Kaïs Saïed à la directrice du FMI : “S’il n’en reste qu’un seul à refuser les recettes du FMI, je serai celui-là.”
Présent au sommet pour un nouveau pacte financier à Paris, Kaïs Saïed a vivement critiqué les accords de Bretton Woods, qui ont donné naissance au Fonds monétaire international après la Seconde Guerre mondiale. “S‘il ne reste qu’un seul à refuser les recettes du FMI, je serai celui-là”, a-t-il déclaré jeudi lors de son entretien avec Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI.
“À votre place, je ferais attention à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain“, avait auparavant averti la directrice du FMI, s’adressant au président tunisien présent dans le même panel. “Ne perdez pas l’institution que vous avez“, a-t-elle ajouté.
Lors de son intervention, le président Kaïs Saïed a accusé les pays du “Nord” d’être responsables de la situation dans laquelle se trouvent les pays du “Sud”, regrettant que les accords de Bretton Woods et le système financier mondial aient été décidés sans leur participation. “Avec cette notion de grand et de petit, on ne peut pas aller vers un monde meilleur. Mesdames et Messieurs, nous ne sommes pas petits“, a-t-il déclaré après avoir repris les paroles de la célèbre chanson du générique des films du duo comique Laurel et Hardy. “Mon véritable adversaire […] c’est le monde des finances“, a-t-il ajouté, faisant référence cette fois à une citation de François Hollande lors de sa campagne présidentielle en 2012. D’un ton sec et froid, Kaïs Saïed a estimé que “le moment était venu pour l’humanité toute entière de penser différemment, de regarder le passé et de déterminer les responsables de ces malheurs“.
La visite du président tunisien à Paris fait suite à un ballet diplomatique de dirigeants européens à Tunis, sur fond de crise migratoire et de déblocage de l’aide financière du FMI d’un montant de 1,9 milliard de dollars, destinée à couvrir une série de prêts financiers essentiels pour le paiement des prochaines échéances de la dette extérieure de la Tunisie et pour combler son déficit budgétaire, qui s’élève à plusieurs milliards de dollars pour 2023.
Les ministres de l’Intérieur français Gérald Darmanin et allemande Nancy Feaser ont reçu un accueil similaire à leurs prédécesseurs européens. La présidente du conseil italien a effectué une première visite le 6 juin, suivie d’une seconde cinq jours plus tard en compagnie du Premier ministre néerlandais Mark Rutte et de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Malgré l’annonce d’aides financières supplémentaires de plus d’une centaine de millions d’euros et le déblocage de 900 millions d’euros en cas d’accord avec le FMI, Kaïs Saïed semble camper sur ses positions. “La Tunisie refuse d’être un pays de transit ou un lieu d’établissement“, a-t-il déclaré à propos du pacte migratoire signé entre les 27 ministres de l’Intérieur de l’Union européenne, qui prévoyait la possibilité de renvoyer les demandeurs d’asile déboutés vers des “pays tiers sûrs”, quel que soit leur nationalité.
Lors de sa visite quelques jours plus tôt dans le bassin minier de la région de Gafsa, dans le centre-ouest de la Tunisie, il a exhorté les demandeurs d’emploi qui bloquent régulièrement les convois depuis la révolution, à permettre le transport du phosphate, dont la production a diminué depuis la révolution, afin d’éviter de “mendier”, soulignant qu’il était préférable de “mourir plutôt que de demander l’aumône aux étrangers”.