Israël : peuple citoyen contre théocratie
L’appel à la grève générale de ce lundi qui n’a épargné aucun secteur en Israël et même, situation inédite, le corps diplomatique, a obligé Benjamin Netanyahou à geler la réforme de la justice dont l’objectif est de neutraliser la Cour suprême par l’octroi de plus de pouvoir aux élus. A l’origine de ce mouvement citoyen inédit : le limogfeage du ministre de la défense Yoav Gallant qui avait exprimé ses réserves quant à la pertinence de l’abolition de la Cour suprême.
Déstabilisation générale
Dans un pays sans constitution, cette instance veillait à ce que l’exécutif de s’autorise pas des dépassements contraires à l’intérêt général.
Or, l’intérêt général est plus que jamais menacé par la coalition issue de dernières élections législatives dont le résultat a été rendu public le 8 novembre. Regroupant le Likoud, un parti de droite laïc présidé par Netanyahou, l’extrême droite et les ultraorthodoxes, cette coalition est la plus à droite de l’histoire du pays.
La majorité parlementaire se laisse aller à des orientations sociétales extrémistes et des décisions politiques qui peuvent déstabiliser une région déjà sous tension. Homophobie assumée, néantisation de la société palestinienne, extension des colonies, le gouvernement Netanyahou ne font pas mystère de d’intentions jugées liberticides voire fascisantes pour la communauté juive et humiliantes pour le peuple palestinien.
Une politique dont l’un des effets immédiats est de réduire un peu plus la marge de manoeuvre et la crédibilité du président de l’Autorité palestinienne qui apparait comme un dirigeant faible devant un Hamas toujours animé par une surenchère populiste qui trouve écho chez des jeunes sans perspectives. Même le lointain Royaume du Maroc a dû sortir de sa réserve pour se démarquer des propos du ministre des finances et de l’administration civile Bezalel Smotrich qui a déclaré à Paris ce 19 mars : « il n’y pas de Palestiniens car il n’y a pas de peuple palestinien ». Les outrances xénophobes, homophobes, anti-laïcs ajoutés à la menace de voir disparaitre le seul outil à même de contenir les abus de pouvoir ont indigné les franges de la population de tous les horizons sociaux et politiques.
Des membres du Likoud, des officiers de Tsahal, du Mossad ou du Shin Beth sont descendus dans la rue et les ambassadeurs ont accompagné le mouvement de grève.
Même le président de l’Etat Issac Herzog, qui occupe un poste sans réelle prérogative mais dont la charge symbolique reste forte a fait savoir que si la réforme controvesée n’est pas retirée il participerait aux manifestations. Une première depuis qu’existe l’Etat d’Isräel.
L’Etat hébreu qui a trouvé un équilibre précaire entre une large tolérance accordée aux orthodoxes et une vie politique pluraliste vit aujourd’hui une crise que d’aucuns qualifie d’existentielle.
Quand bien même la mobilisation citoyenne conduirait-elle au retrait de ce projet de loi, la question de la place du culte dans l’administration de la société israélienne restera posée…Et, comme dans tout pays démocratique, elle devra être tranchée.