mardi, novembre 28, 2023
Éditorial

EDITORIAL. Sommet Russie-Afrique : Poutine, pompier pyromane ?

La deuxième édition du sommet Russie-Afrique se tiendra à Saint-Petersbourg les 27 et 28 juillet. Le président russe qui bénéficie toujours d’un soutien ou d’une relative complaisance des pays africains après son invasion de l’Ukraine veut faire de cette rencontre un moment essentiel de sa politique internationale. Outre les secteurs militaires, sécuritaires, économiques, scientifiques, et culturels, Poutine a eu la bonne idée d’ajouter à l’ordre du jour, un sujet relatif à…l’humanitaire. Il risque d’avoir quelques difficultés à maintenir en l’état une relation privilégiée dont les origines remontent aux guerres coloniales. 

Un accord vital pour l’Afrique

En faisant bombarder les silos de stockage de blé ukrainien, le président russe entend faire comprendre que l’accord qui permettait d’exporter les céréales russes et ukrainiennes malgré la guerre est bel et bien enterré. Or le continent africain est l’un des premiers importateurs des deux pays. 

Pour l’heure, les efforts du binôme Turquie-Qatar tentant de sauvegarder la possibilité de continuer à assurer la sécurité des navires céréaliers sont restés vains. Cette rupture d’approvisionnement n’est pas sans poser problème à plusieurs nations dont un nombre appréciable sont africaines.

Poutine a déjà préparé son argumentaire. L’accord a été rompu du fait des Occidentaux qui n’ont pas respecté les intérêts russes. La responsabilité des perturbations des livraisons de blé aux peuples africains incombe donc à ses adversaires. Une explication dont le maitre du Kremlin attend qu’elle suscite un rejet encore plus grand des Africains envers l’Occident.

La destruction méthodique des capacités de stockage de céréales de l’Ukraine entreprise cette semaine par l’armée russe a, en effet, pour conséquence immédiate de faire de la Russie le seul exportateur céréalier d’Europe centrale. Poutine dont les réserves financières demeurent importantes malgré les sanctions dont est l’objet son régime s’apprêterait proposer son blé à prix cassé à ses clients africains voire même, selon certaines indiscrétions, gratuitement pour les pays les plus vulnérables. Une promesse qui n’engage à rien concrètement mais dont le message politique peut être entendu et relayé sur le continent par les partenaires traditionnels de Moscou.

Chantage et calculs

Sauf que la dénonciation de l’accord fait de la mer noire une zone de guerre où serait menacé tout navire qui s’y aventurerait. Ni les armateurs ni les assureurs n’accepteraient de faire naviguer leurs bâtiments dans de telles conditions.

La dernière décision russe provoquera et aggravera des tensions politiques et des crises humanitaires déjà préoccupantes. Une perspective qui n’est pas sans exposer à la vindicte populaire des régimes aux légitimités aléatoires. Et ce péril risque d’être l’un des facteurs qui introduit les premières failles dans une Afrique où, jusque-là, Moscou a confortablement surfé sur le ressentiment post-colonial.

Poutine peut toujours compter sur un soutien sans réserve de pays comme l’Algérie, le Mali ou la Centre-Afrique mais d’autres nations ne sont pas tributaires de connexions militaires, sécuritaires ou doctrinales qui lient Alger, Bamako ou Bangui à Moscou. L’accès aux céréales russes est un élément déterminant dans la retenue que ces États ont affichée à l’endroit de la Russie dans les instances internationales depuis « l’opération militaire spéciale » déclenchée le 24 février 2022. En effet, et en dehors du marché de l’armement, le commerce entre la Russie et l’Afrique, déjà modeste, connait encore un reflux avec la récession économique que subit ce pays après les sanctions qui le cible ces deux dernières années.

C’est le président russe qui vient de décider de mettre un terme à un mécanisme qui lui assurait, sinon une solidarité déclarée, du moins, une fidèle compréhension africaine qui atténue son isolement extérieur. 

Après la première édition célébrée avec enthousiasme en 2019 à Sotchi, le deuxième rendez-vous Russie-Afrique risque d’être moins consensuel.  

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