LE PRINCE HICHEM ALAOUI (ENCORE) REFOULE DE TUNIS
Cousin germain du roi Mohamed VI dont il critique fermement le régime, le prince Hichem Alaoui surnommé « le prince rouge » a été refoulé de l’aéroport de Carthage ce jeudi. Il devait intervenir à Tunis dans une conférence traitant des printemps arabes mais il se proposait aussi d’aborder le parcours emprunté par la Tunisie depuis coup de force opéré par Kaïs Saïed le 25 juillet 2021. Dans une contribution publiée au mois de septembre dans le mensuel français le Monde diplomatique, Hichem Alaoui considérait la décision du président tunisien comme « un coup d’Etat institutionnel » facilité par la lassitude de la population désenchantée par une corruption endémique et des jeux politiciens qui paralysèrent le pays ; autant de facteurs qui dévitalisèrent la sève révolutionnaire qui avait conduit à la chute du président Ben Ali en Janvier 2011.
C’est la deuxième fois que ce membre de la famille royale marocaine est interdit d’entrée en Tunisie. Le premier refoulement eut lieu en 2017, c’est à dire bien avant que les relations entre Tunis et Rabat ne dégénèrent suite à l’abandon de la traditionnelle neutralité observée par la Tunisie dans le dossier du Sahara occidental quand le chef de l’Etat tunisien adopta en 2021 un net rapprochement en faveur de la position de l’Algérie qui soutient le Polisario. Ce glissement provoqua l’ire de Rabat qui avait alors rappelé son ambassadeur à Tunis.
Connu pour ses positions audacieuses voire iconoclastes, le « prince rouge » avait préconisé de profondes réformes pour le régime marocain dont il déplore l’absolutisme et les penchants conservateurs qui le poussent à se commettre avec les islamistes. Auteur d’un ouvrage intitulé « Journal d’un prince banni », Hichem Alaoui est un chercheur reconnu au « Center on democracy, development and the rule of law » de l’université de Stanford.
Originaux et, souvent pertinents, les travaux de Hichem Alaoui restent confinés dans le cercle de quelques initiés, une confidentialité qui s’explique par la faible autonomie des sphères intellectuelles nord-africaines, bridées par les influences de relais internes et externes des pouvoirs en place. On serait par exemple attendu à ce qu’Alger, peu économe de ses énergies quand il faut alimenter des sujets polémiques contre le Maroc, encourage ou, du moins, facilite l’accès aux idées de ce prince atypique, il n’en est rien ; probablement parce que cette personnalité dont les réflexions n’épargnent aucun autoritarisme ne se prêterait pas aux instrumentalisations opportunistes dont sont coutumières les trois capitales.
Ce deuxième refoulement vient rappeler qu’en Afrique du nord comme dans toutes les régions où sévissent des systèmes non démocratiques , les connivences despotiques peuvent transcender les différends opposant des régimes autocratiques.