Migrants en Tunisie : la tentation Erdogan se profile
Une autre enquête vient d’être ouverte par le parquet de Sfax ce lundi suite à des affrontements ayant opposé des Subsahariens clandestins et des habitants du quartier populaire de Rabd.
L’exutoire de la xénophobie
Deuxième centre urbain tunisien situé dans le centre est du pays, Sfax est le lieu où se regroupent une masse importante de migrants avant leur départ vers l’ Italie,.Le destination, quand elle est atteinte, est le plus souvent l’île de Lampedusa distance de moins de 180 kilomètres des côtes tunisiennes.
La concentration des flux migratoires dans cette cité a toujours provoqué des tensions avec les habitants de certains quartiers où se massent les Subsahariens. Cependant, les ONG tunisiennes relèvent que les violences contre les Noirs, qui n’épargnent d‘ailleurs pas de citoyens tunisiens de couleur, ont nettement augmenté après que le président Kais Saied ait dénoncé l’arrivée de ces populations comme une opération relevant d’une stratégie de submersion démographique dont l’objectif serait de diluer la personnalité arabo-islamique de la Tunisie dans des groupes de confession chrétienne, ce qui du reste n’est pas toujours le cas, loin s’en faut. Une déclaration qui avait soulevé des réactions de protestation dans et en dehors du pays.
Une partie des couches populaires tunisiennes a néanmoins adhéré aux propos du chef de l’Etat qui a ainsi pu faire diversion sur une situation socio-économique particulièrement critique. Pour le locataire de Carthage, les causes de la déshérence tunisienne sont claires : les riches qui sont des voleurs et les Subsahariens.
Modèle Erdogan
Kais Saied met le même dossier au centre des pourparlers qu’il engage avec ses partenaires européens, du moins pour ce qui concerne ses voisins les plus immédiats comme l’Italie ou la France, soutenus dans leur démarche par l’Union européenne. En l’espace d’une semaine, le président tunisien a eu droit à la visite de l’italienne Giorgia Meloni ( à deux repries ), suivie par le Français Gerald Darmanin, le premier ministre néerlandais Mark Rutte et la présidente de la commission de l’UE, Ursula Vander Layen ( voir adn-med du 13 juin ). Le sujet de ce ballet est toujours le même : la contention des mouvements migratoire partant de Tunisie contre des compensations dont il reste à définir les termes.
Les Européens cherchent à négocier une collaboration de Tunis dans la possibilité de freiner les départs à partir de son sol mais aussi de recevoir une partie des migrants qui doivent être expulsés du Vieux continent. Ceci contre promesse d’assouplissement de la gestion de sa dette auprès de ses créanciers et une aide économique plus directe. Une proposition que le locataire de Carthage dit refuser tout en gardant le contact avec les autorités des pays concernés. L’ambiguïté alimente à Tunis dérisions et suspicions contre une homme dont le pouvoir personnel a fini par exaspérer une grande partie de la classe politique.
La formule turque s’appliquera-t-elle en Tunisie ?
C’est ce commandant de navire, dont le frère pêcheur a déjà eu à se détourner pour secourir une chaloupe en perdition, qui résume le mieux la posture du chef de l’Etat tunisien: « Kais Saied et Erdogan ont deux différences. La première est politique. Le Turc soutient et finance les frères musulmans d’Ennahdha, ennemis jurés du second. Par ailleurs, ce dernier est indemne des prédations qui jalonnent le parcours du maitre d’Ankara. ». Notre interlocuteur précise : « Cependant les deux hommes partagent beaucoup de choses. Il y a d’abord la vision revancharde contre l’occident. Celle-ci est nourrie par le panislamiste chez le Turc et le panarabiste pour le Tunisien. Ensuite ils ont la certitude que l’autoritarisme est le mode de gouvernance le plus indiqué pour leurs peuples. Enfin, l’exercice du pouvoir personnel est une tentation permanente chez l’un et l’autre. La question n’est pas de savoir si Kais Saied cédera aux attraits des offres financières des Européens mais quand il y succombera. » Et d’ajouter : « Est-ce que lui aussi de jouera des migrations comme levier politique à chaque fois qu’un contentieux surgira entre lui et un ou plusieurs des gouvernements européens ? Difficile de le dire, mais l’homme a pris tant de décisions inattendues…»
La Turquie, comme d’ailleurs le Maroc à une autre échelle et sur un autre registre, ont su actionner la pression migratoire pour obtenir des bénéfices politiques ou financiers. L’Algérie ne se prive pas d’orienter une partie des migrants qu’elle expulse vers la Tunisie quand leur protégé de l’est ose des propos ou des positions qu’elle juge inappropriés.
Pour l’instant, Kaies Said n’a pas cédé à cette tentation. Pour combien de temps ?
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