L’ISLAMISME DÉCHIRE DE NOUVEAU OTTAWA ET LE QUEBEC
Tout est parti de la nomination de Madame Amira Elghawaby à une fonction politique au sein de gouvernement Trudeau. Cette femme, militante communautariste assumée, vient d’être désignée comme représentante spéciale du Canada dans la lutte contre l’islamophobie pour un mandat de quatre ans. Une nomination qui a suscité des remous dans la majorité de la classe politique québécoise et particulièrement les défenseurs de la laïcité.
Une figure controversée
C’est que la dame n’est pas une inconnue. Ses propos tenus en 2019 soulevèrent une vague d’indignation quand elle affirma qu’ « une majorité de Québécois était influencée par un sentiment anti-musulman ».
La réaction à cette promotion fut quasi-immédiate. Une pétition (1) de 200 personnes de diverses confessions et opinions, est envoyée au premier ministre Justin Trudeau pour exiger le départ de Madame Amira Elghawabi et l’abolition de ce poste. Initiée par Madame Nadia El-Mabrouk, la cheffe de file du Rassemblement pour la laïcité et d’autres personnalités connues pour leur engagement à défendre les valeurs de la société québécoise, les signataires affirment : « Après avoir manifesté autant de préjugés à l’égard des Québécois, Mme Elghawaby n’a tout simplement pas l’autorité morale pour occuper un tel poste. S’il s’agit de bâtir des ponts et de poursuivre un dialogue constructif, encore faut-il pouvoir inspirer confiance. Or, ses excuses tardives et sous haute pression politique semblent plus contraintes que spontanées. »
En effet, les postures, sinon radicales du moins caricaturales, de madame El Ghawabi quant à la prégnance du culte dans la définition de la citoyenneté irritent les Québécois de toutes origines, dans la mesure où, en plus de leur impertinence sociétale, elles sont récupérées par
le parti libéral, qui détient le pouvoir fédéral, et dont les discours contribuent à alimenter la
haine entre citoyens. Justin Trudeau s’est personnellement impliqué dans la vigoureuse campagne menée contre la Loi sur la laïcité de l’État (loi 21) que le gouvernement
provincial a adopté le 16 avril 2019 suite au vote du parlement du Québec. Lors de son passage à Montréal en décembre 2021, le premier ministre est encore revenu contre cette loi en invitant les Québécois à la rejeter tout en se disant disponible à fournir une assistance fédérale pour sa contestation judiciaire devant les tribunaux.
Une divergence qui vient raviver les traditionnels antagonismes opposant les anglophones et les francophones au Canada.
Du reste, les propos tenus par Amira Elghawaby furent essentiellement rapportés par le
journal The Gazette connu pour son hostilité déclarée au nationalisme québécois et qui a
donné une interprétation ambiguë du sondage concernant de cette loi. Ecrit par le
journaliste Jason Magder et publié le 18 mai 2019, le média anglophone titrait : « A new poll shows support for Bill 21 is built on anti-Islam sentiment » (un nouveau sondage montre que l’appui au projet de loi 21 repose sur un sentiment antimusulman).
L’islamophobie : un concept piégeur
Au Québec, la désignation de Madame El Ghawaby est vécue comme une provocation
portant atteinte à la séparation de l’Eglise et de l‘Etat chère aux populations francophones et
une prime donnée au communautarisme britannique. Pour les signataires, le mise en avant
de l’islamophobie est une opportunité offerte aux adeptes du fondamentalisme dont
l’objectif avoué est de promouvoir une idéologie politique en Occident. Ils avertissent :
« C’est le concept que tentent de faire accepter les régimes et les activistes islamistes les
plus fondamentalistes à travers le monde pour faire passer toute « offense » à la religion
musulmane pour un crime.» Ils ajoutent que : « C’est ce qui a valu à l’écrivain Salman Rushdie la fatwa émise par le régime iranien qui ordonne à tout musulman, où qu’il soit, de le tuer, et qui a, hélas, fini par être mise à exécution. C’est ce qui a valu également aux dessinateurs de Charlie Hebdo d’avoir été assassinés. Mme Elghawaby a elle-même signé en 2020 une chronique où elle assimilait au racisme les caricatures publiées par Charlie Hebdo. Est-ce que le Canada veut promouvoir une femme et un poste qui confondent de cette façon liberté d’expression légitime et propos racistes ? ».
Pour ses auteurs, la pétition vise un double objectif : d’une part sensibiliser les citoyens et
les dirigeants sur le danger que représente la stratégie des activistes islamistes qui surfent
adroitement sur une victimisation culpabilisant « l’homme blanc » et, de l’autre, dénoncer
l’irresponsabilité de formations politiques qui jouent d’un dossier aussi inflammable pour
espérer glaner quelques voix dans des élections. C’est le cas de Québec solidaire, un parti de
gauche qui peine à s’extraire d’un populisme qui ne lui a pourtant pas beaucoup réussi
électoralement et qui refuse de se prononcer en faveur d’une motion adoptée par les élus
québécois exigeant de mettre fin au mandat d’Amira Elghawaby. Une nomination qui, plus
que les différences linguistiques qui ont opposé les communautés francophones et
anglophones, risque de relancer de façon décisive la dynamique souverainiste. « Cette
nomination pose la question vitale de notre vivre ensemble » tranche un enseignant
universitaire membre d’un collectif qui envisage de lancer une journée de réflexion sur la
nomination de madame El Ghawaby et la pertinence de créer un poste chargé de lutter contre
l’islamophobie, un terme qu’il dit « malsain et piégeur. »
Messaoudene Mahfoudh, Signataire de la pétition
Montréal, Québec
https://laicitequebec.org/Documents/Liste_signataires-
Lettre_ouverte_%c3%a0_Justin_Trudeau.pdf