Algérie. L’Arav, police médiatique
L’autorité de régulation de l’audio visuelle, l’Arav, vient de voir ses prérogatives élargies pour intervenir dans le contrôle du champ médiatique. Lors d’une séance plénière consacrée ce jeudi aux questions orales, le ministre de la communication, Mohamed Bouslimani a déclaré que cette instance « veillait à ce que les programmes diffusés par les différents médias soient conformes et respectent la déontologie et les spécificités de la société algérienne. »
Autocensure, censure et répression
Mohamed Bouslimani a livré les conceptions que le régime de « l’Algérie nouvelle » compte imprimer à la communication. Il a ainsi rappelé que la loi organique relative à l’information, récemment votée par le parlement, lequel est désormais dominé par le courant islamo-conservateur, « a conféré à l’ARAV un caractère spécial en élargissant ses missions à la régulation et au contrôle des services de la communication audiovisuelle et même sur internet ». Cette dernière disposition a été ajoutée suite au procès intenté à Ihsane El Kadi, responsable d’’Interface media regroupant Radio M et Maghreb Emergent au cours duquel l’Arav a été chargée de se porter partie civile alors qu’elle n’avait pas encore autorité pour intervenir sur les médias en ligne.
L’esprit général qui inspire la mission de l’Arav est dédormais clairement codifié : contrôler, inspirer ou pratiquer la censure. Le ministre a appelé à rejeter « toute manifestation de violence, à respecter le référent religieux et à assurer un service médiatique à la hauteur des aspirations de la famille algérienne ». Insistant sur le même registre, Mohamed Bouslimani a fait savoir qu’il y a une « cellule de suivi de la qualité des programmes diffusés au cours de ce mois ,( de Ramadhan ndlr ) pour renforcer la mission de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV) », mettant en garde qu’en cas « de non-respect de la loi, le ministère n’hésitera pas à agir »
La diaspora en ligne de mire
Il existe dans le code pénal algérien des dispositions claires pour sanctionner les atteintes à la pudeur mais ces nouvelles restrictions viennent ajouter de la contrainte et de la pression sur une scène médiatique déjà mise au pas par la disparition des médias indépendants. « Le problème est de savoir qui peut apprécier la bonne ou mauvaise « qualité des programmes » dans une période où la moindre allusion évoquant une difficulté ou un échec du pouvoir vous expose à l’article 87 bis qui fait de vous un terroriste. », s’insurge ce jeune magistrat qui prépare sa reconversion dans le conseil de l’entrepreneuriat privé.
Le ministre de la communication a, par ailleurs, informé que la télévision algérienne allait ouvrir un bureau à Paris avant d’envisager l’installation d’autres antennes dans les capitales où existe une forte communauté algérienne. Cette décision semble encouragée par le redéploiement de la Grande Mosquée de Paris qui structure et anime un nombre de plus en plus conséquent d’associations à caractère religieux sur lesquelles Alger veille précautionneusement. En effet, la diaspora reste une source de préoccupation majeure pour le pouvoir algérien ( voir adn-med du 25 mars ). Après les interpellations aux frontières visant les acteurs se distingant dans les manifestations organisées à l’étranger contre le régime, les autorités algériennes semblent décidées à compléter leur stratégie de surveillance et d’encadrement de la communauté émigrée par la surmédiatisation de relais associatifs ayant investi le culte.
Pour rappel, le jour même où le ministre de la culture algérien détaillait les mécanismes de contrôle que son département réserve aux médias algériens, l’ONG Reporter sans Frontières, RSF remettait devant l’ambassade d’Algérie en France une pétition signée par 13000 personnes exigeant la libération d’Ihsane El Kadi.