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SCANDALES DE LA COUPE DU MONDE : LA PART DES CHOSES

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Des protestations en cascades giclant des pays démocratiques pour dénoncer les abus infligés aux travailleurs étrangers et les stigmatisations ciblant des minorités sont suivies par des réactions de solidarité sans nuances avec le Qatar à quelques jours de la Coupe du monde de football qui commencera à partir de dimanche à Doha. Les droits LGBT et les conditions de travail imposés aux ouvriers népalais, bengalis ou pakistanais – dont Amnesty international signale plus de 6000 décès – constituent les deux sujets autour desquels les observateurs expriment leur indignation. Cette campagne appelle deux remarques. La première concerne les nations du Nord, la seconde renvoie aux pays de culture musulmane qui crient à un suprémacisme blanc qui veut imposer ses valeurs à l’ensemble de l’humanité. 

S’agissant des cris d’orfraie émanant des capitales occidentales qui condamnent les atteintes aux libertés fondamentales (droit de travail bafoué ou criminalisation des orientations sexuelles) ; on peut effectivement relever que lorsque la Coupe du monde de football se tenait dans des pays d’Amérique latine, alors sous dictature militaire, peu de voix s’étaient élevées pour condamner les violations massives et permanentes des plus élémentaires des droits. Des milliers de citoyens furent enlevés et assassinés sans qu’une fédération ou une équipe nationale de quelques pays que ce soit n’ait pensé à émettre une protestation officielle. Les rares initiatives, courageuses et périlleuses, qui furent prises pour dénoncer les arbitraires des juntes latino-américaines vinrent des joueurs locaux. On se souvient tous du combat du brésilien Socrates. Pour le reste, on n’a pas vu que la présence du dictateur argentin Videla dans les tribunes officielles engendra de grands émois dans les chancelleries ou les rédactions sportives. Le football comme tous les sports doit rester apolitique, ne cessait-on d’alléguer alors. Et ceci jusqu’aux jeux olympiques de Moscou en 1980. Il y a donc bel et bien une distorsion dans cette morale à la carte où des ordres politiques oppresseurs reçoivent des traitements différenciés selon les zones d’influences et les aires culturelles et religieuses dont ils relèvent. On peut toujours arguer que le monde se démocratisant, il est normal et heureux que ce qui était toléré il y a quarante ou cinquante ans ne le soit plus aujourd’hui. Fort bien. Mais présentons ces évolutions comme des acquis de l’humanité et ne faisons pas comme si les abus de pouvoir n’avaient jamais existé dans des pays ayant organisé la Coupe du monde de football.  

On peut par ailleurs rappeler que le féodalisme du régime qatari n’est pas une nouveauté. Il eut fallu que les instances internationales réfléchissent avant de confier une telle compétition à un pouvoir dont les lois liberticides et les archaïsmes politiques, à commencer par le financement du mouvement des Frères musulmans ne sont un secret pour personne. Il y a donc bien un brin d’hypocrisie dans le remue-ménage de ces dernières semaines qui méritait d’être relevé. Mais pas pour les mêmes raisons que celles qu’invoquent des observateurs du sud conditionnés ou instruits par Doha dont les capacités en matière de communication sont infinies.

Le discours victimaire ressassé par des médias du monde arabe qui se plaisent à voir dans les réactions d’indignation des ONG et de certains milieux sportifs des postures de stigmatisation d’un pays musulman est à la fois puéril et dangereux. Si les us et coutumes d’un pays doivent, par principe et pour toujours, être préservées et respectées, l’esclavage devrait toujours être admis et béni et le droit de cuissage reconnu.  Il se trouve que l’histoire du monde a connu les évolutions les plus salutaires à travers des épopées qui ont eu lieu pour théâtre Athènes. Faudra-t-il renier des acquis qui appartiennent désormais à l’humanité au motif que le monde musulman, entré dans une profonde involution depuis des siècles, ne participe plus depuis bien longtemps aux avancées de l’histoire des hommes. Les commentaires qui déplorent les préférences données aux immigrants ukrainiens par rapport à ceux venus de Syrie ou d’Afrique du nord n’ont pas lieu d’être. Là aussi, trêve d’hypocrisie. Un pays d’accueil cherchera naturellement à favoriser l’afflux de populations dont la présence ne perturbe pas l’harmonie et la cohérence de ses codes et normes. Les vigiles de culture musulmane pointant les insuffisances des pays occidentaux seraient bien inspirés de signaler les outrages et outrances que commettent des régimes dont ils défendent le droit à la différence par la pérennisation de l’arbitraire et de la régression. 

Quant à saluer la bravoure de Poutine qui assure libérer le sud de l’hégémonie occidentale, il est peut-être utile de relever que le maitre du Kremlin qui a dévasté un pays vaste, riche ayant enfanté d’illustres penseurs et artistes est bien mal placé pour engendrer l’émancipation du monde. 

La coupe du monde du Qatar doit interpeler le Nord sur son retard à l’allumage sur certaines décisions et mises en application des valeurs démocratiques ; ces distorsions ne doivent pas être l’occasion de célébrer les stratégies qui érigent le retard historique en privilège du vaincu.    

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Editorial. Que dit la présence de Zelinsky à la Ligue arabe ?

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Editorial. Que dit la présence de Zelinski à la Ligue arabe ?

Le président ukrainien Volodimir Zelinski, invité par le prince héritier Mohamed ben Salmane, MBS est arrivé ce vendredi à Djeddah où se tient le 32éme sommet de la Ligue arabe au cours duquel il devait prendre la parole. Le dirigeant ukrainien a déclaré qu’il allait également avoir des entretiens bilatéraux avec d’autres dirigeants arabes, ce qu’il fit.

Une invitation audacieuse

Il est trop tôt pour dire si le passage de Zelinski à Djeddah qui doit ensuite s’envoler vers le Japon pour assister à une réunion du G7, où sont annoncées d’autres sanctions contre la Russie, va induire une évolution radicale dans le monde musulman sur la crise ukrainienne. Mais cette présence qui intervient au moment où Poutine organise à Kazan le forum économique Russie-monde islamique ( voir adn-med du 19 mai ) est en elle-même un message politique fort délivré au président russe qui ne manque pas une occasion de suggérer que l’invasion de l’Ukraine était aussi décidée pour protéger la minorité musulmane tatare vivant en Crimée.

Sur un autre registre, cette invitation qui ne fait pas l’unanimité dans une Ligue fragile et hétéroclite risque d’aggraver ou de réveiller des fractures latentes. Elle n’en est pas moins importante pour l’Ukraine bien sur mais aussi pour le monde musulman, généralement réduit à observer passivement les grands bouleversements mondiaux. Et, depuis la chute du mur de Berlin, la question ukrainienne est bien l’un des évènements les plus critiques qu’ait eu à traiter la communauté internationale.

Dans le souci de ne pas trop heurter les puissances occidentales, Alger se défend de lier l’absence de Tebboune à Djeddah à la présence de Zelinski. Force est pourtant de relever que celle-ci n’y est pas étrangère. Les laborieuses explications des médias algériens, officiels et officieux, expliquant le refus du chef de l’Etat de participer personnellement à ce sommet par « les décisions solitaires et inamicales » de MBS – lesqelles ont une part de vérité -, restent insuffisantes pour convaincre les observateurs, tant les rappels « des risques que feraient peser sur la Ligue l’abandon de sa neutralité » que mettrait à mal cette invitation sont insistantes à Alger.

Proche de Moscou, l’Algérie dont les relations économiques avec l’occident sont denses, ne pouvait cependant pas rester sans réagir à une invitation qui est perçue comme un parti pris contre le Kremlin.

Pragmatisme saoudien

 L’Arabie saoudite, premier exportateur mondial de pétrole, a pourtant joué de pragmatisme en ne favorisant pas la mise sous embargo du pétrole russe auquel appelaient les occidentaux après l’invasion de l’Ukraine. En outre, Riyad n’a pas ménagé ses efforts quand il a fallu travailler à la réintégration dans la Ligue arabe d’une Syrie, satellisée sinon vassalisée par Moscou. Le même pragmatisme vaut quand le gouvernement saoudien, gardien des lieux saints de l’islam, accepte les bons offices de la Chine pour favoriser le rapprochement avec l’éternel ennemi iranien, alors que Pekin mène une campagne d’étouffement méthodique de la communauté musulmane ouighoure.

Tout en demeurant un allié stratégique des Etats-Unis, MBS n’hésite pas à afficher des postures d’autonomie qui, en d’autres temps, auraient été enregistrées comme autant d’actes d’insubordination envers le protecteur américain. L’Arabie Saoudite n’a-t-elle pas laissé courir l’information la donnant comme un potentiel candidat à l’adhésion au groupe des BRICS ? Travailler avec tout le monde, s’adapter aux conjonctures avec pour seul critère le souci d’améliorer la visibilité du Royaume et, le cas échéant, tirer profit des antagonismes qui peuvent opposer les grandes puissances en se posant en relai ou partenaire de l’un puis de l’autre sans préjuger des antécédents diplomatiques ou d’a priori idéologiques est devenu en quelques années la marque de fabrique de MBS.  

Longtemps confinée dans le rôle de poste avancé américain au Proche orient, Ryad entreprend, sur le plan intérieur, de multiples réformes sociétales qui ne manquent pas de surprendre, s’affirmant de plus en plus comme une société en mouvement et une nation incontournable de la région.

D’aucuns n’hésitent plus à poser la question à haute voix. Le nouvel ordre mondial sur lequel spéculent nombre d’observateurs ne devra-t-il pas intégrer un acteur de plus, aussi déterminé qu’imprévu ?

Sous cette ambition désormais revendiquée demeure toujours une question : vers quoi tendrait le leadership saoudien ? Pour plus de démocratisation dans le monde musulman ou pour l’érection d’un empire autocratique où le salafisme ne serait plus une doctrine prescrite et assumée par l’Arabie saoudite ni les mouvances rebelles tenues par des factions hors de contrôle mais un contre-feu démocratique sous-traité à un cartel de régimes despotiques comme l’Egypte, la Turquie, l’Algérie ou la Tunisie qui assumeraient sans complexe un islamisme dont il déposséderaient les groupes armés informels.

Pour le reste, l’Arabie saoudite de MBS est bien décidée à ne plus être le réservoir de pétrole d’où les uns et les autres puisaient à volonté pendant que des princes indolents et lubriques se livraient à leurs agapes dans les stations balnéaires d’Europe et d’ailleurs.

Sauf accident, toujours possible dans des contrées où la violence demeure un impondérable prégnant lors de successions ou de mutations systémiques, la géopolitique mondiale devra compter avec un pays qui ne cache plus sa volonté de se poser en pivot du nouveau monde islamique. Il reste, et ce n’est pas la moindre des interrogations, à savoir avec qui, comment et pour quels objectifs ultimes travaille MBS.

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Editorial. Rente mémorielle en Algérie : on ne creuse plus, on fore

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Editorial. Rente mémorielle en Algérie : on ne creuse plus, on fore

Le journal El Moudjahid, organe officiel du pouvoir algérien, et le conseiller du chef de l’Etat chargé des archives et de la mémoire nationale viennent de commettre deux attentats moraux dont on ne saurait dire s’ils participent d’une nouvelle provocation ou d’une déchéance mentale systémique irréversible. Peut-être les deux.

A l’occasion de la commémoration du 78éme anniversaire des massacres du 8 mai 45, le quotidien gouvernemental, pourtant coutumier des raccourcis et des caricatures, franchissait un autre palier dans l’outrance morale et les outrages à la raison. Il publiait une photo des camps de concentration nazis pour établir une analogie avec le crime colonial exécuté au lendemain de la seconde guerre mondiale à Sétif, Guelma et Kherrata. L’horreur de cette abomination est suffisamment révoltante en elle-même pour ne pas avoir à être amalgamée avec d’autres drames de l’Histoire. Mais voilà, l’Algérie officielle ne peut exister sans la démesure des concurrences victimaires. Cette inclination remonte aux premiers jours de l’indépendance. Le million et demi de martyrs offert aux Algériens par Ben Bella contre toute vérité historique voire le simple bon sens – un chiffre qui piège une nation condamnée à intégrer ad vitam aeternam une galéjade dans ses référents symboliques – se décline depuis dans une surenchère mortifère permanente. Effarant départ politique où la conquête du pouvoir se méritait par la fringale de la mort. Au point d’en devenir une marque de fabrique nationale. Nous ne sommes plus dans la construction des mythes fondateurs de la nation qui exaltent les luttes émancipatrices mais dans l’affabulation revancharde qui décrédibilise toute mise en perspective d’un destin collectif.

Ces inflations sont généralement le fait de ceux qui n’ont pas vécu de près les horreurs de la guerre qu’ils se plaisent à fantasmer. Or, à trop vouloir multiplier les martyrs, on en vient à banaliser et donc démonétiser leur combat. On est alors en droit et en devoir de dire à ces négociants de la mort que s’ils ont décidé de jouer des âmes des disparus ; ils pourraient au moins faire l’effort d’épargner aux générations futures les méfaits de leur propagande. Un jour des historiens, des démographes ou des diplomates renverront leurs lubies à la figure de nos enfants qui découvriront alors que leur pays est bâti sur des mensonges. Terrible héritage. Terrible responsabilité. 

Les 45000  ou les 7000 victimes, ( les sources divergent ) de 1945 furent le fait d’un crime que nul ne peut et ne doit ignorer. Une répression aveugle avait causé l’élimination massive d’Algériens, souvent des paysans sans armes. Lourde et révoltante, cette cruauté n’a pas besoin d’effets spéciaux en soulignant la barbarie. Il reste que si dramatique que fut cette abomination, elle ne fut pas une entreprise d’extermination générale et systématique des autochtones qui serait identique à celle que programma le régime nazi contre les Juifs. Mais pour les rentiers de la mort, l’ennemi sioniste ne doit pas avoir la primeur du sacrifice dès lors que les régimes despotiques étalonnent leur légitimité à l’aune du nombre de tombes et non de places d’écoles, de lits d’hôpitaux, de logements ou même de calories qu’ils peinent à mettre à la disposition de leur peuple.

Concomitamment à cette macabre comparaison, le protecteur de notre mémoire débitait devant une assemblée nationale sans sève ni relief une démentielle histoire de cigognes que l’armée coloniale aurait jugée pendant la guerre de libération nationale. Le seul traitement que l’on puisse réserver à cette outrecuidance est de laisser le lecteur en découvrir l’insanité dans la vidéo montrant les péroraisons débilitantes de celui que le pouvoir a désigné représentant algérien dans l’improbable commission algéro-française chargée de démêler les tragédies mémorielles de l’époque coloniale.

Ces deux épisodes sont les expressions puériles et toxiques d’une politique d’Etat qui instrumentalise jusqu’à l’extravagance l’occupation française pour occulter le débat sur les brumes du présent et le brouillard du futur. Cette manipulation a toujours fait partie de l’ADN du système algérien. Et rien ne dit que le cynisme de plus en plus délirant qui l’inspire va être un jour, sinon oublié du moins relativisé.

Le problème est qu’au moment où nous écrivons ces lignes – et hormis quelques internautes écœurés et/ou révoltés – aucun ancien maquisard, aucun responsable politique de l’opposition, aucun historien ni universitaire en général, aucun intellectuel ne s’est exprimé sur ce qu’un jeune a fort justement décrit comme un attentat à la santé mentale du pays. On peut cependant comprendre que l’énergie qui nourrit l’indignation puisse manquer quand ce sont les institutions qui font de l’investissement de la contre-vérité un fondement de la nation. Il arrive alors que l’humiliation permanente épuise et soumette plus que la violence.

L’humoriste Fellag disait que quand il arrive au fond, l’Algérien ne remonte pas , il creuse; espérant ainsi conjurer la folie destructrice par l’exagération. Il est détrôné par le réel : dans la course à la fascination de la mort, l’Algérie des abysses ne creuse pas ; elle fore.

intervention d’Abdelmadjid Chikhi devant les députés
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EDITORIAL. Question amazigh : un printemps à faire refleurir

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EDITORIAL. Question amazigh : un printemps à faire refleurir

La faible mobilisation enregistrée à Paris par les appels à célébrer le 43éme anniversaire du Printemps berbère contraste avec la qualité des idées qui émergent des rares échanges intellectuels nord-africains quand ceux-ci viennent à s’exprimer. L’attention suscitée par le dossier préparé par ADN-Med, où se sont fait écho des acteurs de toute l’Afrique du nord, est l’un des exemples qui attestent du fait que désormais la question amazigh doit être inscrite dans une dynamique supranationale. D’autres réalisations invitent à une évaluation rigoureuse des méthodes de lutte concernant un champ identitaire qui a changé d’ampleur et de nature.

En effet, cumulées, la marche du Mak et celle des associations et individualités ayant voulu rassembler les Amazighs de l’Afrique du nord et du Sahel dans la rue n’ont pas drainé la moitié du nombre de personnes qui ont célébré Yennayer à Saint Denis, dans la banlieue parisienne. Cette désaffection dit quelque chose de l’étape que traverse la revendication amazigh où se bousculent stratégies aléatoires et concepts approximatifs.

 Autant de confusions qui perturbent les opinions, inhibent les esprits et conduisent à des situations paradoxales.  

A voir la vigilance des pouvoirs qui veillent à réduire voire renier les concessions auxquelles les ont acculés les luttes populaires – cette semaine encore, des dispositifs impressionnants ont été déployés pour prévenir tout rassemblement en Kabylie où la chasse aux cafés littéraires est devenue une obsession des autorités locales-, on serait tenté de déduire que la réactivité populaire reste un potentiel opérant. Il n’en est rien. Les énergies s’investissent sur d’autres terrains et les centres d’intérêt se manifestent et s’expriment autrement. Des séminaires organisés dans les milieux universitaires, dont les administrations multiplient pourtant les obstructions, exposent des travaux de qualité qui ne rencontrent pas toujours les reconnaissances qu’ils méritent. Nouveauté : des jeunes, filles et garçons, à peine sortis de l’adolescence postent des vidéos où ils offrent des compositions originales ou des reprises qu’ils arrangent avec une qualité musicale qui a déserté la chanson kabyle depuis maintenant une bonne vingtaine d’années. Une génération méticuleuse qui recèle assurément les pépites de demain et dont il serait utile de connaitre les origines et les motivations profondes éclot sous nos yeux. Autre registre et pour rester dans le domaine kabyle : malgré un environnement général pollué par la bigoterie, une production littéraire amazigh libre et audacieuse émerge et rencontre son public. Le succès de la chroniqueuse littéraire Nisma Tigrine née vingt ans après 1980 vient rappeler les capacités et les attentes d’une jeunesse que beaucoup considérait définitivement aliénée par une école rétrograde. Le même élan s’observe au Maroc. Le réenclenchement du combat doit être repensé. Ce sont ces jeunes pousses qui feront refleurir le printemps amazigh.

L’époque n’est plus aux grandes démonstrations, aux compétitions de chapelles, aux appétences carriéristes ou aux émois bruyants et vains mais à la réflexion sereine, aux débats de fond et à la production féconde pour trouver un cap qui intègre les évolutions qui ont marqué des générations et des espaces que peu d’observateurs ont cru sensibles à la culture amazigh.  

Est-ce un hasard ?  Avril 80 est la consécration de patientes et généreuses initiatives qui ont entrainé l’adhésion des populations parce qu’elles étaient saines, adaptées, crédibles et convaincantes. Leur esthétique et leur éthique ont évité la violence et vaincu les désinformations. Retrouvant les chemins de la fidélité, des jeunes en ont fait remonter la sève. C’est vers ces vertueux artisans qu’il faut se retourner. Si ces porteurs d’eau sont entendus et soutenus, l’addition de leurs talents, irriguant Tamazgha, constituera le meilleur moteur des mobilisations citoyennes. La rue est l’écho et non la source des engagements.     

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Football et Ramadhan en France : la spirale infernale

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L’entraineur du club parisien Paris-Saint-Germain Christophe Galtier est le premier cadre sportif à être aspiré par la tourmente des controverses nées du refus de la fédération française de football, la FFF d’arrêter les matchs pour permettre aux joueurs ayant observé le carême de rompre le jeun.

Une polémique prévisible

Dans un article publié le 2 avril, adn-med prévoyait un probable rebondissement de cette séquence, compte tenu des suites politiques qui surgissent régulièrement après l’apparition de la question islamique sur la place publique.

Galtier vient d’être accusé par un ancien cadre de l’OCGNice, avec lequel il avait un différend professionnel lorsqu’il entrainait le club azuréen, de lui avoir adressé un message dans lequel le premier aurait déclaré redouter de voir trop de joueurs noirs ou « arabes » saturer une équipe dans un ville où la question migratoire est particulièrement sensible. Il n’en fallut pas plus pour que la polémique enfle et que des internautes, mais aussi certains médias du Sud, crient à « au racisme et à l’islamophobie » avant même que le mis en cause ne se soit exprimé.

Ayant reçu plus de 5000 messages hostiles dont certains contenaient des menaces de mort en quelques heures, l’entraineur parisien a été mis sous protection personnelle et familiale par son club. Et comme le confessait une enseignante québécoise suite à une demande d’adolescents de disposer d’un lieu de prière dans leur école ( voir adn-med du 11 avril ) , les agents chargés de relayer et d’amplifier les invectives consécutives à ce genre de situations sont les premiers à occuper la blogosphère, laquelle ne tarde généralement pas à infuser dans les médias mainstream. L’affaire concernant l’entraineur du PSG n’échappe pas à la règle puisque le dossier a rapidement changé de nature.

Dérapages

S’il s’avérait que Galtier a tenu les propos qui lui sont imputés, il serait évidemment indigne de continuer à exercer un métier dans un domaine où des coéquipiers de différentes communautés sont appelés à conjuguer leurs efforts pour travailler solidairement au succès d’un projet collectif. Mais au lieu de demander à l’accusateur de fournir les preuves de ce qu’il avance, la discussion dérape vers le fait de savoir si Galtier, qui a déjà coaché des clubs comme Saint- Etienne, Lille et Nice, a, à un moment ou un autre de son parcours, délivré un conseil ou exprimé un refus de voir un joueur participer à un match de haut niveau pendant le Ramadhan.  Une démarche qui revient implicitement à remettre en question la position de la FFF qui s’oppose à ce que des interférences confessionnelles et idéologiques pèsent dans l’accomplissement d’un contrat, qu’il soit sportif ou autre.

Cette année encore, Antoine Kamboiré, entraineur de Nantes, a retiré de ses effectifs un joueur qui refusait de s’alimenter. Quand il coachait l’AJ Auxerre, Guy Roux fut obligé de faire venir un imam pour expliquer à certains membres de son équipe qu’il pouvait s’alimenter et rattraper ultérieurement leur jour de carême.

« Autres temps, autres mœurs », constate un kinésithérapeute, aujourd’hui à la retraite, et qui qui a suivi de nombreux footballeurs issus de familles musulmanes. Pour lui : « du point de vue médical, religieux et, surtout, de la réglementation d’un pays laïc, ce problème n’a pas lieu d’être. C’est une affaire politique et l’époque est malheureusement aux postures politiciennes. »

 Christophe Galtier, déjà fragilisé par les résultats en dents de scie de son équipe, doit animer ce vendredi à 13 heures une conférence de presse pour donner sa version des faits.

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Israêl-Palestine. La crise de trop ?

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«  C’est toujours dramatique puisqu’il y a des morts mais à la fin  ça se tasse régulièrement. Parce qu’il n’y a pas moyen de faire autrement », argumente ce vieux chroniqueur d’une chaine en continu parisienne devant ses pairs. Il appuie son propos en rappelant que même la deuxième Intifadha provoquée par Ariel Sharon en septembre 2000 quand il avait investi l’Esplanade des mosquées est morte de sa belle mort en février 2005. D’habitude, l’expérience de l’homme sur ce sujet fait autorité dans la rédaction. Ce matin, il peine à convaincre : « Je ne sais pas, mais quelque chose me dit que cette fois, les choses ne ressemblent pas à ce que nous avons connu », lui répond une de ses collègues, de confession juive. 

Synergie des tensions.

Et c’est vrai que les facteurs en relation directes avec le conflit israélo-palestinien, les considérants périphériques et l’environnement international conférent à cette dernière crise une dimension inédite.

Il y a d’abord la composition du gouvernement israélien qui a fait que, pour échapper à la Justice, Netanyahou hypothèque les fragiles fondamentaux de l’Etat hébreu dans des alliances qui le rendent otage d’extrémismes frisant la démence. Les abus des ultranationalistes israéliens sont du pain béni pour d’autres extrémismes, palestiniens ceux-là, qui redoutent de voir une reconfiguration apaisée du Proche-Orient où le perpétuel fonds de commerce anti-sémite serait dissout dans la lente et volontariste reconstruction d’une nouvelle vision politique. En effet, on observe que sans s’y fondre complètement, de plus en plus de pays de la péninsule arabique et du Golfe ne répugnent plus à vire dans et avec le monde moderne. L’évolution de l’Arabie saoudite et le réchauffement de ses relations avec l’Iran – qui lui-même connait des mutations tectoniques – pourraient créer, à terme, un écosystème qui menacerait les engagements de plusieurs générations de clans alternant entre xénophobie et terrorisme. Ces derniers, incapables d’évoluer avec leur temps, jouent leur survie historique. Ils n’auront de cesse de provoquer pour perpétuer le chaos.

 
Plus généralement, l’invasion de l’Ukraine et les repositionnements qu’elle induit poussent des régimes en mal de légitimité à chercher refuge dans des conglomérats autoritaires où la loi et la prévisibilité ne sont pas toujours les normes qui déterminent la décision politique. Si la Russie et les USA appellent de concert les deux parties à « arrêter l’escalade », c’est que les deux nations ont, pour l’instant, intérêt à ne pas voir la région s’embraser. Moscou a trop à faire au Donbass et en Crimée pour prendre le risque d’exposer son protégé de Damas, déjà paria de la communauté internationale, à la contamination ou, pire, à l’éviction par une éruption islamo-populiste. On ne peut pas reconstruire partout et en tout temps des attelages aussi improbables que celui qui permet au Kremlin de disposer d’un vassal islamiste en Tchétchénie comme Kadirov. De son côté, Washington, aspiré dans le brasier ukrainien et toujours en tension permanente avec Pékin, ne peut se permettre de laisser exploser une guerre de religion dans une zone où elle a toujours assumé son rôle de protecteur d’Israël mais aussi celui de modérateur régional.

La folie prévalente

On le voit, la dernière surchauffe qui menace à Jerusalem intervient dans une conjoncture internationale inflammable où les grandes puissances, surprises par des bouleversements planétaires qui n’ont pas été anticipés, perdent brusquement leur capacité d’arbitrage. Avec un vieux conflit passionnel dont les irradiations perturbent déjà considérablement les régimes engagés dans la réforme et la modération. Le Maroc qui affronte ce samedi une contestation à connotation sociale sait que la manipulation de la normalisation de ses relations avec Israël peut phagocyter tout mouvement social. Plusieurs autres pays risquent de subir les répliques d’un cratère qu’un acte suicidaire, spontané ou provoqué, peut réveiller pour en faire, du jour au lendemain, un gigantesque volcan.

La nouveauté est que ce risque mondial dépend de deux groupes qui vivent de la violence, de la haine de l’autre et de l’irrationnel. De la folie. Et cela au moment où les acteurs qui avaient traditionnellement l’autorité pour proposer et, au besoin, à imposer la paix sont, qu’on le veuille ou non, des belligérants.     

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Le Maroc retient son souffle

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Le Maroc retient son souffle

L’appel de la coordination du front populaire, CFP lancé le 24 mars et relayé le 2 avril invitant à sortir dans la rue ce samedi se répand comme une trainée de poudre dans tout le Royaume.

Hier, jeudi, tard dans la soirée, ce sont encore les villes de Tanger, Demnate, Larache, Tiznit, El Jadida, Sidi Kassem et Benslimane qui se sont jointes à la quinzaine de cités qui avaient immédiatement adhéré à l’appel du 2 avril. Désormais, toutes les localités marocaines vont participer au mouvement de contestation populaire. Un dynamique qui n’a pas connu d’équivalent depuis longtemps.

Dans un premier temps, les organisateurs avaient appelé à protester contre les prix élevés des produits de première nécessité. La deuxième version du communiqué du CFP a radicalement pris un biais politique appelant à l’instauration d’un nouvel ordre pour mettre un terme à un pouvoir rongé par les maffias claniques alliées à l’impérialisme. ( voir Adn-med du 5 avril ).

Les observateurs suivront attentivement le contenu des slogans, pancartes et banderoles de ce samedi, leur nombre mais aussi ceux qui les porteront.

Jusque-là, le CFP était constitué d’éléments d’extrême-gauche qui, c’est désormais un classique un peu partout dans le monde, s’allie conjoncturellement avec des groupes salafistes.   Cet agrégat qui mobilisait quelques centaines de personnes à Rabat et Casablanca ne peut porter dans tout le pays, en quelques jours, si ce n’est quelques heures pour ce qui concerne les dernières adhésions, une contestation ouvertement dirigée contre le système politique marocain.

Ces derniers jours, le parti islamiste PJD a engagé un bras de fer contre le ministre des affaires étrangères – puis, et c’est plus inhabituel, une polémique avec le Palais – sur le dossier de la normalisation des relations diplomatiques avec Israël.

Une semaine plus tard, c’est le parti du peuple pour le socialisme, PPS qui prend le relai en dressant un réquisitoire implacable contre l’homme d’affaires et premier ministre Aziz Akhanouch. 

Etait-ce là une façon de ne pas laisser le terrain de l’opposition aux islamsites ou, au contraire, un appel à une convergence entre les deux partis ?

Un binôme improbable PJD-PPS peut-il se constituer pour canaliser une dynamique populaire qui s’annonce exceptionnelle ? Et si tel devait être le cas, quels seraient les objectifs de cette alliance ?

La journée de samedi sera décisive pour apprécier la viabilité des options économiques et politiques du gouvernement mais aussi, surtout, pour connaitre l’impact des choix géopolitiques pro-occidentaux fait ces trois dernières années par le Maroc dans un contexte qui a vu, depuis l’invasion de l’Ukraine, l’irruption d’un tropisme idéologique réfractaire au nord et qui gagne de plus en plus de pays dans le Sud. L’épreuve qui s’engage ce samedi au Maroc s’apparente à une réplique géostratégique des convulsions qui agitent le monde.

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Foot et islam en France : double guerre de religion

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Foot et islam en France : double guerre de religion

L’affaire du Ramadhan dans le football prend de l’ampleur. Et soulève à la fois polémiques et vraies questions, juridiques, politiques et sociétales. Une fois de plus le sujet est pris par le mauvais bout. Par toutes les parties.

Tabou institutionnel

Parce qu’il s’agit d’islam, les institutions françaises sont piégées.  Non pas parce que le problème est délicat à appréhender – il ne l’est pas – mais parce qu’il engendre immédiatement, comme tout ce qui touche à la religion musulmane en Europe, un rapport de force dans lequel s’affrontent des sensibilités politiques qui n’avancent pas à visage découvert. Ce qui, au lieu de clarifier les enjeux, les complique. Surtout lorsqu’il s’agit de football pratiqué par un musulman. La problématique devient alors doublement religieuse, le ballon rond étant déjà un culte en soi. ( Voir adn-med du 1er avril, contribution de Myassa Messaoudi )

Affirmer une vérité élémentaire comme de dire que jeuner pendant une compétition sportive énergivore est dangereux pour le sportif et, évidemment, contre-productif en termes de compétitivité est impossible. Les institutions françaises, qu’elles soient politiques, sanitaires ou sportives sont bloquées par le tabou, les marchandages électoralistes ou, plus grave, les manœuvres toxiques induites par le gauchisme, le wookisme et, plus généralement, les populismes qui se nourrissent les uns les autres pour, au final, affaiblir la République, faisant du même coup le bonheur de l’islamisme qui n’a qu’à compter les points. Le cas Benzema feuilletonne parce que personne dans la Fédération française de football, la FFF, n’a à ce jour osé parler de ce qui aurait été à l’origine de sa non-sélection dès la Coupe du monde e 2010 en Afrique du sud : un comportant potentiellement déstabilisateur du groupe des Bleus pour des considérations extra sportives qui scindaient les Tricolores sur la base de convictions religieuses. Pourtant, auparavant, Eric Cantona, un autre athlète tout aussi talentueux, avait été éloigné par Aimé Jaquet de la sélection française pour des raisons moins tendancieuses, sans que cela ait alors posé problème.  C’est que dans ce registre, la logique ou le simple bon sens n’ont pas cours.

On n’a entendu aucun dirigeant français dire solennellement, et faire suivre son propos par des décisions concrètes, que dans la République laïque aucune concession ne serait faite aux cultes lors de manifestations collectives, a fortiori si celles-ci se déroulent dans l’espace public, ce qui, par définition, est le cas d’un match de football.  Imagine-t-on un sportif juif demandant ou exigeant de ses coéquipiers ou de son club de faire venir une tierce personne pour actionner l’interrupteur de sa chambre un jour de shabbat ? On ne prend pas grand risque à être démenti en disant que pareille quête ferait aussitôt l’objet de féroce dérision si ce n’est de condamnation d’une manifestation de sionisme rampant. Et ceci de la part de celles et ceux qui se lèvent comme un seul homme pour saluer la tolérance britannique qui accepte d’arrêter les matchs pour permettre aux joueurs de confession musulmane de rompre le jeun. La Grande Bretagne qui a donné au monde des règles comme l’habeas corpus, des pratiques vertueuses telle que la présomption de la bonne foi ou des cérémonies festives, à commencer par le football, n’est assurément pas l’exemple à suivre dans le traitement de l’extrémisme religieux et donc de l’islamisme. Londonistan fut le lieu d’où furent programmées et vantées nombre d’opérations qui coutèrent des centaines si ce n’est des milliers de vies humaines, dont certaines britanniques, avant que la Chambre des communes ne se décide à adapter sa législation. Peut-on considérer comme un modèle à reproduire une nation qui se construit sur des agrégats de communautés vivant les unes à côtés des autres sans se connaitre en attendant d’être les unes face aux autres, pour reprendre l’expression de Gerard Collomb quittant ses fonctions de ministre de l’intérieur ?

L’Ecosse vient d’élire un premier ministre musulman. En soi, cette promotion pourrait être saluée comme une substantielle avancée démocratique et une remarquable évolution socio-culturelle. La chose devient problématique quand l’heureux promu met ostensiblement en avant sa spécificité religieuse dans un pays qui compte plusieurs cultes. Venant d’un homme public de premier plan, ce genre de comportement n’a rien de neutre. C’est une posture qui travaille à l’accélération d’un processus de déconstruction d’un Royaume uni dont le délicat équilibre connait des secousses qui risquent de le démembrer. Certains diront que cet démarche n’est pas moins légitime que n’importe quelle autre stratégie politique. Et ils auront raison. Mais alors, autant le dire clairement. L’islamisme, qu’il soit violent ou BCBG, travaille à créer des enclaves où il pourrait instiller, pour ensuite les imposer, ses normes et valeurs en Europe. Si l’islamisme devait apporter accomplissement individuel et harmonie collective, cela se serait vu dans les pays où il asservit les peuples depuis des lustres.

Dans ce chantier, l’Europe ne peut pas rester sur le déni, la culpabilité ou l’ambiguïté.

Les hésitations mortifères

Du côté de la communauté d’origine musulmane, le positionnement par rapport à cette dernière crise n’est ni plus clair ni plus sain. Il y a la majorité des citoyens qui fulminent devant une opération militante dont le but inavoué est, une fois de plus, de relancer le combat de la prévalence islamique dans la cité occidentale. Les esprits qui dénoncent cette cabale s’expriment dans des réseaux spécifiques. Rares sont ceux qui engagent le débat sur la toile pour démasquer les desseins d’une énième bataille idéologique. Intervenant en tant qu’individualités, ils savent que leur parole serait immédiatement noyée par des mouches électroniques programmées pour décrédibiliser les apostats. La réponse à cette dernière campagne est pourtant simple. Dans les pays musulmans, le pratiquant qui voyage ou qui est malade rompt le jeun pour le rattraper le jour de sa convenance.  Oui, mais reproduire cette tradition qui a cours en terre d’islam ne donne pas la visibilité nécessaire à la singularité concurrentielle par laquelle il faut impacter le territoire de l’Infidèle. L’écrasante masse des catégories sociales issues de l’émigration se tait.

De leur côté, les institutions musulmanes de France, au premier rang desquelles figure la Grande mosquée de Paris, proche d’Alger, se murent dans un silence jubilatoire.  Dans cette affaire qui ébranle le monde sportif supposé être un facteur d’intégration, l’opportunité était pourtant belle pour rappeler que le culte n’a pas vocation à être exposé sur le marché du zèle ou diviser la jeunesse. Ces instances ne feront rien. En tout cas pas avant que la tension n’ait atteint un seuil de rentabilité politique qui vaille de s’impliquer. Cultiver le clientélisme et le séparatisme permet de se poser en arbitre dans les situations de tempête ou alors, plus cyniquement, de disposer d’un cheval de Troie, chose qu’apprécient particulièrement les généreux autocrates du Sud quand il faut négocier pied à pied avec leurs homologues du nord.

Restent les minorités agissantes qui sont bien plus organisées et connectées aux niches de l’Internationale islamiste qu’on ne veut bien le dire. Chacune joue sa partition avec discipline et méthode. Le médecin, aliénant sa science à son combat, assurera doctement que le jeun peut être une bonne prescription pour l’organisme. Le militant de base qui est interpellé pour se prononcer sur un abus, un attentat ou une campagne oblique comme celle qui sévit présentement réagira avec une ruse invariable. Il protestera de ce qu’on l’essentialise en tant qu’être religieux alors qu’il est un citoyen français parmi d’autres. Le même individu sera pourtant au premier rang pour dénoncer « l’islamophobie » à chaque fois qu’il sera témoin d’une parole ou d’une initiative visant à fixer des limites aux inclinations prosélytes. On ne peut pas revendiquer l’anonymat de la citoyenneté quand il faut se démarquer d’une entreprise délictuelle ou criminelle et faire valoir la solidarité communautariste lorsqu’il faut hurler avec les loups.

La France est face à un combat long et intense. Elle ne peut l’emporter par les demi-mesures et les non-dits. Pour leurs parts, les binationaux qui ont un rapport direct ou lointain avec le culte musulman, ne peuvent préserver leur liberté et leur sécurité sans se donner les moyens de faire entendre solidairement leur voix.

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Editorial. Tebboune-Kais Saied : complotisme et arbitraire en partage

Qui inspire l’autre ?

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Editorial. Tebboune-Kais Saied : complotisme et arbitraire en partage

« Nous n’abandonnerons pas la Tunisie, n’en déplaise à certaines parties » a déclaré le chef de l’Etat algérien dans une interview diffusée ce mercredi par la chaine qatarie Al Djazira.

Prétention démesurée

Abedelmadjid Tebboune justifie son empressement à voler au secours de la Tunisie par le fait que « ce pays frère » serait victime d’un complot ourdi par plusieurs parties. La multiplicité des sources maléfiques est cependant rapidement ramenée à la vulgate algérienne : « les choses se sont compliquées davantage après l’accueil réservé par la Tunisie au président de la République arabe sahraouie démocratique, Brahim Ghali » insiste l’homme de « l’Algérie nouvelle ». Exit les abus d’autorité qui ont engendré une dégradation interne inédite et l’isolement international du pays de la rive sud le plus attractif pour les investissements directs étrangers, les IDE et le plus couru par les classes populaires du Nord qui s’y précipitaient pour passer leurs vacances.

Le décor est planté, les enjeux situés et leur interprétation monomaniaque définie. La Tunisie est désormais alignée sur les positions géopolitiques adoptées par l’Algérie et cela vaut, évidemment, pour le dossier du Sahara occidental alors que, sur ce sujet, elle avait toujours adopté une constante neutralité. Et dans un environnement où Alger ferraille avec Paris, Madrid et Rabat, cette recrue est capitale. Quoi de mieux que le complotisme pour souder deux régimes qui refusent le débat et la compétition transparente, c’est-à-dire l’Etat de droit ?

Tebboune ne dit pas comment ni quand ni avec quoi il compte venir au chevet d’une Tunisie ébranlée par une crise politique et socio-économique qui menace ses fondements et qui fait face à des critiques et pressions de plus en plus insistantes de l’Union européenne et des USA, lesquels détiennent l’essentiel de sa dette. Sans compter la difficulté à trouver un accord avec les institutions financières internationales dans un moment où le pays risque la banqueroute. « L’Algérie se vante de disposer de 64 milliards de dollars de réserve de change. Ce n’est pas grand-chose pour un pays qui importe la quasi-totalité de ses besoins et dont la ressource principale est exposée aux fluctuations d’un marché des hydrocarbures où elle n’a que bien peu d’emprise. Se dire en mesure de compenser le défaut de crédibilité internationale de la Tunisie ou assurer pouvoir colmater ses déficits abyssaux participe d’une prétention dont aurait gagné à faire l’économie monsieur Tebboune », relève cet ancien membre du constitutionnel algérien, pourtant vacciné par les sorties fantasques de Bouteflika.

Couple toxique

Et c’est vrai que le chef de l’Etat algérien n’est pas avare d’annonces hasardeuses. Entre la démocratie inventée par l’Algérie, les 24 milliards de dollars récupérés sur les oligarques, le système de santé algérien décrété meilleur d’Afrique et, maintenant, la décision de se poser en médiateur entre Kiev et Moscou alors qu’Alger n’a même pas condamné à l’invasion russe de l’Ukraine, les observateurs perdent leurs repères. Ces proclamations sans traduction concrète dans le réel retrouvent leurs équivalents chez le président tunisien. Kais Saied poursuit avec un acharnement, souvent illégal, Ennahdha, une formation islamiste largement disqualifiée par sa gestion. Ses ruades ayant entrainé la réduction voire le gel de nombreux échanges avec les partenaires traditionnels de la Tunisie, le locataire de Carthage ne trouve rien de mieux que de solliciter un prêt de 500 millions de dollars auprès…du Qatar, parrain mondial des Frères Musulmans et donc du parti qu’il poursuit de sa haine inextinguible.   

La Tunisie traverse la séquence la plus délicate de son histoire de nation indépendante. Un homme démocratiquement élu – ce qui n’est pas le cas de son homologue algérien – a confisqué l’ensemble des institutions sans pour autant avoir tracé un cap cohérent et lisible à son pays. Cette concentration des pouvoirs s’est concrétisée par une accumulation et une aggravation sans précédent des problèmes que, comme son voisin de l’ouest, Kais Saied impute invariablement aux ennemis de son pays et aux traitres qui les soutiennent.

Le complotisme par lequel les deux chefs d’Etat s’exonèrent des méfaits de leur gestion est si présent dans leurs propos que certains se perdent en conjecture quant à la question de savoir lequel des deux autocrates inspire l’autre. Si la rigidité mentale semble constitutive de la psychologie du Tunisien, ceux qui connaissent Tebboune expliquent que, chez lui, le simplisme autoritaire est venu avec l’exercice d’un pouvoir auquel il n’était pas préparé. D’où le recours aux caricatures et autres répliques expéditives. 

L’inclination despotique trouve aussi son prolongement dans la répression frénétique de tout avis discordant dans les deux pays. Avec cependant une petite nuance. Si le Tunisien revendique la neutralisation « des voleurs du peuple et des traitres à la nation », son tuteur algérien se réfugie dans le déni quand est évoquée sa dérive autoritaire. Lors de l’intervention accordée à Al Djazira, Tebboune rechute et reprend la thèse complotiste, passe-partout de la rhétorique tiers-mondiste : « parler de prétendues restrictions aux libertés en Algérie, procède de tentatives de déstabilisation », argue-t-il alors que plus de 300 Algériens croupissent en prison qui pour avoir émis une opinion critique ou relayé sur la toile une information défavorable aux autorités. Et si rien ne peut être reproché au citoyen, le pouvoir algérien s’est donné un instrument imparable : l’article 87 bis introduit dans le code pénal depuis juin 2021 permet de criminaliser la parole et l’action politiques. Le texte est rédigé avec un tel flou qu’un magistrat zélé peut faire de n’importe quelle phrase un crime passible de la peine capitale.  

L’Algérie a entrainé la Tunisie dans la pente glissante de la paranoïa tiers-mondiste. Les patriotes des deux pays avaient longtemps espéré voir la pédagogie bourguibienne, patient apprentissage de l’émancipation citoyenne, infuser à l’ouest. Force est de constater que, pour l’heure, c’est l’inverse qui s’est produit. La première, hypothéquant son développement, consacre l’essentiel de ses ressources naturelles aux rodomontades islamo-populistes. Des ressources qui font défaut à la seconde laquelle, désormais, fait face à son destin.

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Editorial. La France vue du sud

Un pays qui se tiers-mondise

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Editorial. La France vue du sud

Quelques minutes après l’annonce du rejet des deux motions de censure déposées par l’opposition, des groupes de manifestans, souvent infiltrés par des bandes de casseurs, sont sortis un peu partout en France pour crier leur colère. Auparavant, des permanences de parlementaires furent saccagées. On a quelques raisons de considérer qu’il ne s’agit là que du début d’une séquence fièvreuse sur laquelle ne manqueront pas de surfer les extrémistes de droite et de gauche. La loi populiste que nous connaissons bien au sud est solidement installée en France : si ce n’est pas mon opinion qui passe, je casse

Un parlement dégradant

Au train où vont les choses, on serait presque heureux, nous, Tunisiens, Algériens et Marocains de vivre sous les régimes despotiques qui nous éreintent. Car, si l’on observe les choses sous l’angle de la pédagogie de la régression, force est de constater que la France apprend vite.

Ce lundi, il n’a manqué que neuf petites voix à une opposition que tout divise mais soudée par la haine de Macron pour que la motion de censure initiée par Liot ( Liberté, indépendants, Outre-mer et territoires ), un groupe du centre-droit, ne renverse le gouvernement Borne. Mais outre ces préoccupantes données arithmétiques, c’est la façon dont s’est déroulée la contestation dans l’enceinte parlementaire qui laisse présager des lendemains funestes pour la vie politique française.

Le parti socialiste français, où ce qu’il en reste, pérore autant qu’il le peut pour mériter la condescendance mélanchonienne et, symétriquement, les Républicains guettent le satisfécit de la bienveillance lepéniste. Du reste, le jeune président du Rassemblement national, RN, Jordan Bardela a bien fait savoir qu’en cas de dissolution de l’Assemblée nationale, il garantissait la survie aux députés LR dociles en ne leur mettant pas de candidature concurrente RN dans leur circonscription. Argument imparable auquel ont été sensibles 19 députés républicains qui ont voté la motion de censure de Liot et même, du moins pour certains d’entre eux, celle déposée par le parti de Marine Lepen. A gauche, et sitôt le vote défavorable à l’opposition connu, Jean Luc Mélanchon – qui n’admet toujours pas que la France se soit refusée à ses fulgurances -, appelle à « la censure populaire en tout temps et toute circonstance ».  Les survivants socialistes regardent le bout de leurs souliers, de peur de subir les foudres d’un robespierriste plus revanchard que jamais.

Espèces en voie d’extinction, les partis de Jaurès et de Gaule subsistent à la marge de la vie politique, tolérés par des tuteurs extrémistes qui consentent à leur laisser aspirer quelques bouffées d’oxygène avant de leur remettre la tête dans le marigot populiste. Insultes, anathèmes et menaces de la France insoumise ont hanté l’hémicycle pendant que les députés du Rassemblement national, devenus les arbitres des élégances, comptaient les points. France lunaire où les médias qui ont trop longtemps confondu le devoir d’informer et le droit de faire les lois sinon les rois perdent le nord. Devant ces violences endémiques, les commentateurs de télévision, attendant de voir venir, détournent les regards quand ils ne les justifient pas par le « mépris » d’un président désormais ciblé personnellement.   

Le spectacle donné par la représentation nationale française marquera les esprits. Il n’a rien à envier aux empoignades observées dans certains de nos parlements quand les combinazziones des parrains n’ont pas dissous en amont les querelles d’égo et les appétits prébendiers. Vue du sud, la France s’installe dans la décadence. Et paradoxalement, c’est au moment où elle lui ressemble le plus qu’elle y est progressivement décriée, marginalisée et déclassée au profit de la sulfureuse protection russe, du vorace négoce chinois ou du ténébreux bazar turc.   

Un pouvoir inaudible

Couvertes par les quolibets et les invectives des députés insoumis, les interventions de la première ministre furent inaudibles. Ses arguments avaient pourtant leur logique. La France ne peut pas continuer à travailler moins que tous ses voisins européens. Son économie ne survivrait pas à cette paresse. Au sud nous connaissons bien ces situations où la parole d’un régime usé et discrédité ne parvient plus à imprimer, même quand elle est portée par le bon sens, même quand elle offre de pieuses vérités ou des solutions réalistes. Les esprits conditionnés à entendre les surenchères et les appels à la vengeance demandent du sang. N’a-t-on pas décapité la momie d’Emmanuel Macron ? Et quand ce genre de dynamique s’enclenche, la raison n’a plus de place. Certains expliquent cette défiance par la fougue et la suffisance d’un jeune chef d’Etat qui a prétendu faire table rase du passé. Les arrogances et l’agaçante impulsivité d’Emmanuel Macron qui a voulu ignorer voire rabaisser les corps intermédiaires n’ont certainement pas arrangé les choses. L’humiliation infligée à un Jean louis Borloo qui ne demandait qu’à apporter sa part de générosité et d’humanité à une démarche spartiate ou la porte claquée devant Laurent Berger, homme de compromis s’il en est, furent autant de maladresses voire de fautes qui ont brouillé la vision réformatrice d’un Emmanuel Macron pressé et égotique.  Mais le mal français a des origines plus profondes que l’hubris d’un jeune homme arrivé au pouvoir par effraction. Le pays a mal à lui-même. Au sud nous connaissons bien cette maladie. Quand trop d’espoirs sont déçus, l’avenir est écrit par le désespoir.

Les résultats obtenus, si positifs soient-ils, ne se voient plus. Le réel compte moins que la frustration. En France, le chômage baisse ; malgré la grisaille du climat social, le pays attire les investisseurs, les touristes reviennent et, dans une Europe inquiète, la voix française est écoutée et attendue. En dépit de ces signaux, une majorité de citoyens préfère entendre la minorité qui parle aux pulsions de mort.

Dans cette dérive mortifère, l’islamise n’est pas inactif. Il soutient pour ensuite les prendre en otage les forces éruptives qui peuvent perturber ou, pourquoi pas, pulvériser l’ordre des Infidèles ou souffle sur les braises du communautarisme afin de consolider les citadelles du ressentiment.

Une période de turbulences arrive en France. Le président Macron n’est jamais aussi bon que lorsqu’il est confronté à l’adversité.  La fougue et l’audace qui lui ont permis de surmonter la crise des gilets jaunes suffira-t-elle à ramener le calme ? Et quand bien même y parviendrait-il, cela freinerait-il la forte inclination de la nation à se précipiter encore plus dans la voie de la tiers-mondisation ? Au sud, nous pensions être les dépositaires exclusifs et les meilleurs producteurs de cette capacité à entretenir le pire en soi. Il faut croire que les Français tiennent à nous imiter sinon nous dépasser.

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Maroc-Algérie. Qui profite des provocations ?

Polémiques insensées

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Maroc-Algérie. A qui profitent les provocations ?

Cette fois, c’est Maroc-Hébdo qui a déclenché les hostilités dans son édition du 2 au 8 mars. Ce média, qui a ses équivalents en Algérie quand il faut houspiller le Maroc, est coutumier des polémiques plus ou moins triviales accablant le régime algérien. Depuis le début du mois sa fracassante publication envahit le net.

Le fantasme du Grand Maroc

Ce titre a publié un article agrémenté d’une carte où la directrice des archives royales, Bahija Simou, invitée par le forum de la très officielle agence MAP, expliquait que le Sahara occidental comme le Sahara oriental, où elle incluait la région d’Adrar, ont, jadis, fait partie du Maroc. Elle invite à consulter des parchemins, dont certains remontent au Haut Moyen Age, pour confirmer ses allégations. Le dossier qui n’a rien d’une étude académique où un chercheur remonterait le temps pour établir les fluctuations territoriales que peuvent avoir connues diverses nations est aussitôt repris par tous les sites marocains dédiés à la propagande. Les supports comme la conjoncture choisis visent bien à relancer la thèse du Grand Maroc chère au Makhzen et dont le parti de l’Istiqlal assume d’être le maitre d’œuvre. Pour autant, letselon plusieurs commis de l’Etat, les us et coutumes protocolaires dictaient aux hauts dirigeants algériens de ne pas se laisser aspirer dans la polémique de Maroc-hebdo, tant que les membres du gouvernement du royaume chérifien ne s’étaient pas exprimés sur le sujet.

En effet, et on ne le répète pas assez, les régimes algériens et marocains ont signé à Rabat en 1972 une convention relative au traité de la frontière d’État établie entre le Royaume du Maroc et la république algérienne, laquelle fut préparée par le traité d’Ifrane du 15 janvier 1969 et la déclaration de Tlemcen du 27 mai 1970. Ladite convention fut ratifiée par l’Algérie dès 1973 avant d’être suivie par le Maroc en 1992. Il restait à solder une quarantaine de kilomètres concernant la frontière séparant l’Algérie et le Sahara occidental mais, pour l’essentiel, la question des frontières entre les deux États a déjà bien avancé sur des bases consensuelles et crédibles. Cet acquis n’a pas empêché le cycle infernale des vitupérations de rebondir.

Une opportunité pour Alger

C’est par la voix du président de l’Assemblée nationale, Ibrahim Boughali, et en quels termes ! que réagi l’Algérie à Maroc Hebdo : « le régime du Makhzen tente, comme à son habitude, de parasiter notre pays et de vendre ses visées expansionnistes. Je leur dis que l’Algérie est protégée par le sang des martyrs et est hors d’atteinte des comploteurs et leurs relais »

Ce mercredi, c’est au tour de Saïd Chengriha, le chef d’état-major de l’armée algérienne de monter au créneau lors d’une visite effectuée  à la 6éme région militaire ( Tamanrasset, grand sud algérien ) pour avertir que  «  ces divagations ont atteint un seuil intolérable » avant de menacer que le peuple algérien est déterminé « à dissuader quiconque qui oserait fouler ne serait-ce qu’une infime parcelle de sa terre bénie ou tenterait de porter atteinte à sa souveraineté nationale » Se faisant encore plus insistant il invite « ces conspirateurs ( qui )  devraient savoir que le vaillant peuple algérien, lié corps et âme à son armée et ses forces de sécurité, et pleinement conscient des instigateurs de ces plans perfides, saura en temps opportun mettre en échec leurs complots et déjouer leurs visées »

La réplique de Chengriha alimente une escouade de blogueurs marocains qui se déchainent contre le militaire algérien. La vis sans fin est enclenchée.

Diversions

Cette guerre médiatique est assez usuelle. Et chaque camp se sert de la partie adverse pour capter l’attention de son opinion publique, distraite ou braquée par un sujet qui met en cause les officiels. Et en la circonstance, les deux pouvoirs connaissent des passes difficiles. Tensions économiques pour le Maroc et instabilité politique pour son voisin de l’est.

Mais à l’inverse d’Alger où des responsables de premier plan s’invitent dans ces joutes belliqueuses, les dirigeants marocains prennent le soin de rester en retrait.

Pour cet ancien diplomate algérien, la réaction d’Alger est inappropriée : « Tomber dans ce genre de provocation n’est pas très bon. Alger aurait pu, lui aussi, actionner les médias dédiés à l’invective marocaine, et il y en a, pour éviter d’impliquer ses institutions. » L’ancien fonctionnaire qui a servi en Italie estime que le sujet pouvait être démonté intelligemment quant au fond : « A suivre les parchemins qui dorment dans les tiroirs des bibliothèques, bien des frontières seraient pulvérisées. Le royaume de Tombouctou effacerait les pays du Sahel, Nice devrait être restituée à l’Italie, la Hongrie absorberait l’Autriche ou réciproquement et l’Afrique entrerait dans des turbulences inextricables. » Notre interlocuteur ne s’explique pas la fébrilité algérienne devant de grossières manipulations que ni l’opinion ni les institutions internationales ne peuvent entendre.

Alors pourquoi la répétition de ces manœuvres désuètes ?

La communauté internationale arbitre

Sauf grave dérapage, un affrontement armé entre l’Algérie et le Maroc n’est pas envisagé par les chancelleries. Dans un entretien accordé le 11 janvier à l’écrivain Kamal Daoud, Emmanuel Macron cible «  la volonté de guerre chez certains » sans nommer quiconque mais ajoute :  « La question est importante. Je ne veux pas le croire, le penser. Parce que ni l’Algérie ni le Maroc ne sont des puissances irrationnelles. » Traduit en clair, cela vaut dire que dans les deux pays, il y a des groupes d’intérêt qui pourraient être tentés d’en découdre mais que les vrais centres de décision savent que pour des considérations nationales et internationales un conflit armé en Afrique du nord ne serait pas toléré par les grandes puissantes. Des sources bien informées assurent que Moscou a assuré Rabat que la Russie ne provoquerait pas une rupture d’équilibre dans la région par une fourniture d’armes inconsidérée à l’Algérie. De même, les USA, dont la sous-secrétaire d’Etat chargée du contrôle des armements et de la sécurité internationale a effectué une visite à Alger du 5 au 7 mars, veillent à ce que leur allié marocain ne dispose pas d’une trop grande avance par rapport à son adversaire. Il demeure l’épineux problème des technologies israéliennes qui confèrent un avantage certain à Rabat en matière de renseignement.   

Depuis plusieurs années, les deux pays se livrent à un réarmement qui ruine toute possibilité d’investissement sur la durée qui permettrait de projeter de vraies politiques de développement. Le Maroc veut sécuriser des choix géopolitiques concrétisés par les Accords d’Abraham. De son côté, le régime algérien inquiet des nouveaux choix géopolitiques de Rabat a besoin de muscler son armée ( voir adn-med du 07/11/2022).

Polisario : Alger peine à convaincre le citoyen

Pour s’épargner une secousse semblable à celle qui a failli l’emporter en Février 2019, le pouvoir algérien a remis en tête de gondole la cause palestinienne et le dossier du Sahara occidental. Cela dit, sur ce dernier point, l’armée algérienne peine à faire partager à son opinion publique la guerre par procuration qu’elle mène depuis bientôt un demi-siècle. D’ailleurs, dès le début du conflit, des dirigeants emblématiques comme les anciens présidents du GPRA, Ferhat Abbas et Benyoucef Benkhedda ou Mohamed Boudiaf s’étaient publiquement démarqués de l’idée d’encourager la création de micro-États dans la région.  Et le Maroc connait cette désaffection populaire pour un problème que le pouvoir se plait à présenter comme une seconde cause nationale. « La dernière campagne amorcée par Maroc Hebdo et massivement relayée sur la toile participe de la réponse du berger à la bergère. Vous voulez nous contester le Sahara occidental, nous vous chahuterons avec le Sahara oriental », interprète notre ancien diplomate.

Si l’on excepte les diversions devant détourner l’attention du citoyen sur des questions de politique intérieure, on ne trouve pas d’explications convaincantes en termes militaires et encore moins économiques à ces polémiques.

Les invectives sont si ubuesques qu’au Maroc et en Algérie mais plus encore dans la diaspora, certains esprits n’hésitent pas à avancer l’idée qu’en réalité, la sortie de Maroc-Hebdo était commanditée par le Makhzen pour donner du grain à moudre aux segments conservateurs du régime algérien avec lesquel il partage le rejet de la démocratisation dans la région.  Un crypto-complotisme qui en dit long sur l’impopularité générale que soulèvent ces manipulations.

Singularité de ces guerres récurrentes, les jeunesses des deux pays restent imperméables aux slogans et réfractaires aux manipulations des deux régimes. Marocains, Algériens et Tunisiens partagent leurs enthousiasmes dans les stades quand une équipe nationale de football nord-africaine affronte une autre nation ; ils  vibrent aux chansons des artistes de chacun des pays, arborent l’emblème amazigh ignoré par les officiels et…se retrouvent dans les mêmes felouques lorsqu’il il faut chercher une issue à une vie sans perspectives.

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