Après la visite controversée de Giorgia Meloni, trois dirigeants européens attendus dimanche à Tunis
« Vous êtes une femme qui dites tout haut ce que d’autres pensent tout bas », a déclaré mardi 6 juin le Président tunisien Kaïs Saïed à la présidente du conseil italien Giorgia Meloni en l’accueillant au Palais de Carthage à l’occasion d’une visite éclair.
À l’issue de cette rencontre, la présidente de la commission européenne, Ursula Von Der Leyen a annoncé se rendre dimanche à Tunis accompagnée du Premier ministre néerlandais Mark Rutte mais également de Giorgia Meloni dont la visite mardi a été largement commentée dans les médias, malgré une conférence de presse annulée.
Saied inflexible face au FMI
Une fois n’est pas coutume, le Président tunisien s’est montré très détendu et souriant aux côtés de la dirigeante italienne d’extrême droite venue évoquer notamment la question brûlante du contrôle des flux migratoires en provenance de Tunisie. En février, le Président tunisien avait lui-même tenu des propos hostiles contre les migrants d’Afrique subsaharienne arrivés sur le territoire tunisien, les accusant de vouloir « transformer la démographie » du pays. À ce sujet, Kaïs Saïed a affirmé que la Tunisie supporte « de nombreuses charges », accusant les migrants qui cherchent à s’installer en Tunisie « de créer des écoles en dehors de tout cadre légal », jugeant cette situation « inacceptable ».
Le chef de l’État a, en ce sens, appelé à une solution « commune » dans le cadre d’un sommet réunissant tous les pays concernés (au sud et au nord de la Méditerranée, ainsi que les pays au sud du Sahara). « Toutes les routes ne mènent plus seulement à Rome mais aussi à Tunis », a-t-il déclaré dans un communiqué publié à l’issue de la rencontre, dénonçant le fait que la Tunisie ne soit plus seulement un point de passage mais aussi un pays de destination.
« J’ai parlé au président Saïed des efforts qu’un pays ami comme l’Italie déploie, dans le plein respect de la souveraineté tunisienne, pour tenter d’aboutir à une conclusion positive de l’accord entre la Tunisie et le FMI », a déclaré de son côté la présidente du conseil, insistant sur l’importance d’un prêt du Fonds monétaires comme condition « fondamentale pour renforcer le pays et le redresser ».
Les pourparlers entre le FMI et la Tunisie pour un prêt de 1,9 milliards de dollars piétinent depuis plusieurs mois, malgré un accord de principe signé en octobre 2022. Dans son communiqué, Kaïs Saïed a réaffirmé son refus de tout « diktat », comparant les conditions du FMI à une prescription médicale donnée avant le diagnostic de la maladie. Il a encore mis en garde contre des conditions qui seraient de nature à « affecter la paix civile », avec des conséquences qui se feraient sentir dans toute la région.
Soutien financier et collaboration migratoire: un laborieux package
Face à ce blocage et malgré une entente de façade, l’Union européenne a décidé de dépêcher en urgence trois de ses dirigeants, dont Meloni, pour discuter d’un éventuel accord avec la Tunisie qui concerne le contrôle des flux migratoires, en marge des négociations avec le FMI.
« Un accord de coopération dans les domaines de l’économie, de l’énergie et de la migration sera au centre des discussions », a indiqué Eric Mamer, porte-parole de la présidente de la commission européenne, cité par l’AFP, même si la signature d’un accord ne sera pas attendue dès dimanche.
Selon les médias de son pays, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte qui fait partie de la délégation européenne, avait affirmé une semaine plus tôt être disposé à se rendre en Tunisie, si sa présence est « utile », après s’être engagé à réduire de manière « substantielle » la migration aux Pays-Bas. De leur côté, plusieurs organisations tunisiennes, dont le Forum économique des droits économiques et sociaux (FTDES) ont déclaré Giorgia Meloni « persona non grata » en Tunisie, dénonçant sa politique migratoire répressive et le traitement inhumain infligé aux migrants arrivés en Italie puis expulsés.