après 60 ans de recul, et vu surtout, parce que c’était lui, on aurait pu rêver  qu’il fasse mieux  pour la France comme pour le peuple algérien et qu’il ne brade rien d’essentiel. Il aurait pu négocier jusqu’au bout avec le FLN pour obtenir des conditions qui préservent des relations à minima cordiales entre la France et l’Algérie ou, faute de quoi,   rompre tous liens après l’Indépendance. Il était assez « grand » pour le faire et il ne l’a pas fait . Si l’avait fait, je suis sûr que nous n’en serions pas là où nous en sommes aujourd’hui .  

Je ne suis absolument pas d’accord bien sûr avec cette vision, maurrassienne,  du peuple français exprimée par De Gaulle. Je considère que les hommes valent plus par ce qu’ils font que par ce qu’ils sont. Mais avec le recul,  il faut bien reconnaître qu’il y a une part de vrai dans ce constat brutal que «  n’avions rien à voir avec monde-là ».Nous n’avions rien à voir sauf que De Gaulle s’est juste trompé de monde. Nous n’avions rien à voir,  peut être,  avec    cette description ethnique d’une Algérie décrite par lui mais aussi, et surtout,  rien à voir avec une Algérie sous influence du panarabisme prêché par Boumedienne, allié de Nasser, l’ennemi juré de la France de l’époque. Rien à voir avec le communisme soviétique de Brejnev avec lequel le régime algérien a  fait alliance avant même l’Indépendance et  jusqu’à la Russie de Poutine dont il est toujours l’allié. Rien à voir avec l’islamisme meurtrier du FIS avec lequel ce régime a fait ami-ami pour combattre  les démocrates dans son propre peuple. Rien à voir avec Les 200.000 morts de la guerre civile. Rien à voir avec les clans qui se partagent la rente énergétique. Rien à voir avec les Oulémas réformistes qui font la police ethnique, religieuse, culturelle et des mœurs dans la société algérienne. Rien à voir enfin avec un régime  militaire qui dirige l’Algérie de manière ininterrompue depuis  60 ans. 

Ces Algéries-là qui n’ont rien à voir avec nous, à quel moment De Gaulle et ses successeurs les ont ils interpellé, questionné leurs idées, pointé du doigt leurs compromissions et dénoncé leurs méthodes ? Qu’avions nous à attendre à vouloir parler mémoire coloniale deux siècles après la conquête et 60 ans après l’Indépendance avec un régime  aussi peu vertueux  et qui prétend nous donner des leçons de morale sans jamais se regarder dans la glace ? 

A force de se taire sur tous ces sujets, les idées recues véhiculées  par les professionnels de «  la cause des autres », ont fini par s’installer et devenir des vérités d’évidence. Certes, ces idées reçues ne sont  souvent que des postures  ou, au mieux,  des humeurs humanistes qui dissimulent des  a-priori politiques.  Mais c’est à partir de là que prospèrent des recherches « savantes », des opinions radicales  et toxiques comme celles produites par les adeptes du  «  décolonialisme » par exemple . Ce sont les mêmes idées reçues  qui sont recyclées sans avoir jamais été confontrées à l’épreuve de la critique. Elles ont fini par constituer une banquise de contre-vérités présentées comme la vérité. Elles sapent tout dialogue fécond et,  en monopolisant l’attention des médias, elles fond obstacle  à un récit alternatif qui rassemble. Il faudra bien un jour que  cette banquise fonde pour libérer la parole. C’est le moment ou jamais d’agir pour le faire. Il est déjà très tard. Avant qu’il ne  soit trop tard, il faut demander à notre Président de se ressaisir et de se mettre en marche avec nous pour nous aider à faire enfin bouger les lignes. Il y va plus que d’être au plus juste de la réalité de notre récit national. Il y va de notre vivre ensemble.     

Vous vous apprêtez à écrire un ouvrage sur la guerre d’Algérie. Quelques mots pour Adn-med ?

Je viens de vous faire en gros la synthèse du sujet qui sera traité dans ce livre. Vous en savez donc déjà beaucoup…     

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Procès en appel d’Ihsane El Kadi : détails d’une audience singulière

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Ce 4 juin le procès en appel d’Ihsane El Kadi marquera sans nul doute les annales judiciaires du pays. Dans une salle archi-comble, l’audience aura duré cinq heures avec dix avocats dont deux étrangers, une Belge et un Tunisien, qui ont pu plaider sans être interrompus et sans limite de temps, ce qui n’est pas toujours le cas dans les tribunaux algériens.

Arbitraire et amateurisme

Comme il fallait s’y attendre la défense a insisté sur les multiples violations des procédures qui ont caractérisé l’enquête et l’instruction depuis le début de cette affaire. Par la police judiciaire, par le juge d’instruction, par la chambre d’accusation et par le tribunal de première instance qui avait condamné Ihsane El Kadi le 2 avril dernier à cinq ans de prison dont 3 fermes et prononcé la dissolution de l’entreprise « Interface Medias » qu’il a fondée et qui édite les 2 titres qu’il dirige, « Radio M » et « Maghreb Emergent ».

La défense a démontré à travers une multitude de faits que ces violations relèvent aussi bien d’un arbitraire assumé que d’un amateurisme affiché.  « L’arrestation d’Ihsane El Kadi est arbitraire et le PV d’audition du 24 décembre est caduc car ne comportant ni date, ni durée, ni qualification d’accusation.  Les scellés sur les locaux d’Interface Média ont été apposés sans décision de justice et portent le nom d’Ihsane El Kadi (!!)et non d’Interface Media. »

La défense a insisté sur la confusion permanente aussi bien lors de l’instruction que lors du procès entre la personne physique (Ihsane El Kadi) et la personne morale (Interface Medias).  D’où cette incapacité de l’accusation à construire un dossier cohérent et documenté. Les avocats ont pointé le déficit juridique de ce dossier dont tout le contenu a été créé par les services de la sécurité intérieure (DGSI), durant la longue garde à vue de cinq jours, à partir de l’examen du téléphone portable d’Ihsane El Kadi.

Quant aux chefs d’accusations relevant des articles 95 et 95-bis du code pénal, portant sur la « réception de fonds de l’étranger à des fins de propagande » et « pour accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité, à la stabilité et au fonctionnement normal des institutions », ils ne reposent sur aucun fondement et le dossier est baclé. Le jugement du tribunal de première instance du 2 avril ne mentionne d’ailleurs aucun lien entre un financement supposé et des « actes de propagande ou d’atteinte à la sécurité, etc… »

L’accusation en échec

Contre toute attente, le procureur a bien reconnu des violations de procédure. « Mais aucun texte de loi ne prévoit l’annulation d’un jugement au simple constat de ces violations » insiste-t-il. Sur le fond, c’est sans surprise que le représentant du ministère public a repris les poncifs des citadelles assiégées. Il a ainsi requis les peines maximales prévues par la loi car, selon lui, il faut accompagner la presse pour lui éviter de commettre des erreurs et même des fautes pouvant servir de prétexte à l’immixtion des ennemis de la nation pour attenter à sa souveraineté et sa stabilité. Et de donner la destruction de l’Irak comme exemple de drame consécutif à des opérations suscitées par des acteurs étrangers et qui sont relayés par des agents internes. Plus sidérants sont les exemples avancés pour justifier la dissolution de l’entreprise pour défaut d’autorisation de l’autorité de régulation de l’audiovisuel. Il fait la comparaison avec « la vente d’armes ou de munitions qui nécessite une autorisation du ministère de la défense nationale ou de la vente des engrais qui nécessite une autorisation du ministère de l’agriculture ». La défense ayant renvoyé la charge de la preuve à l’accusation, le procureur a tenté maladroitement de prouver un financement étranger à travers des échanges « WhatsApp » de type professionnel retrouvés sur le téléphone de Ihsane El Kadi avec un dirigeant d’une association française, lui-même de nationalité algérienne et également actionnaire et membre du conseil d’administration d’Interface médias. Sans préciser de montants ni de dates ni de modes de transferts supposés, il estime qu’il s’agit là « d’un financement étranger et d’origine inconnue » (sic). 

Autre cafouillage, le représentant de l’agence de régulation de l’audio-visuelle, l’ARAV, s’est contenté de répéter à plusieurs reprises que son instance n’a pas délivré d’autorisation à Radio M. Y compris lorsque la défense lui a opposé la loi sur l’audiovisuel de 2012 qui n’inclut pas la presse électronique dans son champ d’application ainsi que l’absence d’une mise en demeure préalable qu’aurait dû adresser l’ARAV à Radio M depuis 10 ans maintenant. Il n’a pu que balbutier des propos décousus qui avouaient à demi-mot que l’ARAV n’était ici que parce qu’on lui avait demandé de se porter partie civile.

El Kadi Ihsane a accepté, cette fois, de répondre aux questions du juge. Digne et déterminé, il a pu développer ses arguments, démontrer la vacuité du dossier et démonter une à une les accusations dont il est l’objet.

Il a longuement expliqué au tribunal le fonctionnement de l’agence Interface Médias, son modèle économique et ses sources de revenus. Le juge lui a demandé l’origine d’un virement de 20 000 livres sterling par cambiste interposé, dont on a trouvé trace sur son téléphone portable. « C’est l’argent des actionnaires. Les comptes bancaires de l’entreprise étaient bloqués suite à une mesure des services des impôts, auprès desquels nous avons de fortes dettes. A partir de 2020, nous avons demandé aux actionnaires d’injecter de l’argent dans la société à charge de remboursement ultérieur. Ma fille Tinhinane qui est actionnaire a été la première à avoir envoyé sa contribution ».

Convaincu du caractère strictement politique de son procès, il a détaillé les contenus développés par Radio M depuis 10 ans marqués par la diversité et la pluralité des formats et des opinions. La notoriété de Radio M s’est construite avec la participation de nombreuses personnalités du monde politique (pouvoir comme opposition) et économique, d’experts et de défenseurs des libertés et des droits humains. Il estime que c’est ce modèle de médias libre, critique, professionnel et indépendant qui gêne aujourd’hui et qui explique l’acharnement dont il est l’objet.

Il conclue ainsi : « je demande la relaxe et la réhabilitation. Et j’avoue que la plus grosse erreur que j’ai commise, c’est de n’avoir jamais pensé qu’une partie de ma génération allait abandonner les libertés acquises en octobre 1988. Mais ceux qui croient que ces acquis notamment sur la liberté de la presse vont reculer de manière irréversible se trompent plus que ceux de ma génération ».

Des applaudissements nourris ont ponctué la fin de son intervention.

Avant l’audience, les appréhensions sur le déroulement du procès étaient grandes. La récente manœuvre au cours de laquelle on a vu le général Ali Ghediri condamné à deux ans de prison de plus alors que sa peine de quatre ans devait prendre fin au mois de juin faisait redouter aux proches du journaliste un procès bâclé. Il n’en fut rien.

Une brise d’optimisme semble avoir soufflé dans l’enceinte du tribunal. Mais peut-on véritablement compter sur un étau qui se serait desserré sur l’appareil judiciaire ? Réponse le 18 juin, date de prononcé du verdict.

En attendant, on peut toujours partager les espoirs du militant des droits humains Arezki Ait Larbi qui a déclaré à l’issue de l’audience : « Après la mise à nu à l’échelle planétaire d’une répression politique qui n’a pas fait dans le détail, les « décideurs » peuvent encore faire amende honorable et sauver la face.  Le 5 juillet prochain est une occasion pour libérer tous les détenus d’opinion et remettre ainsi les compteurs à zéro.  Sauront-ils la saisir ? »

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Investiture d’Erdogan : Goudjil salue « les expériences véritablement démocratiques » turques et algériennes

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Représentant le chef de l’Etat algérien à la cérémonie d’investiture d’Erdogan, Salah Goudjil, le président de la chambre haute du parlement qui s’exprimait samedi devant l’agence de presse turque Anadolu, s’est félicité de l’excellence des relations algéro-turques qui « sont solides et se renforceront d’avantage à l’avenir, notamment dans les domaines politique et économique, et la coordination entre les positions diplomatiques des deux pays se consolidera encore dans les fora internationaux« . 

Par ailleurs, Monsieur Goudjil a salué « les expériences véritablement démocratiques » menées par les pouvoirs algériens et turcs.

Dans sa prestation de serment M. Erdogan a juré « de protéger l’existence et l’indépendance de l’Etat, l’intégrité de la patrie, l’Etat de droit et le principe d’une république laique. »  

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EDITORIAL. Défaite de la gauche espagnole : quelles conséquences sur le Maroc et l’Algérie ?

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La lourde défaite des socialistes espagnols aux élections régionales et locales de ce 28 mai bouleverse l’échiquier intérrieur. Une débâcle dont les incidences extérieures sont déjà patentes. En effet, le chef du gouvernement Pedro Sanchez a annoncé ce vendredi le report du discours qu’il allait prononcer le 12 juilet devant le parlement européen au cours duquel il devait annoncer les priorités de l’Espagne à qui revenait la présidence de la commission pour une durée de six mois. 

Dans ces élections, le PS perd six des 10 régions disputées. Aux élections locales, la tendance se confirme puisque c’est le Parti populaire (PP) qui arrive en première position avec 31% des voix  (7 millions) alors que les socialistes ne recueillent que 28,1% des suffrages (6,3 millions). Pour sa part, la formation VOX, de la droite radicale, s’installe comme troisième force du pays avec 7,19% des suffrages soit 1,5 million des voix.

Le boulet Podemos 

 Au plan domestique, cette contre-performance interpelle car le bilan social et économique de Pedro Sanchez est, de l’avis de tous, remarquable. Selon divers instituts, les causes de ce revers sont essentiellement dues aux concessions faites par les socialistes sur les questions sociétales, comme le droit reconnu à un adolescent de changer de genre dès l’âge de 14 ans, à leurs alliés d’extrême gauche de Podemos, un parti qui vient de s’effondrer. 

On serait en quelques sortes dans une situation inverse de la Turquie mais qui démontre avec la même logique que les questions économiques ne sont pas les seuls déterminants du vote du citoyen. La récession et l’inflation galopante n’ont pas empêché la réélection d’Erdogan qui a survendu le projet de la renaissance islamo-nationaliste. Vérifiant a  contrario ce constat, l’augmentation des salaires et l’amélioration de la qualité du niveau de vie enregistrées par le gouvernement de Pédro Sanchez ne lui ont pas évité un naufrage électoral. 

Les résultats turcs et espagnols viennent rappeler que les problématiques sociétales et spirituelles pèsent toujours sur les constructions politiques des nations. Une donnée dont les implications géopolitiques ne sont pas anodines. Dans l’éditorial du 31 mai, nous soulevions les impacts de la réélection d’Erdogan sur l’Afrique du nord. La même analyse peut être appliquée à l’évolution espagnole, si la droite devait revenir à la Moncloa, ce qui est désormais une éventualité forte.

Rabat et Alger sur le grill

Jouant son va-tout, Perdo Sanchez a annoncé la tenue d’élections législatives anticipées pour le 23 juillet. Pour l’instant, les sondages prédisent un prolongement voire une amplification des scores du 28 mai.  Des résultats qui pourraient avoir des conséquences immédiates sur la rive sud de la Méditerranée occidentale. La fébrilité qui gagne les sphères décisionnaires marocaines et les changements de la diplomatie madrilène espérés par la presse algériennes sont des signes de ce que redoutent ou attendent secrètement les deux frères ennemis. 

Pendant longtemps, Madrid a veillé à observer un savant équilibrisme entre Rabat et Alger. Jusqu’à  2022 quand le gouvernement espagnol décide d’un choix décisif : assumer une proximité préférentielle avec le royaume chérifien. « le Maroc n’est pas un simple voisin, mais un partenaire stratégique pour l’Espagne », proclamait récemment encore le ministre des affaires étrangères espagnol Jose Manuel Albarez. L’alignement de l’Espagne dans le dossier du Sahara occidental allait engendrer une crise majeure avec Alger qui dénonça aussitôt le traité d’amitié qui la liait à l’Espagne, provoquant des faillites en cascade d’entreprises dans les deux pays. 

Une politique que la droite espagnole ne manqua pas de dénoncer. Tous ses ténors condamnèrent le revirement des socialistes. Le chef du PP Alberto Nunez Feijoo considère que la politique marocaine de Pedro Sanchez est une « humiliation pour l’Espagne ». L’ex-Premier ministre, José Maria Aznar, dont la voix compte toujours dans les milieux conservateurs, considère le Maroc comme un risque historique pour l’Espagne. Santiago Abascal, le leader de VOX, déclare à qui veut l’entendre que le soutien au plan marocain sur le Sahara occidental n’engage que le gouvernement de Pedro Sanchez. Or les chancelleries considèrent désormais la coalition PP-VOX comme une hypothèse forte après le scrutin législatif de juillet.

Après le basculement de l’Italie à droite, ce serait un renversement des équilibres géopolitiques dans la Méditerranée occidentale avec tout ce que cela implique comme conséquences migratoire, sécuritaire, énergétique et économique. L’isolement d’Alger, dont les relations avec Paris se sont à nouveau tendues, connaitrait un répit, ce qui donnerait un peu plus d’air à un binôme algéro-tunisien largement contesté par l’intelligentsia tunisienne. 

A moins que la real politique ne conduise la droite espagnole, -si celle ci devait confirmer sa victoire le 23 juillet-, à se satisfaire de la position prise par le PSOE sur le dossier du Sahara occidental. Elle aussi assumerait, sans trop le claironner, la reconnaissance du plan marocain ; cela pourrait détendre un tant soit peu les rapports avec l’Algérie sans remettre en cause les substantiels avantages économiques, migratoires et sécuritaires engrangés par Pedro Sanchez depuis qu’il s’est rapproché du Maroc. C’est un peu ce qu’a fait Biden avec les décisions prises par Trump. 

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Tunisie. Une nouvelle affaire de complot révèle des divisions parmi les soutiens de Kaïs Saïed

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Tunisie : l’état de santé du président intrigue

Une vingtaine de personnes, dont les deux anciens chef de gouvernement Youssef Chahed et Ali Larayedh, l’ancienne cheffe de cabinet du président Kaïs Saïed Nadia Akkacha, ou encore des ex-ministres et sécuritaires, sont accusés d’un nouveau complot contre « la sûreté intérieure et extérieure de l’État ». L’enquête a été ouverte par le pôle antiterroriste de Tunis le mardi 30 mai en vertu de plusieurs dispositions du Code pénal et de loi relative à la lutte contre le terrorisme. 

Une opération qui divise

« À ce rythme, l’ensemble du peuple tunisien va être accusé de complot contre ceux qui le gouvernent », a déclaré l’avocat Samir Dilou sur Mosaïque FM. Il s’agit en effet de la troisième grande affaire de « complot » ouverte depuis novembre 2022 impliquant des opposants politiques ou d’anciens proches du président tunisien. 

La particularité de ce nouveau dossier est qu’il implique des personnalités a priori opposées politiquement, liant d’anciens cadres d’Ennahdha à des personnes ayant soutenu le coup de force de Kaïs Saïed le 25 juillet 2021. 

Réagissant à cette nouvelle accusation après avoir été impliquée dans « l’affaire des 25 », la première instruction ouverte en novembre, Nadia Akacha a dénoncé un acharnement judiciaire à son encontre. « Une fois de plus, mon nom est intégré dans une liste composée de personnes avec lesquelles je ne peux rien avoir en commun », a-t-elle dénoncé, précisant qu’il s’agissait de ceux qui l’ont diffamée et lui ont causé du tort lorsqu’elle exerçait ses fonctions à la tête du cabinet présidentiel. Exilée à l’étranger, Nadia Akacha a annoncé son intention de retourner en Tunisie et de parler malgré son devoir de réserve « pour que les Tunisiens sachent qui sont les traîtres et les conspirateurs ». 

Rayan Hamzaoui, ancien maire d’Ezzahra, dans la banlieue sud de Tunis, fait également partie des accusés. Son arrestation et l’émission d’un mandat de dépôt contre lui par le juge d’instruction a suscité une vague d’indignation, particulièrement de la part de partisans de Kaïs Saïed. C’est la première fois qu’ils expriment clairement leur désaccord avec les décisions du régime. Selon son comité de défense, Rayan Hamzaoui est accusé d’être en relation avec Nadia Akacha alors même que ses différends avec cette dernière étaient de notoriété publique, selon les témoignages de son père et de ses avocats. Leila Haddad, avocate et cadre au sein du mouvement Echaâb, une des principales formations politiques soutenant le processus du 25 juillet, a dénoncé un règlement de compte, indiquant qu’un informateur anonyme avait impliqué son client sans apporter aucune preuve. Elle indique que cet informateur pourrait être un responsable régional actuellement en poste. Rayan Hamzaoui a entamé une grève de la faim pour dénoncer une arrestation jugée arbitraire.

Règlements de compte dans le sérail 

Une partie des personnalités impliquées dans cette affaire sont déjà en prison comme Rached Ghannouchi, leader du mouvement islamiste Ennahdha ou Ali Larayedh, ancien chef du gouvernement, tandis que d’autres se trouvent à l’étranger, à l’instar de Nadia Akacha, Youssef Chahed ou encore Kamel Guizani, ancien directeur général de la sûreté nationale. Ce dernier a été mis à la retraite d’office par l’ancien ministre de l’Intérieur Taoufik Charfeddine. Il avait été nommé ensuite ambassadeur à La Haye en septembre 2019 par Kaïs Saïed, mais refusé par les autorités néerlandaises, une première pour la diplomatie tunisienne. Cadre sécuritaire redouté et réputé proche de Youssef Chahed, il avait été tenu pour responsable de l’arrestation très critiquée de Moncef Kartas, expert onusien tuniso-allemand accusé d’espionnage par la Tunisie. Nommé ensuite ambassadeur auprès du royaume de Bahreïn, il est définitivement limogé en janvier 2022. Exilé à l’étranger, il est considéré par les soutiens du régime de Kaïs Saïed comme un de ses principaux opposants. 

En réunissant des cadres d’Ennahdha et d’anciens hauts cadres sécuritaires avec d’anciens soutiens de Kaïs Saïed désavoués par le régime – deux clans a priori opposés – cette nouvelle affaire pourrait apparaître comme un règlement de compte entre les proches de Kaïs Saïed actuellement au pouvoir, à l’instar de Kamel Feki, ministre de l’Intérieur, et ceux qui ont été éloignés progressivement depuis le coup de force du président de la République en 2021. 

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Un avocat parisien d’Ihsane El Kadi se voit refuser son visa

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Maitre Pierre Brunisso, membre du collectif d’avocats international de la défense du journaliste Ihsane El Kadi s’est vu refuser la délivrance de son visa par les services consulaires de l’ambassade d’Algérie à Paris pour défend re son client dans le procès en appel prévu le 4 juin à Alger.

Constitué par la famille du journaliste détenu, depuis le 29 décembre 2022, l’avocat français a déclaré avoir essuyé un refus que les autorités consulaires qui n’ont ni motivé ni assumé par écrit.

Selon le défenseur d’Ihsane El Kadi, l’agent qui a pris le dossier au guichet est revenue après l’avoir présenté dans bureau. Il précise qu’à « son retour, elle m’a indiqué que le dossier était incomplet », a rapporté l’avocat qui ajoute n’avoir reçu aucune explication convaincante quand il a demandé à connaitre la ou les pièces supposées manquer.

La préposée à la transmission des visas a prétendu que la procuration devait être signée par le tribunal algérien alors qu’il est requis que le document soit fourni par la famille du prévenu, ce qui, en l’occurrence, était le cas.

Maitre Brunisso a demandé une notification écrite de ce rejet qui ne lui a pas été délivrée.

Pour rappel, une convention bilatérale permet aux avocats des barreaux algériens et français de plaider pour leurs clients devant les tribunaux des deux pays.

Auparavant, une tribune* signée par dix personnalités de premier plan comme la prix Nobel de littérature, la française Annie Ernaux, l’écrivaine indienne Arundhati Ray, le cinéaste Ken Loach, le poète marocain Abdelatif Laibi ou le philosophe tunisien Youssek saddiik a été adressée au chef de l’Etat algérien Abdelmadjid Tebboune pour exiger la libération d’Ihsane El Kadi ainsi que celles des autres journalistes et, plus généralement, des détenus d’opinion. Les signataires déclarent entre autres que « l’Algérie est un idéal plus vaste que le cachot qu’elle est en train de devenir. »

*Tribune publiée le 29 mai dans la presse internationale

Tribune

Un collectif d’intellectuels, dont Noam Chomsky, Annie Ernaux, Ken Loach et Arundhati Roy, appelle, dans une tribune au « Monde », à la libération du journaliste algérien Ihsane El-Kadi, injustement détenu et condamné.

Plus qu’un pays, l’Algérie est une idée. Une idée entêtée de libération. Soixante ans après l’indépendance du pays, cette idée continue à irradier l’espoir dans le cœur de ceux qui se battent encore contre l’oppression. Elle est la preuve que la victoire sur l’injustice est possible, y compris lorsque le face-à-face paraît désespéré et démesurément disproportionné.

Aujourd’hui, ce grand pays se referme comme un piège redoutable sur les opposants politiques et les citoyens qui osent rêver d’un véritable Etat de droit.

Le journaliste Ihsane El Kadi est en prison parce qu’il refuse de se soumettre aux pressions de ceux qui gouvernent le pays et voudraient faire de lui un journaliste de contrefaçon. Directeur de la webradio Radio M et du journal d’information Maghreb Emergent, Ihsane El Kadi a été arrêté au cœur de la nuit le 24 décembre 2022, par six officiers militaires.

Le lendemain, il a été emmené par les services de sécurité pour assister à la perquisition et à la fermeture des médias qu’il a créés. Ses collègues et amis assistèrent, en larmes, au spectacle du journaliste menotté, mené comme un criminel sur les lieux de son « crime » : une radio et un site d’information indépendants.

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Au terme d’une instruction bâclée, entachée de violations de la procédure pénale et des droits de la défense, le 2 avril, Ihsane El Kadi a été condamné à cinq années de prison dont trois ferme. Son procès en appel, qu’il attend dans la prison d’El-Harrach à Alger, aura lieu le 4 juin.

Une éducation à la liberté

A 64 ans, Ihsane El Kadi est un vétéran du journalisme indépendant en Algérie, exactement comme son père, Bachir El Kadi [1927-2005], a été un vétéran de la guerre de libération de son pays. Comprenez que l’obstination de ce journaliste pour l’indépendance dans sa profession est cimentée dans les contreforts de son éducation à la liberté, celle de l’histoire du combat de son peuple contre l’asservissement colonial.

Ihsane El Kadi est accusé d’avoir trahi son pays, mais, vu des horizons éloignés d’où nous regardons et nous intéressons à l’Algérie, il nous semble qu’il a, au contraire, chevillé l’amour de cette terre à son travail de journaliste indépendant.

C’est pourquoi nous nous permettons, monsieur le Président Abdelmadjid Tebboune, d’écrire aujourd’hui pour vous demander de faire tout ce qui est en votre pouvoir afin que cesse l’acharnement sécuritaire et judiciaire que subissent Ihsane El-Kadi et tous les prisonniers d’opinion en Algérie.

Quels que soient les désaccords et les antagonismes, l’Algérie est un idéal plus vaste que le cachot qu’elle est en train de devenir pour les journalistes critiques et les voix discordantes. Elle est la terre retrouvée des damnés de la terre.

Il est en votre pouvoir de libérer Ihsane El-Kadi ainsi que tous les journalistes emprisonnés et tous les détenus d’opinion. Usez de ce pouvoir, par fidélité au combat des Algériens pour la justice et la liberté.

Signataires : Etienne Balibar, philosophe (France) ; Joyce Blau, universitaire, membre des réseaux de soutien au FLN pendant la guerre d’indépendance algérienne ; Noam Chomsky, linguiste (Etats-Unis) ; Annie Ernaux, romancière, prix Nobel de littérature (France) ; Elias Khoury, romancier (Liban) ; Abdelatif Laabi, poète (Maroc) ; Ken Loach, cinéaste (Royaume-Uni) ; Achille Mbembe, historien et politiste (Cameroun) ; Arundhati Roy, romancière (Inde) ; Youssef Seddik, philosophe (Tunisie).

Collectif

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EDITORIAL. Réélection d’Erdogan : conséquences pour la Turquie et impact sur l’Afrique du nord.

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EDITORIAL. Réélection d’Erdogan : conséquences pour la Turquie et impact sur l’Afrique du nord.

La réélection d’Edogan est un fait important à analyser au regard de la vie intérieure turque mais aussi du point du vue de l’influence géopolitique d’un pays membre de l’OTAN. La Syrie, l’Azerbaidjan, l’Arménie, l’Ukraine ou la Grèce sont concernés en premier chef par ce scrutin. Mais, on ne le dit pas assez, il en est de même pour l’Afrique du nord.

Une victoire en trompe l’oeil

Avant d’envisager les incidences extérieures de ce troisième mandat du Réïs, il convient de voir dans quelles conditions il a été acquis et comment il est vécu après coup.  Il faut d’abord relever qu’à l’inverse des deux précédentes victoires, cette dernière n’a été arrachée qu’au deuxième tour avec un score de 52,14%. Par ailleurs, si les capitales occidentales ont pris acte du succès arithmétique du responsable islamiste, elles ont relevé que le climat qui a prévalu en amont du vote était loin d’être exemplaire. Le concurrent d’Ergogan, Kemal Kiliçdaroglu a eu droit à…trente fois moins de temps d’antenne sur les médias publics.  Et ce ne sont pas les observateurs étrangers qui contesteront la partialité de l’administration. « J’ai le regret de constater que le travail de l’administration électorale a manqué de transparence », a déclaré le responsable de la mission d’observation, Jan Petersen.

Un autre phénomène, déjà oublié, a marqué cette campagne. Le principal adversaire du président sortant, coopté par six partis d’horizons politiques divers, est un alévi qui a publiquement dit son appartenance à cette minorité cultuelle, marginalisée sinon stigmatisée en Turquie, où les femmes et les hommes prient et discutent ensemble pendant les cérémonies religieuses. Cela dit quelque chose des profondes mutations qui traversent un pays cornaqué par un autocrate disposant d’une Diniyet dotée de deux milliards de dollars par an et qui mobilise 100 000 personnes pour araser les rites ouverts de l’islam par un sunnisme hégémonique dont il se veut le surveillant voire le tuteur. Pour ne pas laisser planer de doute sur ses objectifs, celui qui rêve de reconstituer l’empire ottoman a tenu à se recueillir, la veille du deuxième tour, sur la tombe d’Adnan Menderes, l’homme qui a, le premier, voulu attenter à l’héritage d’Ataturk.

La Turquie sort divisée de cette compétition et ce n’est pas un Erdogan rigide et monomaniaque qui travaillera à sa réunification. Il a bien appelé à l’union nationale mais ses premiers mots, avant même la proclamation des résultats, furent : «  Bye bye, Kemal. ( Kamel Kiliçdaruglu, arrivé au 2éme tour. ndlr ) » Si l’on ajoute à ces considérations le fait que sur les  trois millions d’électeurs des provinces affectées par le séisme du 6 février, moins de 130 000 ont pu s’inscrire, on peut supposer que lorsque la vie quotidienne reprendra son cours et que l’inflation qui fait plonger la livre à des niveaux abyssaux privera le citoyen du minimum nécessaire à une vie décente, l’autorité d’Erdogan peut connaitre des érosions contre lesquelles les émois du nationalisme islamiste, qui ont servi de voile aux échecs économiques pendant la campagne, risquent de s’avérer insuffisants. Un dépit qui peut du reste se traduire par un revers électoral lors des élections locales prévues dans une année alors que les plus grandes villes du pays échappent déjà à l’AKP.

A l’intérieur du pays, le plus dur reste à faire pour Erdogan.

Le marécage nord-africain

Sur la scène internationale, le président turc peut faire valoir sa double entente avec Moscou et Kiev pour monnayer une relative liberté de manœuvre en Syrie, au Kurdistan et au Haut Karabach. En revanche, sur le sous-continent nord-africain, les relations sont plus complexes pour Ankara. Avec Rabat, la coopération dominée par le commerce ne pose pas de problèmes politiques particuliers au royaume.  Il en va tout autrement avec les trois autres pays de la région qui furent tous soumis à la Sublime Porte. En Libye, la Turquie est déjà ouvertement engagée dans le conflit où, d’ailleurs, elle s’oppose à la Russie, pourtant partenaire privilégié dans la construction du cartel des démocraties illibérales. En Tunisie, le régime apprécie très mal le soutien apporté par le pouvoir turc au parti islamiste d’Ennahdha, ennemi juré de Kaïs Saïed. Sans surprise, le président turc fut l’un des premiers dirigeants à dénoncer l’arrestation de Rached Ghannouchi. Un tracas de plus pour Alger, en concubinage interne et externe avec les Frères musulmans et qui ne cesse d’inviter son affidé tunisien à la retenue dans sa gestion du parti religieux pour ne pas irriter un régime turc en qui le gouvernement Tebboune voit un modèle. En Afrique du nord, seule l’Algérie semble se réjouir de la reconduction d’Erdogan. Islamisme, autoritarisme et nationalisme exacerbé répondent à la promotion des canons politiques sur lesquels travaille le pouvoir algérien qui ne cache pas sa fascination pour la poigne et le conservatisme xénophobe du leader ottoman. La collaboration entre les deux pouvoirs est d’ailleurs mutuellement appréciée. Après la mort soudaine du vice-ministre de la défense Ahmed Gaid Salah, son secrétaire particulier, Guermit Bounouira, avait fui vers Ankara en emportant avec lui des dossiers compromettant pour de nombreux dirigeants algériens. Les autorités turques ont rapidement renvoyé le félon vers Alger…après l’avoir débriefé.

Cette proximité algéro-turque n’est pas sans poser problème. « Avec les informations qu’ils détiennent sur les dirigeants algériens, les Turcs ont de beaux jours devant eux en Algérie. Ils savent se montrer généreux quand il faut enlever les grands contrats disputés par des concurrents qui s’interdisent de recourir aux commissions occultes,» analyse un représentant d’un grand consortium italien qui a dû renoncer à un gros marché devant la force de persuasion turque.  «  Ils tiennent une bonne partie de la nomenklatura », ajoute notre interlocuteur.

Autre son de cloche : « il serait trop exagéré de dire qu’Erdogan va compenser sa fragilité politique et ses déficits économiques par le chantage qu’il ne se privera pas d’exercer sur les acteurs algériens, mais il va certainement en jouer », pronostique ce jeune expert qui a longtemps conseillé le Forum des chefs d’entreprises, FCE, à l’époque d’Ali Haddad, lequel est aujourd’hui détenu dans le centre pénitentiaire de Tazoult Lambèse.

L’Algérie s’apprêterait à envoyer comme ambassadeur à Ankara le secrétaire général du ministère des affaires étrangères Amar Belani, un homme physiquement affaibli et dont la nuance n’est pas la première qualité. Affecté des années durant aux invectives envers le Maroc, il pourrait finir sa carrière en mettant à profit sa gouaille pour célébrer et relayer les vertus de l’autoritarisme islamo-conservateur.  

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L’ambassadeur d’Algérie à Rome provoque une polémique en Tunisie

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L’ambassadeur d’Algérie à Rome provoque une polémique en Tunisie

Pour la deuxième fois en quelques mois les propos d’un dirigeant algérien suscitent une vive polémique en Tunisie.

Une rechute qui passe mal à Tunis

Après les propos du chef de l’Etat tenus en janvier devant la première ministre italienne Giorgia Meloni et jugés offensants à Tunis, Abdelkrim Touahria, ambassadeur d’Algérie en Italie, vient de déclarer à l’agence de presse NOVA que : « son pays travaille en étroite collaboration avec l’Italie pour maintenir la stabilité en Tunisie. » il précise son propos ainsi: «  nous sommes pleinement engagés à faire face à la situation en Tunisie qui nous préoccupe et nous coopérons avec l’Italie pour prévenir toute forme d’instabilité dans ce pays », avant de conclure : «  notre objectif commun est de contribuer au maintien de la stabilité en Tunisie. »

Une déclaration qui n’a pas tardé à entrainer une multitude de réactions sur la toile mais aussi auprès de hauts cadres, de militants politiques ou d’intellectuels. Un activiste cité par Al Qods Al Arabi ironise : « comment l’Algérie va-t-elle se coordonner avec l’Italie pour maintenir la stabilité en Tunisie ? Cela se fera-t-il à travers le projet Galsi de transport de gaz qui ignore le territoire tunisien (…) ou bien, en autorisant la pollution du bassin de la Medjerdah par des déchets industriels et urbains ? Ou en utilisant à mauvaises escient les ressources en eaux souterraines partagées entre la vallée algérienne du Souf et la région tunisienne de Ghardimaou, ce qui va à l’encontre de nos accords et traités ? »

Remontées des anciens problèmes

Pour sa part, Elyes Farhi, ancien ambassadeur et analyste politique s’alarme dans son post facebook de la dépendance dans laquelle s’installe la Tunisie de Kaïes Saïed vis à vis de l’Algérie, une relation qui prend une « tournure de vassalisation ».  Il déplore « qu’en plus du cumul sourd de litiges bilatéraux, notamment sur le dossier brulant de l’eau, des responsables politiques et diplomatiques algériens prennent la liberté de discuter avec des pays tiers de la stabilité de la Tunisie sans susciter de réaction d’amour propre de la Tunisie. »

Elyes Farhi se saisit de la dernière saillie de l’ambassadeur algérien pour rappeler que : « l’histoire, avant et après l’indépendance, nous a pourtant appris à faire preuve de vigilance tout en veillant à l’établissement de relations de bon voisinage… » avant de trancher par un avertissement : «  la souveraineté nationale est trop précieuse pour être compromise par des élans émotionnels irréfléchis ou pour une poignée de pétro-dollars. » L’ancien diplomate tunisien relève au passage que « depuis 2011, la Tunisie a échoué dans sa gestion du voisinage libyen avec des effets préjudiciables sur l’économie et la sécurité nationales. »

Maladresses ou expansionnisme diplomatiques ?

Pour rappel, au mois de janvier, Abdelmadjid Tebboune en présence de la première ministre italienne Giorgia Meloni qu’il recevait à Alger avait, lui aussi, déclaré que l’Algérie et l’Italie veillaient à maintenir la stabilité en Tunisie. Un propos qui avait déjà engendré des débats indignés dans les médias et la classe politique tunisienne. ( voir adn-med du 08/04/2023)  

Au mois d’avril, c’était l’ambassadeur algérien à Tripoli qui déclencha une autre polémique en demandant à la ministre des Affaires étrangères libyenne de mettre un terme aux activités du Conseil suprême amazigh de Libye. Une ingérence qui avait soulevé une bronca des organisations amazighes libyennes, lesquelles avaient demandé à l’ensemble des partis et des associations libyens d’exiger l’expulsion du diplomate algérien. ( voir adn-med du 28/04/2023) 

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Algérie. Karim Tabbou libéré mais placé sous contrôle judiciaire

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Algérie. Karim Tabbou libéré mais placé sous contrôle judiciaire

L’activiste Karim Tabbou enlevé par des individus en civil jeudi à Alger ( Voir adn-med du 25 mai ) vient d’être libéré après avoir été mis sous contrôle judiciaire pour avoir participé à une émission de télévision avec l’ancien président tunisien Moncef Marzouki, aujourd’hui opposant à Kaïs Saïed vivant en exil et lui aussi sous le coup d’une condamnation de la justice de son pays.

Il a été présenté aujourd’hui au procureur de la République et à un juge d’instruction du tribunal d’El Koléa après 48 heures de garde à vue au commissariat de Dely Ibrahim ( Banlieue ouest d’Alger ).

Il lui a été signifié quatre chefs d’inculpation dont le fait d’avoir participé avec l’ancien président tunisien Moncef Marzouki à une émission programmée par la télévision islamiste Al Maghribia basée à Londres et diffusée le 7 mai 2023.

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Tunisie. Le directeur de Mosaïque FM libéré mais la liberté d’expression reste fortement menacée

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Tunisie. Le directeur de Mosaïque FM libéré mais la liberté d'expression fortement menacée

Noureddine Boutar, directeur de la radio privée Mosaïque FM, a bénéficié d’une libération sous caution mercredi 24 mai, après plus de trois mois derrière les barreaux.

Il avait été arrêté le 13 février 2023 et placé en détention provisoire pour soupçons de blanchiment d’argent. Il est accusé entre autres d’avoir utilisé les fonds de son média pour orienter sa ligne éditoriale contre le régime.

La presse en sursis

Si, selon le dossier judiciaire, aucun élément n’a été apporté par l’accusation de nature à prouver une quelconque malversation, les charges qui pèsent sur lui n’ont pas été levées et sa libération, moyennant une somme d’un million de dinars tunisiens (300 000 euros) est assortie d’une interdiction de quitter le territoire tunisien. M. Boutar fait également partie de la liste des accusés dans l’affaire dite du complot contre la sûreté de l’État. Il n’a cependant pas été entendu par le juge ni placé en détention dans le cadre de cette affaire, contrairement à plusieurs figures de l’opposition arrêtées depuis le mois de février. 

Cette libération intervient dans un contexte de répression accrue contre les journalistes, mais aussi contre des citoyens qui s’expriment sur les réseaux sociaux. Lundi 22 mai, les deux journalistes Haythem El Mekki et Elyes Gharbi, ont été entendus par la brigade criminelle de Tunis après une plainte déposée contre eux par un syndicat des forces de l’ordre. Le chroniqueur et l’animateur de Midi Show, émission de Mosaïque FM la plus écoutée en Tunisie, sont accusés d’avoir tenu des propos insultants contre la police, après avoir évoqué la question du recrutement au sein des institutions sécuritaires, dans le contexte de l’attentat de Djerba perpétré par un agent de la garde nationale. Après un interrogatoire qui a duré plusieurs heures, ils ont finalement été relâchés en attendant d’être entendus par le juge d’instruction. Notons la forte mobilisation de la profession et de la société civile présents massivement devant les locaux de la brigade criminelle durant toute la durée de l’audition.

Une semaine plus tôt, le 16 mai, le correspondant de la même radio à Kairouan a été condamné en appel à cinq ans de prison. S’il reste libre en attendant le pourvoi en cassation, il s’agit du jugement le plus sévère de l’histoire de la presse tunisienne, « sans précédent dans tous les régimes dictatoriaux tunisiens », avait alors déploré le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) dans un communiqué. 

Plusieurs autres journalistes, dont Nizar Bahloul, directeur de Business News, Monia Arfaoui, journaliste à Assabah, et Mohamed Boughalleb, chroniqueur sur Cap FM, sont actuellement poursuivis en vertu du décret-loi 54-2022. Promulgué par Kaïs Saïed en septembre 2022, ce texte punit de cinq ans de prison et d’une amende de 50 000 dinars (environ 15 000 euros) toute personne « utilisant délibérément les réseaux de communication et les systèmes d’information pour produire, promouvoir, publier ou envoyer de fausses informations ou des rumeurs mensongères ». La peine encourue est portée à dix ans si ces informations concernent un fonctionnaire de l’État, ce qui est le cas des journalistes visés, poursuivis par des membres du gouvernement de Najla Bouden. 

Le fait du prince

Mais les menaces qui pèsent sur la liberté d’expression ne concernent pas uniquement les médias. Plusieurs citoyens ont été poursuivis ou condamnés pour des publications critiques vis-à-vis du pouvoir en place, partagées sur les réseaux sociaux. Le 16 mai, deux jeunes étudiants ont été arrêtés à Nabeul, dans le Nord-Est de la Tunisie, pour avoir publié une chanson satirique jugée insultante contre la police. Après une forte mobilisation de la société civile et des médias, le président Kaïs Saïed s’est exprimé, jugeant que cette arrestation était « injuste » et « inacceptable ». Dans l’heure qui a suivi, les deux jeunes hommes ont été libérés. 

Au même moment, un enseignant du secondaire à Gafsa n’a pas eu cette chance. Après avoir été arrêté pour avoir publié des caricatures et des commentaires critiquant le régime politique et le président de la République, il a été condamné à un mois de prison ferme. Lors de son audition, il a notamment été interrogé sur son positionnement par rapport au pouvoir en place et au coup de force de Kaïs Saïed le 25 juillet 2021. Dans le même sens, Mohamed Zantour, jeune étudiant et activiste originaire de Msaken dans la région de Sousse, est lui aussi en prison depuis près d’un mois après qu’un mandat de dépôt a été émis contre lui le 29 avril 2023. Comme d’autres, il a été placé en détention en vertu du décret-loi 54-2022 pour avoir partagé sur les réseaux sociaux son avis critique par rapport au régime de Kaïs Saïed. 

De nombreux avocats, opposants politiques, journalistes ou citoyens sont actuellement poursuivis par la justice tunisienne, pour avoir exprimé leurs opinions. Dernier en date, l’avocat Mehdi Zagrouba a entamé une grève de la faim au siège de l’Ordre des avocats pour ce qu’il décrit comme un acharnement judiciaire et une injustice. Après avoir été condamné en début d’année par la justice militaire, un mandat d’amener a été émis contre lui dans le cadre d’une plainte de la ministre de la justice sur la base du décret-loi 54. 

En avril, lors du lancement d’une campagne contre ce décret-loi jugé liberticide, plusieurs organisations de la société civile ont dénoncé le fait que ce texte accorde une immunité aux fonctionnaires et représentants de l’État contre les critiques qui leur sont adressées. Le SNJT a, de son côté, mis en garde contre une « dérive dangereuse » et décidé de multiplier les mouvements de protestation. 

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Algérie. Karim Tabbou placé en garde à vue

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Algérie. Karim Tabbou libéré mais placé sous contrôle judiciaire

L’ex-premier secrétaire du Front des forces socialistes (FFS), Karim Tabbou a été placé en garde à vue ce mardi 24 mai à Dely Brahim (banlieue Ouest d’Alger) apprend-on auprès de sa famille.

L’information est tombée sur les coups de 16h30 quand Djaffer Tabbou a publié un post sur Facebook indiquant que son frère Karim a été arrêté « par des individus en civil » dont « l’appartenance institutionnelle est ignorée ». Il donnera quelques heures plus tard l’endroit où le coordinateur de l’Union démocratique et sociale, UDS (parti non reconnu par le ministère de l’Intérieur) se trouvait en maintenant que les raisons de l’arrestation et les services qui le détiennent sont toujours inconnues. 

Il est à rappeler que Karim Tabbou avait été interpellé plusieurs fois depuis l’apparition du Hirak en 2019 et a été incarcéré entre septembre 2019 et juillet 2020. Il a été condamné à une année de prison ferme en mars 2020 et à une année de prison avec sursis en novembre de la même année dans deux affaires différentes.

Personne controversée de la scène politique algérienne, l’activiste Karim Tabou, aujourd’hui âgé de 50 ans a fait partie du Rassemblement pour la culture et la démocratie, RCD ( parti laïc ) au début de son engagement politique avant rejoindre le front des forces socialistes, FFS, qu’il quittera dans des conditions troubles. Il fondera ensuite l’UDS et se présentera, avec d’autres figures,  comme l’un des prétendants à la représentativité du hirak, une autopromotion qui fut reprochée à leur auteurs par une partie de l’opinion qui considérait que cette prétention a semé une confusion qui fut l’une des causes de l’essoufflement puis de l’arrêt des  manifestations. 

Ces dernières années Karim Tabou qui assume désormais son rapprochement avec le courant islamiste intervenait régulièrement sur la chaine de télévision Al Maghribia dirigée par le fils d’Abassi Madani, fondateur du Front islamique du Salut, FIS.

Pour l’instant, les autorités n’ont pas fait de commentaires sur cet enlèvement.   

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