Tebboune à Moscou : recadrage stratégique
Le chef de l’Etat algérien, répondant à une invitation de Vladimir Poutine, entame à partir d’aujourd’hui une visite de trois jours en Russie. Le communiqué de la présidence de algérienne fait état d’un évènement qui s’inscrit « dans le cadre du renforcement de la coopération entre deux pays amis ». Pendant plusieurs mois, les observateurs de la scène algérienne peinaient à avoir une visibilité des grandes orientations stratégiques de l’Algérie tant les différents clans avaient des visions et des influences difficilement décodables. L’annonce laconique de la présidence n’occulte en rien le sens et l’importance d’un déplacement par lequel Alger confirme son ancrage dans le groupe des pays menés par la Chine et la Russie et qui cherchent à instaurer un rapport de force à même d’impulser un changement de l’ordre mondial où les régimes autocratiques entendent faire valoir leur propre conception des principes et valeurs qui doivent régir la communauté internationale.
Rectification géopolitique
C’est dans ce contexte qu’il convient de lire une visite qui vient rectifier la trajectoire dessinée par la visite d’Etat organisée à grand renfort de publicité au mois d’aout dernier pour Emmanuel Macron et qui donnait à penser que l’Algérie pouvait assumer un positionnement géopolitique dans son environnement euro-méditerranéen. « Cette vision fut sourdement mais fermement contestée par les clans tiers-mondistes du régime et…Moscou », révèle ce diplomate suisse ayant longtemps activé à Alger et qui entretient ses sources dans la capitale algérienne après sons rappel à Bern. Notre interlocuteur ajoute : « La visite d’Etat d’Abdelmadjid Tebboune en France devait précéder celle qu’il allait effectuer en Russie. Les incidents mineurs qui connurent une amplification, spontanée ou provoquée, sans rapport avec leur signification réelle et qui ont en provoqué les reports successifs prennent un sens politique particulier avec le voyage d’aujourd’hui. Les priorités algériennes viennent d’être rétablies. Et il ne s’agit pas là que de protocole. Aller à Moscou au moment de la contre-offensive ukrainienne n’a rien d’anodin. »
Pour nombre d’observateurs, sur Les courts et moyens termes, la politique de coopération économique, sécuritaire et militaire algérienne est désormais clairement projetée. Les conservateurs viennent d’imposer leur autorité aux autres segments du pouvoir.
Selon la mission économique russe, le commerce entre l’Algérie et la Russie qui concerne essentiellement la construction mécanique, la métallurgie et l’agro-alimentaire approche les trois milliards de dollars. Mais les importations algériennes qui déterminent la nature spécifique de la relation entre Moscou et Alger – qui vient de porter son budget défense à 23 milliards de dollars – est, évidemment, l’armement.
Pendant son séjour russe, Abdelmadjid Tebboune se rendra à Saint-Pétersbourg pour participer au Forum économique international qui s’y tiendra du 14 au 17 juin.