Tunisie. Deux opposants libérés…mais la répression reste de mise
Deux opposants tunisiens, Chaima Issa et Lazhar Akremi, vont être remis en liberté après avoir été arrêtés en février dernier, selon leur comité de défense. Cette annonce qui réjouit les familles des deux personnes concernées ne rassure cependant pas les militants des droits de l’homme puisque d’autres détenus politiques impliqués dans la même affaire croupissent toujours en prison.
Le fait du prince
Chaima Issa, membre éminent du Front de salut national (FSN), principale coalition d’opposition, et Lazhar Akremi, avocat et ancien ministre, figuraient parmi un groupe d’une vingtaine d’opposants politiques et de personnalités du monde des affaires arrêtés dans le cadre d’une enquête pour “complot contre la sûreté de l’État”.
Le comité de défense tunisien a déclaré que le juge d’instruction qui avait décidé de libérer Chaima Issa avait aussi répondu favorablement à la demande de libération de Lazhar Akremi. Cependant, la demande de libération des autres opposants politiques a été rejetée par le juge de la Cour d’appel, soulignant ainsi les limites de ces deux libérations. D’ailleurs, nul ne sait de façon précise pourquoi avoir libéré ces deux prisonniers et pas les autres. Des ONG tunisiennes consédèrent cette décision comme une signe destiné à bien signifier que l’arrestation comme la libération d’un citoyen relève du fait du prince.
Auparavant, le 24 mai, Nouredine Boutar, directeur de Mosaïque FM, la radio privée indépendante la plus écoutée en Tunisie, avait été libéré sous caution d’un million de dinars (environ 300 000 euros) après son arrestation dans le cadre de la même enquête (voir ADN-Med du 24/05/2023). Cependant, l’épée de Damoclès est toujours au dessus de sa tête puisqu’il fait toujours l’objet de poursuites pour « complot contre la sûreté » de l’État et « blanchiment d’argent ».
Des ONG dénoncent « la chasse aux sorcières »
Une centaine de manifestants et de proches des opposants détenus ont manifesté jeudi matin pour réclamer la libération de tous les prisonniers politiques. Ils ont dénoncé des arrestations qu’ils considèrent comme motivées par des « raisons politiques ». Un manifestant, Abdelaziz, fils d’Issam Chebbi, dirigeant du FSN, a témoigné en déclarant que son père « paie la facture de son amour pour la Tunisie ». Issam Chebbi était déjà un opposant farouche au dictateur Zine El Abidine Ben Ali, renversé lors de la révolte populaire de 2011.
Desoncôté, Amnesty International a condamné cette campagne d’arrestations comme une « chasse aux sorcières » motivée par des considérations politiques. Selon cette ONG, les détenus ont été interrogés sur leurs rencontres avec des diplomates étrangers, leurs échanges téléphoniques et leurs interviews dans les médias.
Plusieurs organisations non gouvernementales tunisiennes et internationales ont signalé une régression des droits et des libertés dans le pays depuis le coup de force par lequel Kais Saied a pris les pleins pouvoirs en juillet 2021.
Kaïs Saïed imperméable aux critiques
Avant de recevoir une délégation européenne ce dimanche pour discuter du dossier des migrants subsahariens, Kaïs Saïed qui a réuni ce vendredi le conseil de sécurité a encore martelé sa rhétorique contre les ennemis de la nation qui abusent de la démocratie pour organiser des complots et « qui ont pris l’habitude de se jeter dans les bras de la colonisation. ». Il a, par ailleurs, maintenu ses positions controversées sur le dossier des migrations subsahariennes dont il assure qu’elles sont opérées « par des réseaux criminels (…) qui ont des objectifs lucratifs mais qui visent aussi l’existence des nations. » En février Kais Saïed avait accusé les migrants subsahariens de vouloir provoquer une rupture démographique en Tunisie pour dissoudre et changer son identité arabo islamique.