ALGERIE: RAJ OFFICIELLEMENT DISSOUS, ACTIVITES DU MDS GELEES
L’optimisme qui a suivi la levée des scellés des locaux de la société prestaire de services pour Berbère TV aura été de courte durée. Quelques semaines après l’annonce de la dissolution de la LADDH, l’association Rassemblement Action Jeunesse (RAJ) est officiellement dissoute par les autorités algériennes, tandis que le parti MDS ( mouvement démocratique et social) voit ses activités gelées.
L’opposition légale visée
La répression contre l’opposition et le mouvement associatif se poursuit à un rythme soutenu en Algérie. Créée il y’a une trentaine d’années, l’association RAJ est officiellement dissoute après la décision annoncée ce jeudi par le Conseil d’Etat. La haute juridiction administrative a, en effet, confirmé la sanction du tribunal administratif prise en octobre 2021 à l’encontre de l’association suite à une plainte du ministère de l’intérieur et des collectivités locales.
Officiellement, il est reproché à RAJ, très impliqué dans le combat en faveur des libertés, particulièrement durant l’insurrection populaire d’avril 2022, sa transgression et violation des « règles et lois régissant l’activité associative ». Accusation dont se défend ladite association pour laquelle ses activités sont « compatibles pleinement et cohérentes avec les objectifs et le mandat de l’association en tant que force de propositions, d’actions et de médiation ». RAJ avait tenté de conjurer le sort en publiant à la veille de l’audience du Conseil d’Etat un communiqué où l’on peut lire : « La disparition définitive de l’association, si cela devait advenir, constituera un message violent et un acte grave vis-à-vis du mouvement associatif. Il pourrait aussi signifier une remise en cause des acquis démocratiques d’octobre 88 consacrés dans la Constitution et les pactes internationaux ratifiés par l’Algérie (…) ».
Autre victime du rouleau compresseur répressif : le MDS, un parti politique de l’opposition issu des différents schismes qu’avait subi le Parti de l’avant-garde socialiste, PAGS lui-même déclinaison du parti communiste algérien, interdit au lendemain de l’indépendance.
Outre le gel de ses activités, le Conseil d’Etat a décidé de la fermeture du siège MDS et de tous ses locaux, ce qui revient de fait à en interdire le fonctionnement. Comme pour RAJ, la justice semble avoir répondu aux vœux du ministère de l’intérieur qui avait réclamé des représailles contre ce parti dont le siège a été mis à la disposition de nombreux activistes et autres syndicats qui n’étaient pas dans les bonnes grâces du pouvoir. Une sanction qui intervient quelques mois après la libération de son coordinateur national Fethi Ghares qui a du purger une peine de neuf mois de prison pour les chefs d’inculpation d’ «atteinte à la personne du président de la République (…), outrage à corps constitués (….), diffusion au public de publications pouvant porter atteinte à l’intérêt national (…), diffusion d’informations pouvant porter atteinte à l’unité nationale (…), diffusion d’informations pouvant porter atteinte à l’ordre public »
L’ONU « préoccupée »
Ces atteintes répétées aux libertés et à l’activité associative inquiètent de plus en plus la communauté internationale, beaucoup plus focalisée aujourd’hui sur la guerre en Ukraine. Dans un communiqué publié mercredi à Genève, la rapporteuse spéciale des Nations-Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme, Mary Lawlor, s’est déclarée « préoccupée » par la répression « croissante » contre la société civile par les autorités algériennes. « La décision de dissoudre ces deux associations des droits humains (RAJ et LADDH, ndlr) si respectées démontre une répression alarmante des organisations de la société civile et porte gravement atteinte à l’espace dont disposent les défenseurs des droits de l’homme pour s’associer, s’exprimer librement, et mener à bien leurs activités légitimes en matière de droits humains. Les décisions de dissoudre ces deux organisations de défense des droits humains de renom doivent être annulées », a affirmé l’experte de l’ONU.
« J’attends avec intérêt les prochaines visites de pays par les titulaires de mandat concernés en 2023, afin d’engager un dialogue constructif avec les autorités algériennes sur la protection de l’espace civique », a ajouté madame Lawlor.
A cette déclaration, se sont associés Mr. Clément Nyaletsossi Voule, Rapporteur Spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association et Mme. Irene Khan, Rapporteuse Spéciale sur la liberté d’opinion et d’expression ; des protestations qui ne semblent pas dissuader le pouvoir algérien qui poursuit le verrouillage politique et médiatique du pays.