L’ambassadeur de Chine en France provoque un tollé diplomatique
Lu Shaye, ambassadeur de Chine à Paris, vient de provoquer une secousse diplomatique dont il est difficile de prévoir les répliques. Interrogé ce vendredi par l’animateur vedette de la Chaine d’information continue LCI, Darius Rochebin, il déclare que l’Ukraine est, au regard de l’histoire, un territoire russe avant d’ajouter que du point de vue du droit international les nations issues de l’éclatement de l’ex-union soviétique ont des statuts ambiguës. « Les ex-pays membres de l’union soviétique n’ont pas de statut effectif d’Etats souverains dans le droit international. » a-t-il asséné.
Coup de tonnerre diplomatique dans le ciel parisien
Les républiques baltes ont aussitôt réagi. Avec des tonalités différentes. Le ministre des affaires étrangères letton Edgard Rinkievics dénonce : « ce sont des déclarations totalement inacceptables. Nous attendons des explications de la partie chinoise et la rétractation immédiate de cette déclaration ». Tout aussi offensif, son homologue lituanien Gabrielus Lansdsbergis a tweeté : « Voilà pourquoi les pays baltes ne font pas confiance à la Chine pour servir d’intermédiaire dans cette guerre. » De son côté, le chef de la diplomatie Estonien, Margus Tashkna, se désole : « il est triste que le représentant de l République populaire de Chine ait de telles opinions ; un telle position est incompréhensible » a-t-il tweeté.
L’ambassadeur de Kiev à Paris, dont le pays ménage la Chine, grand importateur de ses céréales, et qui a, malgré tout, condamné à l’ONU la violation des frontières internationales, se réfugie dans l’humour : « Soit cet homme a des problèmes évidents avec la géographie (…) ou ses déclarations contredisent la position de Pékin », relève le représentant ukrainien.
Venus quelques jours après la visite du président Macron en Chine – qualifiée de réussite malgré ses déclarations polémiques suite au renvoi dos à dos de l’Empire du milieu et des Etats Unis sur la question de Formose -, les propos du diplomate chinois font désordre. La porte-parole du Quai d’Orsay a d’ailleurs rapidement pris la parole pour dire que la France espérait que les propos de Lu Shaye ne représentaient pas la position de Pékin.
Spéculations politiques
Politiquement, cette sortie torpille la démarche du président Xi jinping qui a offert ses bons offices pour, sinon mettre un terme au conflit né de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, du moins parvenir à un cessez le feu.
En effet, même si les capitales occidentales connaissaient la proximité que cultivent Moscou et Pekin ces dernières années, elles acceptaient de suivre les propositions de la Chine pour, d’une part éviter que ce pays ne prenne fait et cause définitivement pour le Kremlin et, d’autre part, pouvoir compter sur un pays tiers qui puisse, le moment venu, faire entendre raison à Poutine dont l’économie est désormais largement tributaire de son puissant voisin oriental.
Les chancelleries spéculent quant à la question de savoir si cette bombe diplomatique est le fait d’un dérapage personnel de l’ambassadeur ou l’expression d’une démarche assumée de la Chine. Pour beaucoup d’observateurs, poser cette question relève de la méthode Coué. Lu Shaye est un diplomate qui a déjà derrière lui une solide expérience et, ayant longtemps été en poste en Afrique francophone, il parle un bon français.
Si le propos de l’ambassadeur chinois reflétait une vision politico-diplomatique de la Chine, cela ouvrirait la voie à de préoccupants bouleversements géopolitiques. A partir de quelle date doit-on considérer qu’une frontière est légale ? Des observateurs ont déjà malicieusement relevé qu’il fut un temps où la ville russe de Vladivostok était chinoise.