À Sfax, des centaines de personnes manifestent contre les migrants subsahariens
Des centaines de personnes ont manifesté dimanche 25 juin devant le siège du gouvernorat de Sfax, contre la présence de ressortissants d’Afrique subsaharienne dans la ville, considérée comme une plaque tournante de la migration irrégulière vers l’Europe.
“Ce n’est pas du racisme, la sécurité de notre pays est prioritaire”, “non à la colonisation de Sfax par les migrants irréguliers”, pouvait-on lire sur les pancartes de certains manifestants rassemblés à l’appel du mouvement local “Sayeb trottoir” (lâche le trottoir), créé initialement pour libérer les trottoirs de la ville des étals et constructions anarchiques.
Reprenant la rhétorique du “grand remplacement”, théorie d’extrême droite accusant les migrants de vouloir coloniser les pays dans lesquels ils résident, ces habitants de la deuxième ville de Tunisie ont également exprimé leur rejet du pacte asile et migration conclu entre les 27 ministres de l’Intérieur de l’Union européenne et prévoyant la possibilité de renvoyer des demandeurs d’asile déboutés vers des “pays tiers sûrs”, comme pourrait l’être la Tunisie. Après un ballet diplomatique européen en Tunisie en juin, l’UE et la Tunisie sont censés élaborer avant la fin du mois un protocole d’entente sur la collaboration en termes de lutte contre la migration irrégulière, à l’approche du Conseil européen prévu le 29 juin. “Non aux accords de Dublin, les aides étrangères sont le cheval de Troie pour des intérêts étrangers”, affichait une autre pancarte.
D’un autre côté, l’Algérie est également accusée de renvoyer volontairement des migrants subsahariens arrivés sur son territoire, vers la frontière tunisienne.
Organisant une manifestation le même jour à Sfax pour des revendications similaires, la présidente du Parti destourien libre (PDL) Abir Moussi, ancienne membre du RCD (parti de Ben Ali) et opposante à Kaïs Saïed depuis la dissolution du Parlement, a dénoncé le silence des autorités face à la “situation catastrophique” que connaît Sfax et appelé au rapatriement des migrants en situation irrégulière vers leur pays d’origine. Elle a cependant critiqué le rassemblement organisé devant le siège du gouvernorat, estimant qu’il avait pour but de “perturber” celui de son parti.
Depuis le communiqué du 21 février où le président tunisien Kaïs Saïed a dénoncé la présence de migrants subsahariens en Tunisie, les accusant de “complot” en vue de “modifier la composition démographique” du pays, les attaques et agressions contre les ressortissants de pays d’Afrique subsahariennes mais aussi de Tunisiens noirs, se sont multipliées. Le discours de Kaïs Saïed a été vivement critiqué par plusieurs pays d’Afrique ainsi que par l’Union africaine. Depuis, le président tunisien a adouci son discours vis-à-vis des migrants, afin d’en limiter l’impact au niveau international, refusant cependant d’être considéré comme le gardien des frontières européennes. Dans les faits, la Tunisie collabore déjà avec l’Union européenne pour empêcher les départs en bateau de plus en plus fréquents ou pour accepter le retour de Tunisiens expulsés d’Europe.