dimanche, décembre 3, 2023
Politique

En Tunisie, l’étau se resserre sur les avocats et militants opposés à Kaïs Saïed

Ce n’est pas une affaire de complot contre la sûreté de l’État“, mais celle “d’un complot contre les opposants“, a déclaré Ayachi Hammami, avocat et défenseur des droits humains, jeudi 4 mai lors d’une conférence de presse organisée à Tunis. Il fait partie des quatre avocats contre lesquels le juge d’instruction a décidé l’ouverture d’une enquête judiciaire, aux côtés de Bochra Belhaj Hamida, ancienne députée et militante féministe, Ahmed Néjib Chebbi, président du Front du salut national (FSN) – une coalition d’opposition à Kaïs Saïed créée après le coup de force du 25 juillet -, et Noureddine Bhiri, ancien ministre et membre du parti Ennahda. À cela s’ajoute une liste de vingt trois personnes citées dans la même affaire, transmise depuis plus d’un mois au procureur. Parmi elles figurent Kamel Jendoubi, ancien président de l’instance électorale ou encore Mohamed Hamdi, ancien député et ministre.

On a organisé cette conférence pour anticiper une éventuelle arrestation“, a déclaré d’emblée Ahmed Néjib Chebbi. “Ils pensent nous affaiblir, ils ont tort. La prison ne nous fait pas peur“. Le leader du FSN et ancien opposant au régime de Ben Ali a des raisons de croire que lui et ses camarades suspectés à présent de “complot” pourraient être emprisonnés dans un avenir proche. Car l’affaire a débuté dès le mois de février, avec l’arrestation de plusieurs militants, dont Khayam Turki, une des figures de l’opposition démocrate et principal accusé. Selon les éléments du dossier judiciaire, il leur est principalement reproché d’avoir été en contact avec des diplomates ou d’avoir organisé des réunions politiques. Depuis, ils ont tous été placés en détention provisoire, dans l’attente d’un procès. “S’ils ont arrêté Khayam Turki, c’est parce qu’il œuvrait à réunir différents courants de l’opposition“, a commenté Ahmed Néjib Chebbi, dont le frère Issam Chebbi est aussi détenu pour les mêmes motifs. “Cette affaire a rendu plus visible la faiblesse du pouvoir“, a-t-il ajouté. 

Amiguités de L’UGTT

Pour Ayachi Hammami, l’affaire est encore plus délicate, car il est l’un des principaux avocats du comité de défense des prisonniers politiques. À présent, il fait partie des suspects et ne serait plus en mesure de défendre les autres accusés, tout comme trois autres avocats déjà emprisonnés en février. Selon lui, le régime s’attaque aux avocats après avoir placé la magistrature sous son contrôle direct. “Mais il y en a encore des dizaines prêts à défendre les opposants“, a-t-il assuré, appelant cependant l’Ordre national des avocats tunisiens (ONAT) à prendre ses responsabilités et à s’exprimer davantage contre les dérives autoritaires du pouvoir en place depuis le 25 juillet 2021. 

L’ONAT fait partie du quartet mené par l’UGTT désireux de proposer à Kaïs Saïed une “initiative” de sortie de crise, malgré le fait que ce dernier a exprimé plusieurs fois son refus de dialoguer avec ces organisations nationales. Leur positionnement ambigu face au président tunisien a également été relevé par l’ancien député Mohamed Hamdi. “À ceux qui acceptent le processus du 25 juillet, vous proposez un dialogue avec quelqu’un qui ne veut pas dialoguer avec vous et vous refusez le dialogue avec l’opposition“, a-t-il regretté, appelant toutes les organisations de la société civile à “élever la voix et à adopter de meilleures positions pour défendre les libertés et la démocratie“. 

Enfin, depuis la France où il entend rester tant que les conditions d’une justice équitable ne sont pas garanties, Kamel Jendoubi a prévenu : “Nous allons poursuivre le combat jusqu’à la chute du dictateur retranché à Carthage“.

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