Le Maroc retient son souffle
L’appel de la coordination du front populaire, CFP lancé le 24 mars et relayé le 2 avril invitant à sortir dans la rue ce samedi se répand comme une trainée de poudre dans tout le Royaume.
Hier, jeudi, tard dans la soirée, ce sont encore les villes de Tanger, Demnate, Larache, Tiznit, El Jadida, Sidi Kassem et Benslimane qui se sont jointes à la quinzaine de cités qui avaient immédiatement adhéré à l’appel du 2 avril. Désormais, toutes les localités marocaines vont participer au mouvement de contestation populaire. Un dynamique qui n’a pas connu d’équivalent depuis longtemps.
Dans un premier temps, les organisateurs avaient appelé à protester contre les prix élevés des produits de première nécessité. La deuxième version du communiqué du CFP a radicalement pris un biais politique appelant à l’instauration d’un nouvel ordre pour mettre un terme à un pouvoir rongé par les maffias claniques alliées à l’impérialisme. ( voir Adn-med du 5 avril ).
Les observateurs suivront attentivement le contenu des slogans, pancartes et banderoles de ce samedi, leur nombre mais aussi ceux qui les porteront.
Jusque-là, le CFP était constitué d’éléments d’extrême-gauche qui, c’est désormais un classique un peu partout dans le monde, s’allie conjoncturellement avec des groupes salafistes. Cet agrégat qui mobilisait quelques centaines de personnes à Rabat et Casablanca ne peut porter dans tout le pays, en quelques jours, si ce n’est quelques heures pour ce qui concerne les dernières adhésions, une contestation ouvertement dirigée contre le système politique marocain.
Ces derniers jours, le parti islamiste PJD a engagé un bras de fer contre le ministre des affaires étrangères – puis, et c’est plus inhabituel, une polémique avec le Palais – sur le dossier de la normalisation des relations diplomatiques avec Israël.
Une semaine plus tard, c’est le parti du peuple pour le socialisme, PPS qui prend le relai en dressant un réquisitoire implacable contre l’homme d’affaires et premier ministre Aziz Akhanouch.
Etait-ce là une façon de ne pas laisser le terrain de l’opposition aux islamsites ou, au contraire, un appel à une convergence entre les deux partis ?
Un binôme improbable PJD-PPS peut-il se constituer pour canaliser une dynamique populaire qui s’annonce exceptionnelle ? Et si tel devait être le cas, quels seraient les objectifs de cette alliance ?
La journée de samedi sera décisive pour apprécier la viabilité des options économiques et politiques du gouvernement mais aussi, surtout, pour connaitre l’impact des choix géopolitiques pro-occidentaux fait ces trois dernières années par le Maroc dans un contexte qui a vu, depuis l’invasion de l’Ukraine, l’irruption d’un tropisme idéologique réfractaire au nord et qui gagne de plus en plus de pays dans le Sud. L’épreuve qui s’engage ce samedi au Maroc s’apparente à une réplique géostratégique des convulsions qui agitent le monde.