mardi, novembre 28, 2023
Politique

Appel à manifester du front social marocain : le raz de marée attendu n’a pas eu lieu

Rabat : samedi 21 heures trente. Ils étaient à peine une centaine de manifestants à avoir répondu à l’appel du Front social marocain, le FSM, invitant les citoyens à se rassembler après la rupture du jeun devant le Parlement. Les organisations syndicales et les ONG ayant pris cette initiative sont pourtant connues pour disposer d’une base conséquente ; une base qui s’était révélée lors des manifestations massives de 2011 et qui avait abouti à la création du mouvement du 20 février. Selon les premières informations parvenues à Adn-med, la même désaffection a été observée un peu partout dans le pays. Que s’est-il donc passé ce 8 février pour qu’un conglomérat d’instances sociales dont la représentativité est solidement établie, qui plus est appuyées par des groupes politiques de gauche rodés dans la communication, essuie pareil revers ?  

Objectifs ambigus

Beaucoup de pancartes de même dimension et écrites avec les mêmes caractères dénonçaient la cherté de la vie. D’autres, plus rares, stigmatisaient la normalisation des relations diplomatiques du Maroc avec Israël. Quelques drapeaux palestiniens flottaient ici et là.  Cette confusion des genres est peut-être une première explication à une participation « qui n’a même pas rassemblé les membres des directions des structures à l’origine de ces manifestations », constate un des vendeurs de journaux qui avait tenu à ouvrir de nuit son petit kiosque pour l’occasion.

La déception se lisait sur le visage des membres de la coordination d’un FSM qui annonçait la veille avoir sensibilisé une soixantaine de villes. ( voir liste ci-dessous) «  Il y a eu plus de journalistes que de manifestants », témoigne devant le correspondant d’adn-med, un vieil habitué du café d’Italie, une enseigne emblématique de la capitale. A la question de savoir pourquoi la mobilisation était bien en deçà de ce qui était attendu, un responsable de la coordination, refusant d’admettre l’évidence, explique que les gens étaient encore en train de diner avec leur famille et que les citoyens allaient arriver progressivement. Une demi-heure plus tard, le nombre de manifestants était toujours le même.

Soigneusement encadrés par un important dispositif des forces de sécurité déployées depuis le tronçon de l’avenue de Mohamed V allant de la gare centrale jusqu’au siège du Parlement, le regroupement ne connut aucun débordement. Pourquoi un si faible écho dans une situation sociale où les pénuries et les envolées des prix des produits de première nécessité auraient, en principe, jeté dans la rue toutes les petites bourses ?

Dès le début de sa création il y a de cela quelques années, le Front social marocain décida de ne pas admettre les adhérents du parti islamiste PJD compromis par un exercice calamiteux du pouvoir. Composé de militants de la Voie démocratique ( marxiste léniniste), de l’association marocaine des droits de l’homme, AMDH, des anciens du mouvement 20 février, des syndicalistes de la Confédération démocratique du travail, CDT, de l’Union marocaine du travail, UMT et de la fédération de la gauche, l’alliance connut son heure de gloire après 2011. Ces dernières années, l’hétérogénéité du mouvement, qui fut sa puissance et sa crédibilité, n’opère plus. Le FSM ne parvient pas à additionner les forces qui le composent. La multiplication des objectifs qui hésitent entre le combat social des syndicalistes et les revendications politiques, quelques fois caricaturales, portées par les groupes de gauche perturbe une opinion obnubilée d’abord par l’érosion de son pouvoir d’achat. Les autres ingrédients idéologiques, notamment ceux d’une rupture radicale à laquelle appelait explicitement le communiqué du 2 avril ont passablement parasité les enjeux. On aura d’ailleurs relevé que l’ajout de la langue amazigh sur le deuxième appel, manifestement destiné à impliquer l’important tissu associatif qui active autour de cette langue et culture, n’a pas eu d’effet.

Pouvoir renforcé et opposition isolée

Des informations font état de discussions serrées ayant eu lieu ces dernières quarante-huit heures dans la coordination quant à la nécessité d’ouvrir l’appel aux partis ayant exprimé récemment leur désapprobation vis-à-vis de la politique du gouvernement ( voir adn-med du 6 avril ). Aucun consensus n’ayant été dégagé, les organisateurs ont décidé de maintenir leur rejet originel du PJD, ce qui a probablement pesé sur le déficit de l’affluence de ce samedi.

« Les manifestations pendant le carême n’ont jamais drainé grand monde », se résigne à constater un membre de l’UMT, sa pancarte dénonçant la vie chère pliée sous l’épaule et un drapeau palestinien noué autour du bassin.

Cet échec du FSM est une opportunité pour l’exécutif qui redoutait de voir une jonction entre les revendications sociales et les pressions exercées par l’opposition, notamment le PJD qui ne désespère toujours pas de susciter un rejet des accords d’Abraham et le PPS qui pointe les limites politiques du chef du gouvernement.  Pour l’heure, les deux formations se trouvent cornérisées.

Signe que l’appel du FSM était pris au sérieux, ce vendredi, veille des manifestations prévues dans tout le Royaume, le premier ministre Aziz Akhanouch réunissait les grandes organisations concernées par le domaine agricole dont il connait bien les contraintes, lui qui a longtemps été  ministre de l’agriculture. Devant la confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural, la fédération interprofessionnelle marocaine de la production et de l’exportation des fruits et légumes et les présidents des chambres agricoles, il a plaidé pour un rétablissement rapide de la chaine de production afin d’assurer l’approvisionnement régulier du marché intérieur.  Vaste challenge dans un environnement sévèrement impacté par la sécheresse et l’augmentation des prix des intrants. 

En attendant la même question se pose toujours aux dirigeants marocains : combien de temps durera la pause politique si les disparités sociales perdurent ?

Liste des villes annoncées par le FSM comme sites de protestations potentielles

Rabat : 21 heures trente. Ils étaient à peine une centaine de manifestants à avoir répondu ce samedi à l’appel du Front social marocain, FSM invitant les citoyens à se rassembler après la rupture du jeun devant le Parlement. Les organisations syndicales et les ONG ayant pris cette initiative sont pourtant connues pour disposer d’une base conséquente ; une base qui s’était révélée lors des manifestations massives de 2011 et qui avait abouti à la création du mouvement du 20 février. Que s’est-il donc passé ce 8 février pour qu’un conglomérat d’instances sociales dont la représentativité est solidement établie, qui plus est appuyées par des groupes politiques de gauche rodés dans la communication, essuie pareil revers ?  

Objectifs ambigus

Beaucoup de pancartes de même dimension et écrites avec les mêmes caractères dénonçaient la cherté de la vie. D’autres, plus rares, stigmatisaient la normalisation des relations diplomatiques du Maroc avec Israël. Quelques drapeaux palestiniens flottaient ici et là.  Cette confusion des genres est peut-être une première explication à une participation « qui n’a même pas rassemblé les membres des directions des structures à l’origine de ces manifestations », constate un des vendeurs de journaux qui avait tenu à ouvrir de nuit son petit kiosque pour l’occasion.

La déception se lisait sur le visage des membres de la coordination d’un FSM qui annonçait la veille avoir sensibilisé une soixantaine de villes. ( voir liste ci-dessous) «  Il y a eu plus de journalistes que de manifestants », témoigne devant le correspondant d’adn-med, un vieil habitué du café d’Italie, une enseigne emblématique de la capitale. A la question de savoir pourquoi la mobilisation était bien en deçà de ce qui était attendu, un responsable de la coordination, refusant d’admettre l’évidence, explique que les gens étaient encore en train de diner avec leur famille et que les citoyens allaient arriver progressivement. Une demi-heure plus tard, le nombre de manifestants était toujours le même. 

Soigneusement encadrés par un important dispositif des forces de sécurité déployées depuis le tronçon de l’avenue de Mohamed V allant de la gare centrale jusqu’au siège du Parlement, le regroupement ne connut aucun débordement. Pourquoi un si faible écho dans une situation sociale où les pénuries et les envolées des prix des produits de première nécessité auraient, en principe, jeté dans la rue toutes les petites bourses ?
  
Dès le début de sa création il y a de cela quelques années, le Front social marocain décida de ne pas admettre les adhérents du parti islamiste PJD compromis par un exercice calamiteux du pouvoir. Composé de militants de la Voie démocratique ( marxiste léniniste), de l’association marocaine des droits de l’homme, AMDH, des anciens du mouvement 20 février, des syndicalistes de la Confédération démocratique du travail, CDT, de l’Union marocaine du travail, UMT et de la fédération de la gauche, l’alliance connut son heure de gloire après 2011. Ces dernières années, l’hétérogénéité du mouvement, qui fut sa puissance et sa crédibilité, n’opère plus. Le FSM ne parvient pas à additionner les forces qui le composent. La multiplication des objectifs qui hésitent entre le combat social des syndicalistes et les revendications politiques, quelques fois caricaturales, portées par les groupes de gauche perturbe une opinion obnubilée d’abord par l’érosion de son pouvoir d’achat. Les autres ingrédients idéologiques, notamment ceux d’une rupture radicale à laquelle appelait explicitement le communiqué du 2 avril ont passablement parasité les enjeux. On aura d’ailleurs relevé que l’ajout de la langue amazigh sur le deuxième appel, manifestement destiné à impliquer l’important tissu associatif qui active autour de cette langue et culture, n’a pas eu d’effet.

Pouvoir renforcé et opposition isolée

Des informations font état de discussions serrées ayant eu lieu ces dernières quarante-huit heures dans la coordination quant à la nécessité d’ouvrir l’appel aux partis ayant exprimé récemment leur désapprobation vis-à-vis de la politique du gouvernement ( voir adn-med du 6 avril ). Aucun consensus n’ayant été dégagé, les organisateurs ont décidé de maintenir leur rejet originel du PJD, ce qui a probablement pesé sur le déficit de l’affluence de ce samedi.
 
« Les manifestations pendant le carême n’ont jamais drainé grand monde », se résigne à constater un membre de l’UMT, sa pancarte dénonçant la vie chère pliée sous l’épaule et un drapeau palestinien noué autour du bassin. 
 
Cet échec du FSM est une opportunité pour l’exécutif qui redoutait de voir une jonction entre les revendications sociales et les pressions exercées par l’opposition, notamment le PJD qui ne désespère toujours pas de susciter un rejet des accords d’Abraham et le PPS qui pointe les limites politiques du chef du gouvernement.  Pour l’heure, les deux formations se trouvent cornérisées. 

Signe que l’appel du FSM était pris au sérieux, ce vendredi, veille des manifestations prévues dans tout le Royaume, le premier ministre Aziz Akhanouch réunissait les grandes organisations concernées par le domaine agricole dont il connait bien les contraintes, lui qui a longtemps été  ministre de l’agriculture. Devant la confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural, la fédération interprofessionnelle marocaine de la production et de l’exportation des fruits et légumes et les présidents des chambres agricoles, il a plaidé pour un rétablissement rapide de la chaine de production afin d’assurer l’approvisionnement régulier du marché intérieur.  Vaste challenge dans un environnement sévèrement impacté par la sécheresse et l’augmentation des prix des intrants.  

En attendant la même question se pose toujours aux dirigeants marocains : combien de temps durera la pause politique si les disparités sociales perdurent ?
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