SOMMET USA-AFRIQUE : QUELS NOUVEAUX ENJEUX ?
Le sommet USA-Afrique qui se déroule du 13 au 15 décembre à Washington rassemblera une cinquantaine de chefs d’État et de gouvernement. C’est le deuxième du genre après celui qui s’est tenu il y a huit ans de cela sous la présidence de Barack Obama. En soit, ce genre de rencontres n’est pas spécialement original. Les sommets France-Afrique sont une récurrence, d’autres impliquant le continent avec la Chine, la Russie ou la Turquie ont suivi. Il demeure que la perte d’influence de la France au Sahel, la présence de plus en plus manifeste de la Russie et celle, moins ostentatoire, mais tout aussi prégnante de la Chine confèrent à cette réunion une dimension où apparaissent plusieurs enjeux.
Le président Biden qui a souligné l’importance de « la coopération globale partagée » ne peut perdre de vue les équilibres sécuritaires et géopolitiques qui se dessinent de plus en plus après l’invasion de l’Ukraine par la Russie lancée le 24 février dernier. Les réactions dominantes en Afrique concernant l’hubris poutinien furent dans, un premier temps au moins, marquées par une prudence remarquée. La dépendance de pays comme l’Égypte, le Sénégal ou le Maroc – traditionnellement favorables aux thèses occidentales – des céréales russes et ukrainiennes, ont amené des pouvoirs peu susceptibles de sympathies russes à faire profils bas devant l’expansionnisme du Kremlin. Le Sénégalais Macky Sall, président en exercice de de l’Union Africaine a dû faire le voyage à Moscou au plus fort des affrontements russo-ukrainiens pour tenter de maintenir une livraison minimale en blé du continent.
Avec l’enlisement du conflit et les diversifications de leurs sources d’approvisionnement en céréales, certaines capitales africaines ont, entre-temps, eu le temps de se retourner vers des fournisseurs comme le Canada, l’Argentine ou la France. Du coup, les autonomies décisionnelles des clients russes deviennent plus larges. Il restera à évaluer les liens tissés par des régimes africains avec Moscou pour des considérations idéologiques, militaires ou diplomatiques. Ces derniers ne faisant pas l’unanimité, les clivages traditionnels séparant les systèmes en place peuvent rapidement réapparaitre. On note d’ailleurs que le Mali, le Burkina Faso, la Guinée et la Centre-Afrique tenues par des pouvoirs issus de putschs inspirés par un sentiment anti-français sur lequel Moscou ne se prive de jouer, n’ont pas été invités à ce sommet.
Cette temporalité suscite un vif intérêt des analystes qui cherchent à anticiper une problématique continentale qui marquera les prochaines années : le sommet de Washington favorisera-t-il le consensus africain ou travaillera-t-il à réanimer une bipolarité qu’un non-alignement de façade n’a jamais vraiment dépassé ?