TUNISIE : LA VIOLENCE POLITIQUE MONTE
Un rassemblement initié ce dimanche par le Front du salut national, FSN regroupant diverses formations politiques, dont le parti islamiste Ennahdha, a été la cible d’attaques venant d’individus qualifiés par les organisateurs de milices actionnées par le chef de l’État. Les faits se sont déroulés au quartier d’El Mnihla, lieu de résidence du président tunisien avant son accès au pouvoir et où s’étaient donné rendez-vous les manifestants. Jaouhar Ben M’barek l’un des organisateurs a écrit dans un message publié le même jour : « nous sommes entrés à pied à El Mnihla. Nous sommes arrivés au lieu du rassemblement pour lutter contre le coup d’État. Nous avons tenu notre rassemblement sur la voie publique dans El Mnihla. Le président du front (Ahmed Nejib Chebbi, NDLR) a fait son intervention devant des centaines de manifestants. À la fin de notre meeting, nous avons été attaqués par un groupe de miliciens ne dépassant pas les vingt individus ».
Le communiqué du Front du salut national qui désigne cette attaque comme une opération « menée par des milices de Kaïs Saïed contre le meeting organisé par le Front » considère que « le recours de ces milices à la violence physique et verbale (…) menace gravement la liberté d’action politique et le droit à la liberté de rassemblement et d’expression (ce qui) confirme le maintien de la politique répressive du pouvoir putschiste ».
Lors de cette action de rue, le Front du salut national a également appelé les citoyens à manifester massivement le 14 janvier à 11 heures sur l’avenue Bourguiba pour commémorer la Révolution de 2010 et exiger une élection présidentielle anticipée.
Pendant sa prise parole, le président du FSN, Ahmed Nejib Chebbi, a affirmé que « l’unité des rangs est en cours » et que les discussions entre les différents courants politiques ont abouti à un même objectif pour préparer la Tunisie au changement. Visiblement gagné par l’enthousiasme de la foule venue à El Mnihla, il annonce des dizaines de milliers de manifestants pour le 14 janvier.
La dégradation de la situation socio-économique, les réductions des espaces de liberté et, plus généralement, la récurrence des abus d’autorité créent un climat de tensions de plus en plus vives qui ne semble pas préoccuper le président. Lors d’une réunion tenue le 6 janvier avec Leila Jaffel et Taouik Charfeddine, respectivement ministre de la Justice et ministre de l’Intérieur, Kaïs Saïed, recommandant la fermeté, déclarait : « ce que font certains s’apparente à un complot contre la sécurité intérieure et extérieure de l’État, un crime qui n’a rien à voir avec la liberté de pensée ou la liberté d’expression ».Pour l’instant, les différentes parties ont évité que leurs positions irréconciliables ne dégénèrent dans l’irréparable mais le mécontentement populaire grandissant et l’autisme d’un chef de l’État décrié à l’intérieur et isolé sur la scène internationale peuvent conduire à des situations imprévisibles à la moindre erreur d’appréciation ou…provocation.