Editorial. France : décrue de la violence. Et après ?
Le nombre d’interpellés comme celui des saccages a connu un net reflux dans la nuit du dimanche à lundi. Plusieurs facteurs ont contribué à cette relative accalmie. L’impressionnant déploiement des forces de sécurité, 45000 agents étaient sur le terrain, a naturellement permis de dissuader les pillards. Par ailleurs, les premières condamnations prononcées, y compris un dimanche, ont ramené à la réalité des bandes grisées par une atmosphère insurrectionnelle où se mêlaient jouissance du butin conquis et jubilation d’avoir fait un pied de nez à un pays oppresseur.
Des appels au calme, plus ou moins tardifs et plus ou moins intéressés, ont aussi probablement joué. On a vu des maires, des acteurs associatifs et même des imams rappeler à l’ordre des émeutiers. Un militant islamiste, barbu et vêtu d’une gandoura s’est interposé entre les forces de police et des casseurs qu’il invectivait. La vidéo a fait le buzz. Même le très acariâtre Jean Luc Mélanchon a dû mettre un ( petit ) bémol à ses récurrentes dénonciations des violences policières. Tout cela a peu ou prou impressionné les délinquants. Mais ce qui, outre la répression, a incontestablement pesé, c’est l’intervention des parents qui ont décidé de retenir leurs enfants à demeure. Il serait intéressant de chercher à connaitre les motivations profondes qui ont conduit à une telle réaction. Cette soudaine prise de conscience est-elle dictée par la gravité de la tournure prise par les évènements – une dérive qui désigne les Musulmans comme une catégorie à part ouvertement en guerre contre le pays d’accueil – ? S’agit-il de la peur de voir ses enfants pris dans la tornade des affrontements ou, et ce serait là un signe socio-politique important, la majorité des familles, jusque-là passives, a-t-elle décidé de se manifester pour donner un autre visage de la communauté émigrée et de sa descendance ?
Une chose semble cependant d’ores et déjà acquise. Les troubles de la semaine dernière marquent un tournant. Le débat actuel qui oppose les extrêmes sera rapidement dépassé pour faire place à une appréhension plus sereine mais plus exigeante sur des sujets qui furent refoulés ou traités par la caricature. Dans cette mise à plat des enjeux, Mélanchon sera probablement la première victime de ses propres surenchères. Toujours dans la fuite en avant, il vient d’annoncer que la France insoumise déposera aujourd’hui un projet de loi interdisant l’usage des armes à feu en cas de refus d’obtempérer. Eric Ciotti n’est pas en reste. Il demande le retrait de la nationalité française aux émeutiers bénéficiant de la double nationalité.
A ces propos polémiques qui font partie du décorum politicien peut se substituer maintenant un autre échange dans la société française. De même que dans la communauté émigrée la majorité silencieuse semble avoir vécu un choc collectif qui l’extrait d’une démission narquoise où l’on vivait la France comme une matrice dont on jouissait sans être concerné par son devenir, il apparait, également, que la France populaire, elle aussi majoritaire – indolente et résignée-, est décidée à regarder et lire une problématique civilisationnelle pour ce qu’elle dit et exige comme réponse fondamentale pour l’avenir de la nation française. Sans complexe ni outrance.
En matière du devenir français, la tectonique des plaques est en mouvement.
Les élites nord-africaines seront-elles au rendez-vous ?