Algérie. Retour estival des émigrés au pays : l’éternel calvaire
Retards, places insuffisantes, qualité des services dégradée, personnel peu ou mal qualifié, il suffit de faire un tour devant l’agence parisienne d’Air Algérie Opéra pour voir que la destination Algérie reste toujours un voyage vers l’inconnu. Des journalistes et des experts ont tenté de trouver une explication convaincante à cette exception algérienne. En vain. Faute d’accéder aux sources d’information dédiées, Adn-med a cherché à entendre des agents de terrain.
Des prix inexplicables
Le trajets Alger-Paris fait 2000 kilomètres. La même distance offerte par d’autres opérateurs coûte deux voire trois moins cher. « C’est la loi de l’offre et de la demande, la ligne Alger-Paris est l’une des plus fréquentée au monde », nous explique un employé de l’agence sus citée. La petite quarantaine, H.B est un binational qui venait de terminer son service. Il a le regard éteint. Nous l’abordons pour déplorer les conditions d’accueil et d’orientation des voyageurs. Voyant sa relative disponibilité, nous l’invitons à prendre un café pour entamer une discussion libre auprès d’un élément du personnel de base car à Air Algérie, la communication des hauts responsables a toujours été une langue morte. Notre interlocuteur mis en confiance s’ouvre à nous : « vous croyez que nous sommes heureux de l’image que l’on donne du pays à l’étranger. C’est dur pour nous aussi. Et puis vous savez, même les recrutements ici …» lâche le jeune homme qui suspend sa phrase comme s’il en avait déjà trop dit. Il se lève et nous salue : « Excusez-moi, je dois partir. Merci pour votre invitation. »
Malgré l’ouverture du ciel aux compagnies étrangères low-cost, les prix demeurent exorbitants. Pourquoi ? « Parce qu’en fait c’est une concurrence un peu factice. L’ouverture du marché algérien est conditionnée par un accord tacite qui incite tous les transpoteurs à s’aligner sur les prix décidés par Air Algérie », nous explique le stewart de l’une des compagnies qui ont été autorisées à desservir certaines villes algériennes. « Vous aurez constaté que nos promotions ne durent pas très longtemps et qu’en haute saison, nous aussi, nous sommes prohibitifs. L’Algérie est un marché très compliqué. »
Un fonctionnement opaque
On se souvient des campagnes de désinformation qu’avait subies la compagnie Aigle Azur quand elle avait voulu s’affranchir des codes sous terrains qui régissent l’élaboration des prix. On avait laissé dire que ses airbus n’étaient pas fiables car ils étaient de faible envergure alors que c’étaient des aéronefs validés par l’IATA ( l’association internationale du transport aérien international) pour les courtes et moyennes destinations. Ensuite, une rumeur persistante fut distillée pour laisser entendre que les repas servis à bord par Aigle Azur contenaient du porc…A chaque fois, le défunt Arezki Idjerouidene, qui avait repris la compagnie au bord de la faillite pour en faire un pavillon français d’envergure international, dut mobiliser, temps, énergies et finances pour démentir des attaques perfides. Aigle Azur avait, en plus, eu la mauvaise idée de faire ses annonces en amazigh : un pied de nez qui eut le don d’irriter un peu plus les barons du secteur de l’aviation civile. Ecoutons le récit d’un ancien pilote d’Aigle Azur proche de son défunt patron. « Les obstructions suscitées par ces annonces furent compensées par le fait qu’une partie non négligeable de l’émigration d’origine kabyle voyageait sur Aigle Azur par sympathie pour une entreprise qui utilisait sa langue. Mais malgré cet acquis, Idjerouidene n’aurait pas tenu longtemps face à un système où s’enchevêtraient les interventions d’officiers véreux qui s’appuyaient sur des opérateurs peu scrupuleux, lesquels étaient en connexion intime avec le syndicat d’Air Algérie, l’un des plus cadenassé…Ce qui avait sauvé à la fin Aigle Azur, c’est que le patron avait diversifié ses lignes en s’orientant vers le Moyen Orient, le Portugal, la Tunisie, le Maroc, l’Afrique sub-saharienne… ».
Autre exemple. Ceci est un témoignage nous vient d’une connaissance qui échangeait dans la salle d’attente avec un universitaire habitué des aller-retours Lyon-Constantine. Il fait observer à son compagnon de voyage que le vol Lyon-Agadir coute moins cher que Lyon-Constantine qui est deux fois plus court. « Le Maroc est un pays touristique qui ne peut pas se permettre de jouer avec des billets hors de prix. » Notre relation fit alors valoir que la cherté des places vers l’Algérie n’était donc pas un impératif commercial : « Non, à condition que la politique ne se mêle pas d’économie. L’universitaire explique qu’il faut espérer que le renouvellement de la flotte annoncée par Air Algérie amène les décideurs à laisser cette compagnie fonctionner comme toutes les entreprises économiques. « Mais si on continue à placer les cousines et les cousins dans les agences à l’étranger. Si un pilote demande aux hôtesses de ne pas servir de vin aux voyageurs parce qu’il est islamiste, si le généraux voyagent gratuitement, l’achet de 8, 9 ou 10 avions sera un coup d’épée dans l’eau.»
On a coutume de dire que la compagnie nationale d’aviation est la première vitrine d’un pays. En bien et en mal.