mardi, novembre 28, 2023
Éditorial

EDITORIAL. Niger, symbole de l’indigence africaine

Ce samedi, le général Abdourrahamane Tchiani, auteur du putsch qui a renversé le président Mohamed Bazoum, un chef d’Etat qui peut s’honorer d’avoir été démocratiquement élu, recevait une délégation de chefs musulmans nigérians venus offrir leur médiation à la crise institutionnelle dans laquelle il a plongé son pays depuis maintenant trois semaines.

Prime au religieux

Ce sera les seuls interlocuteurs que le nouveau maitre de Niamey, qui se plait à donner de lui une image d’homme pieux, acceptera de recevoir. C’est bien connu, un croyant ne peut être coupable de forfaiture. Il avait auparavant refusé de rencontrer les représentants de la Cedeao, ceux de l’Union africaine et resta sourd aux appels et/ou condamnations de L’ONU, l’Union européenne et l’Union africaine qui l’invitaient à restaurer l’ordre constitutionnel. Voilà pour les disponibilité politique d’un responsable militaire qui assure avoir commis son coup d’Etat pour mettre un terme à la gouvernance défaillante d’un régime dans lequel il occupe d’éminentes fonctions depuis 2011. Deux jours auparavant, les états-majors des pays membres de la Cedeao avaient annulé une réunion de coordination prévue au Ghana et destinée à préparer l’intervention militaire décidée par la conférence des présidents tenue dans la foulée du sommet extraordinaire qu’avait réuni l’organisation ouest-africaine à Abuja. Autant dire un aveu d’impuissance

Le fait religieux, que le général Tchouani cherche à introduire dans ses conciliabules, a produit des variants qui saignent le Sahel à travers diverses factions, quelque fois opposées les unes aux autres, mais toutes engagées dans la prédation et l’asservissement des populations. Des dévastations que les dignitaire reçus par le général Tchouni furent incapables d’empêcher.

L’imposture russe

Dans les rues de Niamey des milliers de jeunes et moins jeunes chauffés à blanc affichent leur soutien à la junte et brandissent le drapeau russe, pays à l’ombre duquel siègent déjà deux régimes militaires de pays voisins, en l’occurrence le Mali et le Burkina Faso. On a même entendu les manifestants appeler les milices Wagner à venir sauver leur patrie ; des suppliques soulignées par des quolibets dénonçant le colonialisme français.

Pour les adeptes des militaires, la Russie est immunisée contre toute forme de parole révélant la nature despotique de son régime. Vierge de passsé colonial, elle se présente en Afrique en sauveur des peuples et protectrice de la veuve et de l’orphelin. Les crimes commis en Ukraine et les arbitraires subis dans certains Etats d’Asie centrale sont inaudibles. Du moins à Niamey. Les milices Wagner pillent les diamants de Centre-Afrique, l’or du Mali et lorgnent déjà sur le coton du Burkina, tout cela n’atteint pas les jeunes élevés dans le culte de l’homme puissant. Pourtant, au-delà des opérations qui renforcent son influence politique et militaire, l’intérêt de Moscou pour le continent est dérisoire. Les investissements russes en Afrique représentent à peine 1%. Si la politique de coopération post-coloniale française a eu bien des retards à l’allumage, les appétits russes, eux, ne s’embarrassent même pas de faux semblants. Les abus qui vont jusqu’à des exécutions sommaires de Wagner n’ont rien à envier aux cabales menées par un certain Bob Denard à l’époque bénie de la Françafrique. Sauf que les Russes s’y adonnent au XXIéme siècle avec, en prime, l’image du défenseur des damnés de la terre.

Par le passé ; des organisations caritatives se sont immiscées dans les conflits avec pour mission de protéger ou répondre aux besoins urgents des civils otages des combats. Ce n’est pas de cela dont il s’agit à Niamey. Supposons que par extraordinaire, les chefs religieux nigerians parviennent à faire entendre raison aux putschistes nigériens. Le médicament pourrait s’avérer pire que le mal. Des autorités religieuses auront réussi là où les institutions continentales et l’ONU ont échoué à faire respecter le droit international…Un boulevard pour un djihadisme à l’affut dans toute la région. Tout cela avec le soutien déclaré ou implicite de la Russie poutinienne qui s’accommode bien d’un Ramzan Kadirov, autocrate fondamentaliste, héritier de son père et préparant ses enfants à perpétuer un ordre politique moyenâgeux.

Ce sinistre scénario ne semble pas inquiéter outre mesure les intellectuels du continent reclus dans un silence douteux ou recrutés par la meute qui entonne une fois de plus la partition victimaire.

Le Niger n’est pas seulement pauvre à cause de la misère matérielle chronique qui affame son peuple, il est aussi, et surtout, victime du déni citoyen, redoutable pourvoyeur des âmes asservies, ces causes originelles des ventres vides.

La situation nigérienne est emblématique d’une épidémie africaine qui prétend faire des archaïsmes générateurs du malheur africain le recours contre le Mal. C’est ce qu’on appelle la régression.              

Partager avec

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Advertisment ad adsense adlogger