mardi, novembre 28, 2023
Éditorial

EDITORIAL. Crise du Niger : Veillée d’armes en Afrique de l’ouest

Le coup d’Etat de trop ? Nous interrogions-nous dans l’édition d’adn-med du premier aout. La rébellion, toujours incertaine, menée par le responsable de la garde présidentielle du Niger ne passe pas. L’effet domino est appréhendé avec sérieux et gravité par les pays de l’Afrique de l’ouest qui voient dans cette dernière action un risque d’extension de coups d’état inspirés ou, du moins, admis par la Russie.

L’Afrique réagit collectivement contre le militarisme

Outre l’aspect politique qui fait du continent un lieu d’instabilité politique chronique où les peuples sont exposés à une noria de putschs les condamnant à une vie publique dépendant des humeurs et des intérêts de militaires plus ou moins crédibles, ces renversements contribuent objectivement à l’extension du djihadisme ; c’est en tout cas ce qui est déjà observé par les experts au Mali.    

A la veille de l‘expiration du délai de la CEDEAO ce dimanche, chaque partie campe sur ses positions et fourbit ses armes. Les tentatives de médiation engagées par une délégation mandatée par cette organisation et le chef d’Etat tchadien ayant échoué, chacun compte ses forces. Le numéro 2 des putschistes s’est rendu à Bamako pour rencontrer les responsables de Wagner. Le raidissement des insurgés se traduit aussi par le sort réservé au président élu Mohamed Bazoum auquel est, selon l’ambassadrice du Niger à Paris, coupé l’eau et l’électricité et confisqué les puces téléphoniques qui lui permettaient de rester en contact avec le monde.

De leur côté, les membres de la CEDEAO affichent leur résolution à ne plus tolérer les faits accomplis de militaires factieux : « Nous sommes déterminés à mettre fin à cette situation. Mais nous n’allons pas dire aux putschistes quand nous allons intervenir », a déclaré ce samedi le porte-parole de la CEDEAO.

Si elle venait à être engagée, ce serait la première fois qu’une opération regroupant des Etats africains pour faire avorter un coup d’Etat aura été organisée. Une initiative dont on peut supposer qu’elle sera attentivement suivie par les démocrates africains.

Le double jeu russe

Sur la scène internationale, les Occidentaux s’en tiennent, pour l’instant, aux condamnations politiques du putsch et à des sanctions financières et économiques. La Russie attend de voir l’évolution sur le terrain. Officiellement le Kremlin demande le respect de la légalité mais le très sulfureux Prigogine déclare son soutien aux putschistes et se répand en accusations ciblant directement les Français. Par ailleurs, plusieurs sources d’information indiquent que des manifestants auraient été payés pour soutenir les putschistes et brandir des drapeaux russes. Pour cet entrepreneur italien qui a choisi de rester à Niamey « Moscou qui semble vouloir rejouer à Niamey les scénarii exécutés à Bamako et Ouagadougou aura du mal à se dédouaner des abus des milices Wagner, Poutine ayant maintenant déclaré que c’est l’Etat russe qui les finance ».

Sur le papier, le rapport de force est largement en faveur de la CEDEAO où l’armée nigériane forte de près de 150 000 hommes peut atteindre, avec les appoints des troupes ivoiriennes et sénégalaises, les 185 000 soldats. Avec ses 30 000 militaires, l’armée nigérienne ne peut faire le poids. Sans compter le fait que le chef de la junte Abdourahamane Tchiani n’est pas très apprécié de ses collègues. Du reste, le chef d’état-major nigérien n’a pas témoigné de grand enthousiasme à l’endroit du pustch. Dans un message public, ce dernier s’est contenté de dire que son attitude était dictée par la nécessité de préserver la vie du président Bazoum et d’éviter de faire couler le sang nigérien.  

Pour les observateurs, et sauf rétropédalage des putschistes, la possibilité d’une intervention de la CEDEAO  est une hypothèse à prendre au sérieux. Certains la disent même probable. D’une part, cette organisation engage sa crédibilité ; d’autre part, le jeune président du Nigéria qui en assure présentement la présidence ne cache pas ses convictions démocratiques et sa volonté à faire entendre que l’épidémie des putschs sur le continent doit cesser. Cette exigence de la CEDEAO à imposer une conception de la vie publique arbitrée par la citoyenneté contraste avec la frilosité opérationnelle de l’Union africaine qui s’en tient à la condamnation formelle des renversements par la force de pouvoirs démocratiquement élus.

Partager avec

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Advertisment ad adsense adlogger