CRISE MAROC-UE : LA RIPOSTE DE RABAT
Le Marocgate préoccupe au plus haut niveau les autorités marocaines qui ont mis un certain temps à élaborer leur riposte stratégique. Finalement, c’est par l’intermédiaire du Parlement que se met en place un plan de défense qui ressemble à une préparation à une mobilisation générale de la société.
Mardi une commission ad hoc composée des représentants des deux chambres du Parlement a été mise en place pour étudier « une réévaluation des relations avec le Parlement européen ». Le lendemain, c’est une conférence-débat et d’information associant des parlementaires mais aussi des commis de l’Etat et des organisations de la société civile qui fut dédiée « aux attaques hostiles, flagrantes et répétées contre le Royaume qu’abrite en ce moment le Parlement européen (PE). »
L’initiative sonne comme un appel à l’unité et la solidarité nationales. Le pouvoir brasse large et dénonce tout à la fois les attaques visant le pays, son intégrité territoriale, son honorabilité suite à l’éclatement de l’affaire Pegasus qui a éclaboussé le Royaume et l’instrumentalisation qui serait faite de la situation des Droits de l’homme au Maroc. Rabat est donc décidé à faire feu de tout bois avant une tempête diplomatico-judiciaire dont le contrecoup risque d’être assez difficile à encaisser pour le régime qui, outre leurs implications internationales, doit veiller à ce que les éventuelles condamnations externes ne viennent pas perturber le fragile équilibre politique interne construit après la normalisation des relations diplomatiques avec Israël ; une décision qui suscite régulièrement des réactions de contestation où se retrouvent aussi bien des militants d’extrême gauche que des segments issus de milieux conservateurs.
Les protestations de l’exécutif s’avérant impuissantes à contenir une fronde largement partagée par les députés européens à la suite de la révélation des premiers éléments d’un scandale de corruption – dans lequel sont impliqués le Maroc et le Qatar – que les principaux leaders du Vieux continent considèrent comme une atteinte directe dirigée contre « la démocratie européenne » ( Voir ADN-MED du 20 Janvier 2023 ), les dirigeants marocains décident d’en appeler au peuple pour faire front et face devant des développements politiques qui peuvent sérieusement mettre à mal le statut de partenaire privilégié de l’UE, longtemps envié en Afrique, qu’avaient accordé les institutions européennes au Maroc.
Il s’agit donc, via les deux chambres du Parlement, d’entrainer l’ensemble de la communauté nationale marocaine derrière le gouvernement quand arrivera le temps des conclusions des enquêtes européennes que les médias belges, dont le pays est en charge des investigations, annoncent déjà comme particulièrement accablantes pour Rabat.