mardi, novembre 28, 2023
International

Sommet Russie-Afrique : la scène et les couloirs

Le rideau vient de tomber à Saint Pétersbourg sur le deuxième sommet Russie-Afrique qui a rassemblé les délégations de 49 pays africains, dont 17 chefs d’État. Si la participation peut être considérée comme conséquente compte tenu de l’isolement diplomatique que connait la Russie ; force est de constater que l’on est quand même loin des 43 chefs d’Etat qui avaient honoré la première édition de 2019. Et encore. Il y a matière à épiloguer sur le retour sur investissement que peut attendre Poutine des juntes malienne et burkinabé et la relation qu’il peut espérer avec le Maroc représenté par son premier ministre Aziz Akhannouch.

À l’issue de cette rencontre, une déclaration commune a été adoptée, illustrant un engagement mutuel en faveur « d’un ordre mondial multipolaire, équitable et démocratique. »

Proclamation généreuse 

Le président russe Vladimir Poutine a souligné l’importance d’un ordre mondial multipolaire, mettant en avant la nécessité de lutter contre le néocolonialisme et les sanctions qu’il considère comme illégitimes. La Russie, isolée sur la scène internationale suite à son offensive militaire lancée contre l’ Ukraine en 2022, cherche à renforcer ses liens avec les pays africains et à établir une coopération que tous souhaitent solide et équilibrée.

La déclaration commune entre la Russie et les pays africains prévoit une coopération renforcée dans des domaines essentiels tels que l’approvisionnement alimentaire, l’énergie et l’aide au développement. Les participants se sont engagés à s’opposer fermement à toute forme de confrontation internationale sur le continent africain, cherchant à promouvoir la paix et la stabilité dans la région.

Un aspect clé de la déclaration est la volonté de Moscou d’aider les pays africains à obtenir réparation pour les dégâts économiques et humanitaires causés par les politiques coloniales occidentales. Cette mesure inclut la restitution des biens culturels pillés pendant la période coloniale.

Partenariats économiques et sécuritaires 

Le sommet a également ouvert la voie à la création d’un mécanisme de partenariat et de dialogue pour aborder les questions de sécurité, y compris la lutte contre le terrorisme, la sécurité alimentaire et le changement climatique.

En ce qui concerne les questions économiques, le président Poutine a promis à six pays africains la livraison gratuite de céréales dans les prochains mois. Cette offre intervient après l’abandon par la Russie de l’accord sur les exportations de produits agricoles ukrainiens. Les pays africains destinataires sont le Zimbabwe, la Somalie, l’Érythrée, ainsi que le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso, ( voir adn-med du 25 juillet ) des pays ayant renforcé leurs relations avec la Russie ces dernières années. Le président du Zimbabwe s’est même vu offrir un hélicoptère présidentiel. Poutine a souligné que la Russie est un producteur solide et responsable, capable de remplacer les céréales ukrainiennes sur le marché commercial et de fournir également une aide humanitaire gratuite.

La Russie peut-elle concrétiser les engagements annoncés à l’issue de ce sommet ?

L’arrière-scène

En marge du sommet, quelques chefs d’État africains ont été filmés entonnant l’hymne russe, délivrant ainsi ainsi un message à forte charge symbolique dans une conjoncture géopolitique particulière où la France, confrontée à la défection de ses alliés au Sahel, cherche à maintenir son influence dans l’Afrique subsaharienne, tandis que la milice Wagner continue de susciter des inquiétudes en devenant la garde prétorienne de régimes putschistes. Le dernier pays à être retombé dans le cycle infernal des coups d’Etat est le Niger. Si l’influence politique de l’époque soviétique sur le continent est bien de retour, les engagements économiques de Saint Pétersbourg risquent de connaitre le même sort que ceux qu’avait été proclamés lors de  la première rencontre du sommet Russie-Afrique tenu à Sotchi en 2019  où il avait été décidé de multiplier par trois le  volume des échanges commerciaux. Dans les faits ces échanges ont stagné. Et on peut avancer que cet fois encore la situation ne changera pas.

L’économie russe est orientée vers la guerre et les besoins industriels de l’Afrique ne trouveront pas de réponse satisfaisante dans la stratégie adoptée par le Kremlin tout occupé à fournir des armes et des munitions à ses troupes sur le front ukrainien. Mais il y a plus problématique. Les promesses d’endiguer le terrorise par le biais des milices Wagner tournent au cauchemar. Depuis le retrait des troupes françaises du Mali, les groupes djihadistes se sont dangereusement rapprochés de Bamako. 

Quant à la dénonciation des séquelles héritées du colonialisme en Afrique, celles qui furent infligées aux peuples d’Asie centrale par la Russie tsariste ou l’Union soviétique ne furent pas plus enviables. Enfin l’exploitation des mines de diamants en Centre-Afrique ou celles de l’or au Mali par ces mêmes milices milices participent d’une prédation qui n’est pas sans rappeler celle qu’a connu le continent quand il fut colonisé au XIXéme et au XXéme siècle.

Le simple fait qu’un sicaire comme Prigogine se soit affiché avec des membre de délégations invitées à ce sommet donne une vision de la nature des rapports que veulent nouer les Russes en Afrique et des sociétés qu’ils entendent faire émerger.

Une chose est sûre. Les régimes despotiques du continent seront rassurés par le protectorat russe et les militants démocrates doivent se préparer à un long hiver politique.    

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