Algérie. 5 ans de prison ferme requis contre Ihsane El Kadi
Lourd et attendu réquisitoire du procureur de la République prononcé ce dimanche au tribunal de Sidi M’hamed ( Alger ) par le parquet contre Ihsane El Kadi pour réception « de financements étrangers ».
Réquisitions maximales
Comme annoncé précédemment par le concerné ( voir adn-med du 10/03/2023) et ses avocats qui ont d’ailleurs quitté l’audience, le prévenu a refusé de répondre aux questions de la juge.
Outre la peine d’emprisonnement de 5 ans, le parquet a également requis une amende de 700 000 dinars ainsi que la confiscation des biens saisis à l’occasion de l’instruction et la fermeture du compte bancaire de la société Interface-medias qui regroupe Radio M et Maghreb Emergent. Cette entreprise a, elle aussi, fait l’objet d’une réquisition d’une amende de 10 millions de dinars et la confiscation de tout son matériel. Ces sanctions déjà lourdes, ont été assorties par le parquet a également l’interdiction à Ihsane El Kadi de s’adonner à toute forme d’activité ayant une quelconque relation avec les chefs d’inculpation retenus dans cette affaire.
Par ailleurs, l’autorité de régulation de l’audiovisuel, l’ARAV appelée à se constituer partie civile a été représentée par l’ancien journaliste de la télévision publique Amar Bendjeda qui a demandé 2 millions de dinars de dédommagement.
Radio M. Un exemple pour tous
Ce réquisitoire était attendu. Le 24 février, lors d’un entretien télévisé avec les médias algériens, le chef de l’Etat s’était lui-même impliqué dans ce dossier en prononçant des accusations contre le journaliste alors que l’affaire était encore en cours d’instruction. Signe de la rigidité du pouvoir politique, on a appris que le responsable de la diplomatie européenne et de la politique de sécurité de L’UE, Josep Borell, en visite à Alger les 12 et 13 mars, a tenté d’intercéder en faveur du journaliste détenu auprès d’Abdelmadjid Tebboune, lequel est resté inflexible.
Outre les dépassements judiciaires qui ont marqué cette procédure, ce qui annonçait les réquisitions d’aujourd’hui, le régime qui a engagé une stratégie d’étouffement des médias indépendants semble avoir saisi cette occasion pour délivrer un double message. A l’intérieur, les entreprises de presse doivent comprendre que la seule information acceptable est celle qui agréé au pouvoir. S’agissant de la communauté internationale, Abdelmadjid Tebboune est décidé à faire savoir qu’il entendait assumer sa démarche répressive et ceci quelle que soient les remarques, pressions ou condamnations des observateurs et partenaires de l’Algérie. L’argument de la souveraineté nationale qui ne saurait accepter les ingérences sert de socle invariable à la doxa officielle.
Le jugement est attendu pour l’audience du 2 avril. Les avocats comme les observateurs sont particulièrement pessimistes car chacun aura compris que dans ce procès, le régime s’est mis dans une situation où il ne peut plus reculer.
Pour rappel, les ennuis du directeur d’Interface-media ont commencé il y a deux ans quand, interpellé par la direction de la sécurité intérieure, DGSI qui lui demandait de pondérer ses critiques, notamment contre l’état-major de l’armée, Ihsane El Kadi a répondu qu’il suffisait que ledit responsable n’intervienne pas dans le champ politique pour que les articles le concernant cessent de paraitre.