dimanche, décembre 3, 2023
Économie

TUNISIE : KAIS SAIED FAIT GELER 105 COMPTES BANCAIRES

105 comptes bancaires appartenant à des personnes physiques ou des entreprises embrassant divers secteurs viennent d’être gelés. Démantèlement d’un complot d’envergure impliquant des financements occultes islamistes, comme le suggèrent discrètement les gorges chaudes proches du Palais de Carthage, ou énième manœuvre destinée à faire diversion moins de deux semaines avant le deuxième tour des élections législatives plombées le 17 décembre par une participation calamiteuse du premier tour ? C’est la question de l’heure qui agite les milieux politico-médiatiques tunisois et qui peinent à y apporter une réponse tranchée tant les décisions similaires annoncées par le passé à grands fracas publicitaire et demeurées sans suite ou abandonnées laissent perplexes une grande partie de l’opinion publique lassée par les rengaines d’un président qui fait de « la chasse aux voleurs pour donner aux pauvres » l’alpha et l’oméga d’une gestion aussi stérile qu’aléatoire. Est-ce à dire que cette opération est forcément une réplique des précédentes ? Si des observateurs demeurent prudents, d’autres, par inclination idéologique ou connaissance du retraitement de l’argent sale par les réseaux islamistes, préfèrent accorder le bénéfice du doute à cette initiative.

Les faits 

Le 18 janvier, une missive émanant de l’Unité d’investigation sur les crimes financiers complexes, une des structures de la Direction de la police judiciaire, fuite. Elle fait état de 101 noms de personnes physiques et morales dont les comptes sont bloqués. Le lendemain, la même liste contenant 4 noms supplémentaires est portée à la connaissance du public par le même procédé.

Les titulaires de ces comptes sont des membres de la mouvance islamiste ou des acteurs qui leur sont proches. On y trouve Soumaya Jebali qui n’est autre que la fille de l’ancien chef du gouvernement Hamadi Jebali, Mouadh Kheriji, le fils Rached Ghannouchi (responsable du parti Ennahdha) Adel Daadaa ( dissident du même parti ), Ameur Laarayedh ( autre dirigeant nahdhaoui)…Figurent également dans cette liste des sociétés de communication comme Zitouna TV ou  Carthage Plus, connues pour leurs lignes éditoriales conservatrices, des entreprises de nettoyage… La correspondance fuitée est destinée aux banques et aux organes intervenant en bourse qui sont informés qu’une instruction du parquet près le pôle judiciaire économique et financier en date du 28 décembre, faisant suite à une enquête en cours, a décidé du gel de 105 comptes bancaires à partir du 6 janvier.

Les interrogations

Sans atteindre une telle envergure, des opérations analogues ont déjà été lancées sans que rien de probant ne viennent corroborer les accusations portées sur la place publique avant même que les enquêtes n’aient été bouclées. Des médias tunisois, peu suspects de sympathies islamistes, invitent à la prudence sans pour autant éliminer formellement l’hypothèse d’un vaste réseau de recyclage de grandes masses financières dédiées à l’infiltration des institutions, au conditionnement des opinions publiques, aux recrutements clientélistes et…à l’enrichissement personnel.  Il reste que la divulgation sur la toile de 25 noms appartenant au camp démocratique à l’occasion du premier tour ou d’autres cabales, plus anciennes, comme les interdictions de quitter le territoire national, les arrestations abusives ou les assignations à résidence impromptues frappant des opposants jettent une suspicion sur une affaire que le choix du timing comme le recours au fuitage comme mode communication ne contribue pas à crédibiliser. Outre la banalisation de l’invocation des complots si chers à Kais Saied, les milliers de manifestants qui ont investi la capitale le 14 janvier et les autres villes du pays, l’aide alimentaire libyenne vécue comme une humiliation par des segments importants des classes moyennes ( voir ADN-Med des 15 et 18 janvier ) et la proximité du second tour hypothèquent la fiabilité d’une enquête dont, pourtant, les tenants et les aboutissants peuvent ne pas être une vue de l’esprit tant l’internationale des Frères musulmans a généreusement arrosé ses démembrements organiques en Afrique du nord, Ennahdha en tête.

La confusion qui entoure ce dossier est illustrée par la savoureuse boutade de cet ancien destourien, vieux routier des coulisses de la vie politique tunisienne : «  Kais Saied a tellement affabulé et abusé de son pouvoir que même quand il dira la vérité ou appliquera la loi, les Tunisiens y verront mensonge et injustice. »

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