jeudi, novembre 30, 2023
International

MBS à Paris, Tebboune à Moscou : deux visions qui s’opposent… et s’affrontent déjà

Au moment où le chef de l’Etat algérien assurait à Poutine que la relation de l’Algérie avec la Russie ne sera pas impactée par les « conjonctures ou les pressions internationales », le prince héritier Mohamed Ben Salman était reçu pour une visite d’Etat en France pour une visite dont Paris attend autant que ce qu’escompte obtenir le Kremlin d’Alger.

L’invasion de l’Ukraine en toile de fond

En vérité, ces deux voyages sont les reflets de deux visions du monde qui se disputent l’alternative à construire pour sortir de la géopolitique finissante issue de la deuxième guerre mondiale. Un bouleversement dont les premières joutes se jouent en Ukraine. 

Il semble bien que Paris ait définitivement tiré un trait sur la préférence algérienne en tant que partenaire privilégié du dialogue avec la rive sud de la Méditerranée, le Sahel et, plus généralement, le monde musulman. La visite d’Etat d’Emmanuel Macron du mois d’aout, donnée comme fondatrice d’un nouveau départ franco-algérien, est un lointain souvenir. Et, pour la première fois, Paris et Alger semblent bien décidés à vivre enfin ouvertement leur divorce.

A Moscou, Tebboune assume l’alignement stratégique de son pays sur la Russie. Dopage du « partenariat stratégique approfondi » signé en 2001 par Bouteflika décliné, cette fois encore, par le renforcement d’une coopération militaire, économique et sécuritaire, volonté algérienne à intégrer les BRICS pour faire contrepoids poids au « monde du dollar », dixit Tebboune, et détermination à participer à la recomposition de l’ex-bloc de l’est pour réduire la domination occidentale, rien n’a été négligé pour célébrer les noces algéro-russes. 

C’est la démarche inverse que s’emploient à construire Macron et MBS à Paris. Les préparatifs d’un « nouveau pacte financier mondial » prévu à Paris les 22 et 23 juin et auquel doit participer le prince héritier saoudien résonnent comme une antidote aux BRICS., même si, l’exception de la Russie, ce groupe sera présent, à des niveaux de représentation différents, dans la capitale. française.

Mais c’est bien sur la question ukrainienne que l’Arabie saoudite et l’Algérie seront appelées à prouver leur audience et influence au Sud. Ryad qui a fait venir Zelinski au sommet de la ligue arabe ( voir adn-med du 21/05/2023 ) ne fait pas mystère de ses préférences mais elle doit compter avec la résolution d’Alger à nourrir dans le tiers-monde le soutien implicite voire la justification assumée de l’invasion de l’Ukraine ordonnée par Poutine.

Deux trajectoires diamétralement opposées

« L’Algérie a mis tous ses œufs dans le panier russe. » déplore cet opérateur économique du secteur public reconverti dans le privé et qui constate que «  pour l’instant, L’Arabie saoudite développe une diplomatie plus nuancée ». 

Et c’est un fait que les observateurs distinguent l’empressement du pouvoir algérien à témoigner sa fidélité à Moscou des positions saoudiennes qui s’affirment au Soudan, à la Ligue arabe tout en esquissant des évolutions notables sur ses relations avec l’Iran, Israël ou le Yemen. En affichant une ( très )  relative autonomie avec Washington et en ménageant la Chine dont elle a accepté les bons offices pour le rapprochement avec l’ennemi iranien, MBS se présente non pas en client d’un protecteur mais comme un partenaire qui cherche à exister dans une Europe désormais abandonnée par l’Algérie.  Malgré de réelles difficultés à entraîner des nations telles que la Pologne ou les pays baltes, le Vieux continent veut s’émanciper de la tutelle américaine, de la pression impériale russe tout en observant une prudente et vigilante disponibilité avec la Chine. 

Les oppositions diplomatiques entre l’Arabie saoudite et l’Algérie trouvent leur prolongement dans leurs politiques intérieures. Au libéralisme progressif engagé par MBS et dont nul ne peut, pour l’heure, prédire la pérennité et la viabilité, répond un autoritarisme glaciaire du régime algérien qui ne cache pas sa fascination pour le modèle turc.

Ryad et Alger ne peuvent plus faire semblant. Les couteaux sont tirés et dans une guerre qui les dépasse, il y aura fatalement un perdant et un gagnant. 

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