jeudi, novembre 30, 2023
Politique

Tunisie. Le journaliste Zied El Heni arrêté en « violation flagrante » de son droit à la défense

Le journaliste tunisien Zied El-Heni, 59 ans, a été placé en garde à vue mardi 20 juin au soir, après avoir été appréhendé par les forces de l’ordre à son domicile en fin d’après-midi. Il est accusé d’offense contre le chef de l’État, en vertu de l’article 67 du Code pénal et risque jusqu’à trois ans d’emprisonnement. 

Quelques heures plus tôt, lors de la matinale de la station de radio IFM, le journaliste avait interprété de manière décalée l’article du code pénal pour lequel il est actuellement poursuivi, devant ses collègues hilares. Néjib Dziri, également chroniqueur dans la même émission et soutien inconditionnel de Kaïs Saïed, a tenté d’expliquer cette arrestation le lendemain matin, prétextant un « malentendu » qui devrait être résolu très rapidement. La journaliste Chahrazed Akacha, exilée et citée dans plusieurs affaires de « complot contre la sûreté de l’État », est poursuivie pour les mêmes motifs, après avoir partagé sur les réseaux sociaux l’extrait incriminé. 

Membre fondateur du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) et opposant durant le régime de Ben Ali, Zied El-Heni a été emmené à la caserne de l’Aouina, dans la banlieue de Tunis, pour y être interrogé. À l’entrée, ses avocats Dalila Ben Mbarek Msaddek et Ayachi Hammami ont été empêchés de voir leur client. « Ils ont voulu nous faire croire que Zied El-Heni ne voulait pas d’avocats et ils ne l’ont pas informé de notre présence », a déploré l’avocate. 

Dalila Ben Mbarek Msaddak parviendra finalement à voir son client « quelques secondes », après son interrogatoire. Ce dernier lui aurait affirmé : « La liberté a un prix, et je suis prêt à le payer », avant d’être conduit au centre de détention de Bouchoucha où il passera la nuit. Dans un communiqué publié le mercredi 21 juin, le SNJT a condamné une violation flagrante des dispositions de la loi n°5 de 2016 relative aux droits de la défense. Il a exprimé « sa solidarité totale avec Zied El Heni, victime de campagnes de diffamation et de harcèlement qui ont résulté sur son arrestation et sa détention, simplement parce qu’il a défendu la liberté d’expression ». Le syndicat des journalistes a également mis en garde et exprimé de vives inquiétudes quant à une possible détérioration de l’état de santé du journaliste qui souffre de maladies graves. Mercredi dans la journée, les avocats ont une nouvelle fois été empêchés de rendre visite à leur client, sur ordre du procureur, sans qu’aucune raison ne soit avancée. Le SNJT a appelé tous les journalistes ainsi que les militants et militantes de la société civile à une manifestation de solidarité avec leur collègue jeudi 22 juin, à partir de 9 heures, devant le tribunal de première instance de Tunis, où Zied El Heni devrait être entendu par le juge d’instruction. 

Selon le SNJT, une vingtaine de journalistes sont actuellement poursuivis pour des faits en lien avec leur travail. En 2023, la Tunisie a encore perdu 27 places au classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières (RSF) pour occuper le 121e rang sur 180 pays. Depuis le coup de force de Kaïs Saïed le 25 juillet 2021, la Tunisie a dévissé de 48 places, un recul inédit depuis la chute du régime de Ben Ali. 

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