Après l’Algérie, c’est l’Éthiopie qui annonce sa volonté d’adhérer aux BRICS
Un mois avant le sommet prévu en Afrique du Sud dans la ville du Cap, l’Éthiopie annonce officiellement sa volonté de rejoindre le groupe des économies émergentes BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Cette démarche relance le débat sur les critères d’élargissement de cette structure dans un contexte international marqué par la guerre d’Ukraine et des enjeux géopolitiques tendus. Le ministère éthiopien des Affaires étrangères, lors d’une conférence de presse tenue jeudi dernier à Addis-Abeba, a exprimé son espoir de recevoir une réponse positive à sa demande d’adhésion, soulignant l’importance d’intégrer des blocs tels que les BRICS pour mieux garantir les intérêts nationaux de son pays. Avec une croissance économique rapide (9,6 % sur 2010-2020) et le deuxième plus grand pays en population en Afrique après le Nigeria, l’Éthiopie occupe actuellement le 59éme rang mondial en termes de performance économique, selon le Fonds monétaire international (FMI).
Un nombre croissant de pays souhaitent rejoindre les BRICS
Depuis sa création en 2006, le groupe n’a admis qu’un seul nouveau membre, l’Afrique du Sud, en 2010. Cependant, le nombre de pays intéressés par une adhésion aux BRICS et à l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) a augmenté en 2022, atteignant une vingtaine d’États. Parmi ces pays, figurent notamment l’Égypte, la Turquie, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Indonésie, l’Argentine, le Mexique, ainsi que plusieurs pays africains. À l’heure actuelle, les BRICS représentent 42 % de la population mondiale (3,2 milliards de personnes) et environ 26 % du produit intérieur brut (PIB) mondial. Cependant, en dépit de leur poids économique, les membres des BRICS ne disposent que de 15 % des droits de vote à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international. Les experts soulignent l’importance de l’élargissement du groupe pour qu’il bénéficie à tous ses membres et éviter des intégrations purement symboliques qui risqueraient de déséquilibrer sa cohésion actuelle.
Cas de l’Algérie
En novembre 2022, l’Algérie a également exprimé son intérêt à rejoindre les BRICS, avec le président Abdelmadjid Tebboune, considérant que cette démarche serait bénéfique pour son pays en tant que puissance économique et politique. Toutefois, ses récentes déclarations et décisions politiques ont laissé penser que l’Algérie cherchait plus à se rapprocher de la Russie pour des considérations de repositionnement sécuritaires et miltaires qu’économiques ou financières.Lors de sa visite à Moscou en juin dernier, Tebboune a asssuré au président russe qu’il était l’une des figures les plus adorées au monde. Une déclaration qui fut accueillie par un sourire narquois de Vladimir Poutine. Cette tentative d’alignement assumé de l’Algérie sur la Russie remet en cause le traditionnel non-alignement du pays. Une initiative qui a, selon plusieurs sources, fait grincer quelques dents à Alger, y compris dans les cercles militaires.
Les résultats économiques hors hydrocarbures du pays, modestes voire médiocres, permettront-elles d’assurer son éligibilité au BRICS ? Beaucoup en doutent même si Alger peut compter sur le soutien de Moscou pour les raisons évoquées précédemment.
Pourquoi Emmanuel Macron veut-il participer au sommet ?
Le président français souhaite être le premier dirigeant occidental à participer à un sommet des BRICS. Cependant, cette demande a suscité des réactions mitigées à Moscou, car la présence de Vladimir Poutine à la prochaine réunion reste incertaine en raison du mandat d’arrêt émis contre lui par la Cour pénale internationale (CPI). Certains experts estiment que l’intérêt de Macron à rejoindre le sommet des BRICS est motivée par la pression croissante exercée par les États-Unis, le Royaume-Uni et d’autres alliés de l’OTAN pour adopter une position plus ferme à l’égard de la Russie suite à son intervention en Ukraine. Le président français tente ainsi de renforcer son rôle sur la scène internationale pour prouver qu’il peut encore exercer une influence sur la scène mondiale, malgré les critiques le qualifiant de dirigeant pusillanime ou d’acteur ayant fait montre de naïveté avec le président russe.
Une autre raison guide le choix du dirigeant français. Donner plus de crédit à sa récente initiative de lancer un « Nouveau pacte financier mondial », ( voir adn-med du 23/06/2023) une entreprise qui ambitionne d’être un sas entre les institutions de Bretton wood ( FMI et Banque mondiale ) et les BRICS. La démarche risque de heurter autant le partenaire américain que les hypothétiques alliés des BRICS. On voit mal les nations membres de ce groupe renoncer à la dynamique qu’ils ont créée depuis au moins une quinzaine d’années pour donner poids et vie à une entreprise française qui risquerait de freiner ou à, tout le moins, de parasiter un clivage géopolitique que s’emploient à construire les pays émergents.
Enjeux décisifs
Les BRICS affirment ainsi leur volonté d’indépendance et leur aspiration à un monde multipolaire. S’ils parvenaient à franchir sans grandes encombres les prochaines étapes qu’ils se sont fixées, ils pourraient espérer se rapprocher de leurs objectifs dans des délais raisonnables, notamment en ce qui concerne une possible introduction d’une nouvelle monnaie internationale qui représenterait une alternative au dollar américain. Cette proposition, évaluée par plusieurs économistes, repose sur des bases qui peuvent être convaincantes si l’on prend en compte des critères tels que la population, le territoire, la production d’énergie, le PIB, la production alimentaire et les armes nucléaires des BRICS.
Détrôner l’hégémonie du dollar n’est pas une tâche facile, mais l’adoption d’une nouvelle monnaie adossée à l’or pour garantir une devise indépendante du billet vert est prise au sérieux à Washington. Le lancement de cette monnaie sera discuté le mois prochain, ce qui, au-delà de la qualité des membres qui pourront postuler aux BRICS, donne au sommet de Gauteng ( le sommet se tient à la ville du Cap ) un supplément d’intérêt.
L’élargissement des BRICS pourrait conduire à une organisation similaire au Conseil d’assistance économique mutuelle (CAEM) de l’époque de la guerre froide, avec une vision moins idéologique mais plus large, permettant de contester le monopole économique détenu par les États-Unis et leurs alliés.
SAIDANI Kassi