dimanche, décembre 3, 2023
Éditorial

Relations Maroc-Israel : Benkirane provoque un mini-séisme au Maroc et agace le Palais

Réagissant aux propos de Nacer Borita, le ministre des affaires étrangères du Maroc qui assurait la semaine dernière le commissaire européen chargé du voisinage et de l’élargissement, Oliver Varhelyi que la coopération régionale tripartite offrait des opportunités « pour le développement entre le Maroc, la Commission européenne et Israël »,  le secrétaire général du parti pour la justice et le développement, le PJD et ancien premier ministre,  Abdallah Benkirane déclara : « Alors que l’occupation israélienne poursuit son agression criminelle contre nos frères palestiniens, notamment à Naplouse, le ministre marocain des affaires étrangères apparaît comme un défenseur d’Israël ». fustige Benkirane qui ajoute :  « le devoir religieux, historique et humanitaire exige de redoubler d’efforts en cette phase critique pour défendre la Palestine et Jérusalem face à l’escalade des provocations et des pratiques sionistes agressives ».

 Fébrilité du Palais

L’intervention fut entendue comme une alerte au plus haut niveau de l’Etat. En tout cas, elle fut jugée suffisamment grave pour que le cabinet royal réagisse sur le champ par un communiqué s’adressant directement à l’impétrant en des termes incisifs confinant à une menace lui signifiant que « l’instrumentalisation de la politique extérieure du Royaume dans un agenda partisan interne constitue ainsi un précédent dangereux et inacceptable. » Signe attestant de la sévérité dont a été reçue la secousse du leader islamiste, le Palais a cru utile de rappeler les missions dévolues au monarque chérifien : «  La politique extérieure du Royaume est une prérogative de Sa Majesté Le Roi, que Dieu L’assiste… »

Phénomène rare dans la vie politique du Royaume, le communiqué publié intégralement par la très officielle agende MAP a cru devoir expliquer la procédure adoptée par le Roi avant l’établissement des relations diplomatiques entre Rabat et Tel Aviv :« La reprise des relations entre le Maroc et Israël a été effectuée dans des circonstances et dans un contexte que tout le monde connait. Elle est encadrée par le communiqué du Cabinet Royal du 10 décembre 2020 et celui publié le même jour à la suite de la communication téléphonique entre Sa Majesté Le Roi et le Président palestinien (…) Les forces vives de la nation, les partis politiques, ainsi que certaines personnalités de premier plan, de même que certaines instances associatives militant pour la question palestinienne, avaient alors été informés de cette décision, pour laquelle ils avaient exprimé leur adhésion et leur engagement“. Surprenante justification dans un pays où la parole du souverain équivaut à un décret.

Jusque-là, la normalisation des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël avait été amortie sans grand dommage par le pouvoir marocain. Et cela pour plusieurs raisons. D’une part, cette décision fut conditionnée par la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental par les USA, un sujet qui rencontre un large consensus dans le pays, d’autres parts, plusieurs nations du monde arabo-musulman avaient déjà entrepris cette démarche. Seuls quelques groupuscules d’extrême-gauche profitant de manifestations dénonçant les abus d’autorité ou l’aggravation de la paupérisation exprimaient des réserves sur les accords d’Abraham. 

Surprenante audace islamiste

Pour le pouvoir, la sortie de Benkirane dont le parti connait un drastique reflux électoral est dictée par la tentation de jouer sur un sujet sensible en vue d’espérer retrouver une meilleure écoute auprès des classes populaires. Cette explication ne satisfait pas ce cadre exerçant à la bibliothèque nationale du Royaume du Maroc, la BNRM, un fin connaisseur des arcanes du mouvement islamiste marocain: «  On peut se poser la question de savoir si la charge téméraire de Benkirane renvoie à des considérations tactiques c’est à dire électorale ou s’il y a une volonté de se lever contre le projet d’insérer le Maroc dans une géopolitique assumant la modernité, auquel cas on serait dans le stratégique qui peut avoir été inspiré après concertation dans l’internationale islamiste. L’hypothèse mérite d’être considérée car chez nous, les islamistes privilégient l’entrisme. Or l’invocation de la cause palestiniennes est généralement une manœuvre courante dans les pays musulmans quand un pouvoir ou un parti doit reconquérir une audience ou compenser un déficit de légitimité. »

Pour l’instant, la classe politique marocaine par prudence, opposition au parti islamiste ou adhésion à la démarche du Royaume observe un silence glacial après la déclaration de Benkirane.  

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