Maroc. Les peines alternatives enfin adoptées par le gouvernement
C’était le serpent des mers de la politique pénitentiaire marocaine. La loi portant sue les peines alternatives réclamées à cor et à cri par les avocats a été finalement adoptée jeudi dernier par le Conseil de gouvernement.
Forte opposition dans l’opinion
Le projet de loi 43.22, du ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a fait l’unanimité dans l’exécutif malgré une opposition d’une partie non négligeable de l’opinion qui dénonçait une décision considérée comme laxiste et dont les détracteurs assuraient qu’elle allait constituer un encouragement aux délinquants.
En plus de ces appréhensions, l’initiative posaient un vrai casse-tête juridique dans la mesure où le code pénal marocain ne prévoyait pas ce genre de réponse judiciaire, ce qui a conduit à l’élaboration d’une loi spécifique pour ce type de sanction.
Une autre considération a fini par peser en faveur de cette loi. La surpopulation carcérale constitue un vrai problème sécuritaire et sociétal dans le royaume. Plus de 40% des prisonniers sont en détention préventive. Une situation qui coûte cher à la société et l’Etat sans compter les risques de contamination qui guettent des jeunes primo délinquants dans des milieux potentiellement criminogènes. Une donne plus politique a aussi joué dans l’avancement de ce dossier : la nécessité de donner une image d’un pays abandonnant la culture du tout répressif.
Pour autant, les autorités marocaines savent qu’elles marchent sur des œufs. Dans sa conférence de presse hebdomadaire, le porte-parole du gouvernement Mustapha Baitas n’a eu de cesse de donner des gages quant au souci de l’Etat à sécuriser au maximum les traductions pratiques de cette nouvelle disposition qui ne concernera pas les récidivistes et qui ne s’appliquera que pour des peines ne dépassant pas cinq ans.
Modalités d’pplication d’une loi sensible et complexe
L’exposé détaillé des modalités d’application pratique de ce texte veut démontrer le sérieux du travail effectué en amont. En effet, le magistrat aura une palette de trois peines alternatives qu’il pourra adapter selon les cas. Les travaux d’intérêt général, le bracelet électronique ou la limitation d’un certain nombre de droits font partie de la palette des instruments qui seront appliqués au prévenu sans que ce dernier ne soit incarcéré.
Afin d’éviter les éventuels abus de l’utilisation des jeunes dans le monde du travail, il est spécifié que les travaux d’intérêt général ne seront appliqués qu’aux individus âgés d’au minimum 15 ans. Il est également stipulé que cette sanction doit être exécutée dans les établissements publics, les collectivités locales, les associations mais jamais dans les organismes privés. La durée de ces travaux qui dépend de l’infraction commise varie de 40 à 1000 heures et la nature des actes effectués doit avoir une relation avec la profession ou la formation reçue par le prévenu au moment de son arrestation ;une manière de na pas désocialiser davantage le condamné.
contacte par ado-med, l’avocat et militant des droits de l’homme Id Belkacem installé à Rabat, déclare que l’économie générale de cette loi est bonne. Il rappelle d’ailleurs que les activistes de la cause amazighe « ont de tout temps demandé l’adaptation de la loi marocaine au droit coutumier amazighe qui proscrit la sanction attentatoire à l’intégrité physique du suspect. » Il ajoute cependant que sans une volonté politique assumée qui implique de dégager des moyens conséquents pour donner une suite effective à cette décision, celle-ci risque de connaitre le sort d’autres annonces importantes mais qui sont restées lettres mortes. Et de citer les retards mis à affecter des budgets nécessaires à l’enseignement de la langue amazighe alors que la constitution l’a consacrée comme langue officielle depuis 2011 mais que la loi n’a été publiée qu’en 2019.
Pour sa part, ce journaliste de la presse écrite qui a déjà eu à faire à la justice, « la question des moyens est effectivement un sujet qui mérite suivi et attention » mais la loi adoptée par le conseil du gouvernement est en elle-même « une avancée qu’il faut resituer dans le long combat de la construction d’un Etat de droit. »