Jean Glavany * : « Les émeutes ? Les meutes ? »
Nous publions les questionnements que nous soumet le socialiste Jean Glavany sur les émeutes qui viennent de secouer la France. L’homme a souvent refusé de se couler dans la bien-pensance que cultive son camp sur le communautarisme. Il fut un des premiers et rares dirigeants français de gauche à avoir dénoncé le double discours de Tarik Ramadan quand les médias mainstream se disputaient les interventions de l’islamologue.
Fidèle à son parcours et ses convictions, l’ancien ministre s’interdit néanmoins d’accompagner la meute qui oppose paix et justice et occulte la responsabilité des parents.
On peut déplorer que, cette fois, l’urgence d’extraire le débat des caricatures ait limité les interrogations, par ailleurs pertinentes, aux causes sociales de la colère des descendants des immigrés, provoquant un angle mort sur le soubassement religieux qui suinte de ces violences. Détail.
Les émeutes dans les quartiers de la semaine dernière ont provoqué un déluge de réactions précipitées de toutes parts qui n’étaient point marquées du sceau de la sagesse.
« Je cherche à comprendre » disait le philosophe mais il n’a pas été entendu…
Alors je lance quelques pistes de réflexion, de ma réflexion sur le sujet qui n’est pas achevée, loin de là. Non pas pour polémiquer mais pour continuer à réfléchir, pour inviter à poursuivre la quête de compréhension :
- Les « émeutes » ? Les meutes ? On pense bien sûr à Hugo qui distinguait la foule – violente, aveugle- du peuple. On ferait d’autant mieux d’y réfléchir avant de voir dans ces nuits de violence un soulèvement du peuple, que la simple observation statistique fait apparaître une évidence : c’est une infime minorité de la population de ces quartiers qui était dans les rues. Des milliers ne représentent pas des millions.
- Deuxième évidence : l’âge des « émeutiers ». Jeunes, très jeunes. Beaucoup de mineurs.. Et si on n’y voit pas d’abord et avant tout un problème d’éducation, c’est qu’on est bien aveugle….le service public de l’éducation nationale est bien malade, surtout dans ces quartiers où enseigner est un véritable sacerdoce .
- Le débat sur la qualification de ces actes a été bien pitoyable: appel au calme contre appel à la justice… soit. Mais la République n’est-elle pas une conjugaison des deux ? L’ordre ET la justice . Pourquoi opposer les deux sinon dans une optique politicienne bien peu républicaine ?
- Les circonstances de ces émeutes sont à aborder avec sagesse : certes, on a eu affaire à des pillages organisés insupportables et inqualifiables. Mais il y a bien eu une étincelle
non ? Sans la mort de Nahel auraient-ils eu lieu ? - Cette mort et ses circonstances ne doivent donc sûrement pas être éludées.
J’ai voté la loi de 2017 dite loi Cazeneuve sur la police qui, contrairement à ce qu’avancent des politiciens irresponsables n’accordait pas de « permis de tuer ». Nullement. Mais le Parlement s’était interrogé avec le Ministre sur la définition de la « légitime défense » des forces de l’ordre devant la croissance des violences contre celles-ci qui est une réalité incontournable. Qu’il faille procéder à une évaluation des effets de cette loi, c’est une évidence. Mais pas en niant cette réalité. - Le policier qui a tiré était-il en légitime défense ? J’ai mon avis sur la question. Mais à l’inverse du Président de la République je ne le donnerai pas car je ne sais pas tout. C’est à la Justice de le dire, après une enquête sérieuse et approfondie, en toute sérénité, pas au débat public.
- Dernière réflexion sur la police sous forme de questions:
Qui a supprimé la mise en place de la police de proximité dans les quartiers en affirmant que la mission des policiers n’était pas d’organiser des tournois de foot dans les quartiers ? Histoire de dire que la prévention n’avait pas lieu d’être et sur seule la répression avait un sens …Sarkozy Ministre de l’Interieur.
Et qui a supprimé la direction de la formation de la police ? Le même, qui a ensuite supprimé comme Président des milliers de postes de policiers….
On paye tout cela aussi.
*Jean Glavany a été élu à cinq reprises députes. Il a aussi été chef de cabinet de François Mitterrand, secrétaire d’Etat à l’enseignement technique et ministre de l’agriculture.